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Fillan Davis ▬ Neve L O'Connell

24 Octobre 2024 – 10h25 a.m Café « Chez Tony », Achaea

Voilà plusieurs mois qu'une rumeur persistante ne cessait de prendre sa place dans toute les discussions du journal, et un prénom en particulier revenait sans cesse, celui de Justin. Enfin tantôt Justin, tantôt Shawn. Les conversations de ce genre avaient une bonne raison d'attirer l'attention de l'humaine pour la bonne et simple raison qu'elles concernaient un collègue du journal, enfin, un ex collègue. A l'époque ou elle était encore avec Sean, la jeune femme avait partagé un article avec Justin Connor's, un photographe plutôt particulier et à l'humour à toute épreuve. La journaliste avait travaillé avec lui une bonne semaine afin de clore un ensemble d'articles concernant diverses agressions qui semblaient liées entres elles. Sans pour autant faire connaissance plus intimement, Neve, Sean et Justin avaient bu un verre ensemble un soir, et parlé de choses et d'autres pendant une bonne partie de la soirée. Après quoi, ils s'étaient simplement reparlés à diverses occasions lorsqu'ils se croisaient dans le journal, et lorsqu'elle avait rompu avec Sean et que le photographe était venu lui remonter un peu le moral, mais sinon, rien de très particulier, et Neve rangeait le jeune homme dans la catégorie des gens à mieux connaître. Mais malheureusement, elle n'en avait pas eu l'occasion, du jour au lendemain, le beau brun s'était volatilisé, et une rumeur inquiétante avait fait son apparition dans le journal avant d'être confirmée par le reporteur qui passa sur la chaîne du journal quelques heures plus tard : Justin avait été arrêté. Il était soupçonné d'être un terroriste, se cachant en Amérique sous une fausse identité, et s'appelant en réalité Shawn Sciuto, originaire du Canada, et responsable du meurtre de son père par dessus le marché. Sur le coup, la nouvelle avait assommée tout le monde dans le journal. Déjà la majorité des filles de l'immeuble qui n'étaient pas insensibles aux charmes du beau photographe, et ensuite les collègues qui avaient partagés des reportages ou des articles avec lui. Même Sean, pourtant assez difficile à berner, n'avait pas vu le jeu du jeune homme.

Mais après le tsunami que ça avait déclenché, les réactions avaient été vives, impossible pour qui que ce soit qui connaissait un temps soi peu le jeune homme, d'imaginer qu'il pourrait avoir été une personne telle que les autorités le décrivaient. Certes, il était très original et assez facétieux, mais personne n'était jamais devenu terroriste parce qu'il n'entrait pas dans le moule de la société ! Les responsables du journal avaient donc décidés d'agir, et avaient engagés un avocat renommé afin de défendre leur photographe, et lui permettre d'être innocenté. Même si tout cela se révélait faux, Neve ne comprenait néanmoins pas la raison qui avait poussée Justin, enfin Shawn, à mentir sur son identité, après tout peut-être qu'une partie des révélations étaient justifiée ? Quoi qu'il en soit, tout cela n'avait jamais été vérifié, car sans aucune raison, après quelques jours d'emprisonnement, le jeune homme avait été transféré dans une autre prison et tout le monde avait perdu sa trace, même son avocat. Tout le monde s'était indigné, et le présentateur du journal avait fait un foin à l'antenne devant le manque de transparence des autorités qui avaient aussitôt répliquées qu'un terroriste n'avait pas nécessairement droit à un procès, et que désormais, Shawn serait aux mains des services secrets. Puis plus rien, le néant, Shawn avait disparut de la circulation, et au bout de quelques temps, tout le monde au journal avait reprit sa petite vie, le nom du beau photographe disparaissant peu à peu des conversations et des esprits. Mais à de nombreuses reprises, Neve avait relancé ses collègues, qui au début l'avaient suivie, mais peu à peu répondaient que ce n'était plus utile et que tout était terminé. Mais quoi « tout » ? Même Sean avait suggéré à son amie de laisser tomber l'affaire, ce qui ne faisait qu'enrager encore plus l'humaine qui avait décidé de se débrouiller seule. Lorsqu'elle avait été dans le besoin, il l'avait aidée, alors elle ferait tout ce qu'elle pourrait de son coté et ne laisserait personne la décourager !

C'est pour cela que Neve avait contacté Maître Davis, l'avocat qui avait eut une entretenue avec Shawn avant qu'il ne disparaisse. Celui-ci l'avait redirigée vers l'association dont il était l'avocat, et qui avait essayé de défendre les intérêt du jeune homme, l'Afflictis Lentae. L'humaine avait déjà entendu parler de cette association plusieurs fois de suite, déjà dans certains articles, en ensuite à la télévision en tant qu'association qui défendait les mutants. Les mutants ? L'idée que Shawn puisse en être un la laissait surprise, elle n'avait rien remarqué chez lui qui puisse justifier cela. Comme la demoiselle avait de toute manière prévu de faire un papier sur la dite association, elle s'était documentée dessus, avant de voir un nom qui lui semblait familier : Fillan Davis. Le fils de l'avocat, elle pourrait certainement en apprendre plus au sujet de cette enquête bâclée et justement de l'association, restait juste à espérer qu'il ne refuserait pas catégoriquement de parler à une journaliste. A force de patience, la jeune femme avait réussi à décrocher un rendez-vous avec le jeune homme, qui était fixé au 24 octobre dans la journée. Ils avaient décidé d'un lieu public, un café du coin, et devaient s'y retrouver à une heure bien donnée. La jeune femme s'était donc préparée à cette rencontre, trouvant des informations sur son interlocuteur, apprenant qu'il faisait des études assez ciblées sur les mutants, et par conséquent, très proches des combats de l'association. La journaliste avait donc patiemment attendu cette entrevue.

Le jour était enfin arrivé ! Neve s'était préparée, quelques documents concernant Shawn et l'affaire, quelques papiers sur l'association et sur les recherches de Fillan, et bien sûr son bloc note pour pouvoir prendre des notes tout au long de leur entretient. La jeune femme craignant d'arriver en retard, était néanmoins d'abord passée au journal histoire de prévenir son chef qui devait déjà avoir oublié qu'elle s'occupait de cet article. Et ce fut une bonne idée, il avait complètement oublié que la journaliste n'était pas décidée à laisser tomber son ancien collègue comme une vieille chaussette, mais la demoiselle ne lui laissa pas le temps de protester en répliquant qu'elle lui pondrait un article du tonnerre de dieu. Il n'avait rien dit, sachant bien que Neve était très appliquée et qu'il sortirait donc forcément quelque chose d'intéressant de tout cela. Pressant le pas, l'humaine avait donc reprit sa bicyclette de manière à se rendre au centre-ville, et après l'avoir attachée au garage à vélo, elle était entrée dans le café presque désert malgré l'heure, saluant le chef qu'elle connaissait plutôt bien, puis avait prit place à une table assez en vue, mais toutefois très calme. La journaliste bavarda un moment avec la serveuse venue lui demander si elle prenait quelque chose, lui expliquant qu'elle attendait quelqu'un, puis elle était restée assise, silencieuse, sortant les documents dont elle aurait besoin en attendant la venue de son interlocuteur. Elle consulta sa montre pour constater qu'elle était en avance, mais lorsque Fillan arriva quelques instants après, elle sourit devant le fait qu'il était aussi ponctuel qu'elle. Alors que la serveuse dirigeait le nouvel arrivant vers la table, après tout ils ne s'étaient jamais vus auparavant, elle se leva de derrière la table pour tendre sa main au nouvel arrivant lorsque celui-ci se présenta devant elle.

▬ Bonjour, Fillan je présume ? Je suis Neve O'Connell, nous nous sommes parlés au téléphone. Si vous permettez, on peut s'assoir, je vous ai attendu, je ne savais pas si vous vouliez boire quelque chose ? La journaliste avait toujours pour habitude de d'abord mettre à l'aise son interlocuteur avant de se lancer dans le vif de la conversation. Elle attendit donc quelques instants avant que la serveuse ne se présente à nouveau devant eux.
▬ Vous avez décidé ?
▬ Pour ma part, je prendrais un café s'il vous plait. »

Puis elle attendit que le jeune homme décide de ce qu'il prendrait avant de reporter son attention sur lui, un visage avenant, et un sourire flottant toujours sur ses lèvres bien dessinées et exemptent de tout maquillage qu'elle détestait, puis elle reprit la parole pour engager la conversation sur le sujet qui l'intéressait, en attendant que la serveuse ne prépare leurs consommations.

▬ Bon, comme je vous l'ai dit au téléphone, je voulais donc parler de plusieurs choses avec vous. Comme vous le savez, votre père a essayé de défendre l'un de mes collègues accusé de terrorisme, Shawn Sciuto, et comme je voudrais moi aussi l'aider, je me suis renseignée auprès de votre père qui m'a parlé d'une association, l'Afflictis Lentae, dont vous feriez parti. J'ai dans l'idée de faire un article à son sujet, aussi j'aimerais en apprendre un peu plus sur elle, sur le rôle que vous y tenez, et sur ce qu'elle a joué dans la tentative de défense pour Shawn. »

Bien entendu, ça pouvait sembler assez bizarre comme demande, mais Neve fit le choix de ne pas aborder tout de suite le fait que le jeune homme faisait des recherches concernant les mutants, du moins pas directement, mais dans le cadre de ses études. Elle avait brièvement conversé avec l'un de ses professeurs lorsqu'elle s'était rendue à la faculté de la ville dans l'espoir de rencontrer le jeune homme ou l'un de ses amis. Un dénommé Curtis qui lui avait simplement parlé sommairement des études de son élève, lui conseillant de se renseigner plus amplement là-dessus et d'en parler directement avec l'intéressé. Elle comptait le faire, mais une fois la discussion mieux lancée.

Depuis quelque temps, la vie de Fillan était devenue particulièrement répétitive. Il se levait le matin aux côtés de celui dont il partageait maintenant la vie et prenait ensuite un copieux petit-déjeuner avant de partir à la bibliothèque du campus pour travailler sur son projet. Il y restait en général jusqu’en début de soirée avant de s’offrir enfin un peu de temps libre. Il sortait beaucoup avec Lawrence, son ami et compagnon qu’il voyait aussi comme le grand amour de sa vie, mais ne s’empêchait pas non plus de passer du temps avec d’autres amis, même si ces derniers restaient plutôt rares. Parmi eux, on retrouvait des camarades de la fac, le professeur Langford ou encore d’autres mutants. En somme, il aurait pu être un parfait stéréotype de l’étudiant de base, s’il n’avait évidemment pas disposé de ces capacités hors norme. Le fait qu’il soit un mutant influait en effet beaucoup sur sa vie, le plongeant parfois dans des situations plus ou moins périlleuses.

A peine quelques jours plus tôt, son inconscience et sa naïveté lui avaient presque coûté la vie. Il était parti dans la forêt d’Achaea à la recherche d’une mutante qui avait fini par le trouver la première… Le souci était qu’elle n’avait, au premier abord, rien d’un ange gardien. Fillan avait cru sa dernière heure venue, mais il en était finalement revenu vivant et entier. Cela l’amenait toutefois à se poser un certain nombre de questions. Si les choses se passaient déjà de cette manière dans une situation aussi « calme » que celle-ci, qu’allait-il faire s’il était un jour menacé d’une quelconque manière par des agents de l’Apocalypto ? Ils se montreraient sans doute beaucoup plus hostiles à l’égard des mutants que ne l’avait été la jeune louve noire. Il allait véritablement devoir trouver un moyen d’apprendre à se servir de son pouvoir. C’était en quelque sorte une question de vie ou de mort.

Néanmoins, à l’heure actuelle, la monotonie de ses journées était à nouveau rompue. Peu de temps après son retour de la forêt d’Achaea, il avait été contacté par une journaliste, Neve O’Connell. Elle travaillait à l’Achaea News, l’un des principaux journaux de la ville. Elle n’avait pas vraiment donné de détails sur le sujet de cette entrevue, mais Fillan n’était pas tombé de la dernière pluie. Il se doutait que ce devait être le même sujet que celui que l’on voyait dans tous les journaux et sur toutes les chaînes de télévision : le sujet mutant. Il se sentait quelque peu tendu à cette idée, même s’il était absolument impossible que la jeune femme connaisse son secret. Peut-être voulait-elle simplement se renseigner sur la fondation Afflictis Lentae… Néanmoins, le jeune homme demeurait malgré tout sceptique. Quelles pouvaient être les véritables raisons de cette femme ? La propagande gouvernementale ou une plus grande ouverture d’esprit ?

Même s’il avait décidé de la rencontrer, Fillan n’allait pas raconter tout ce qu’il savait à la première venue. Il contacta donc la première personne de confiance qu’il connaissait, à savoir son père. Ce dernier devait certainement en savoir un peu plus sur elle, même s’il vivait toujours à Birmingham. Ses liens avec la fondation lui offraient des moyens d’en apprendre beaucoup plus que n’importe qui sur ce qui se passait dans les coulisses d’Achaea. Il lui révéla qu’il en savait peu sur la jeune femme, mais qu’elle l’avait contacté quelques jours plus tôt au sujet de l’affaire Sciuto. C’était quelque peu étonnant, mais cela pouvait justifier son intérêt à l’égard de la fondation. Le plus surprenant restait le fait que ce nom revenait un peu trop souvent dans la conversation ces derniers temps… D’abord Abby, maintenant cette journaliste… Il allait falloir demeurer sur ses gardes. Mais au-delà de cet intérêt particulier, Fillan n’avait pas été capable de trouver de lien entre la journaliste et les mutants. Cela semblait être une de ses premières incursions sur ce difficile terrain. Et étant donné la réputation du journal à ce sujet, le jeune homme était d’avis de laisser à la journaliste une chance de le convaincre. Mais elle allait devoir se montrer convaincante pour qu’il en révèle plus que les simples réponses de base.

Finalement, le jour du rendez-vous arriva. Fillan devait la retrouver dans un petit café qu’il ne connaissait pas, aussi partit-il un peu en avance. Il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre, mais au fond, rien ne l’obligeait à lui répondre si ses questions se révélaient trop dangereuses ou si la jeune femme ne faisait pas preuve d’une conscience professionnelle suffisante. Il finit par arriver à l’établissement indiqué qui était situé dans une rue par laquelle il ne passait que très rarement. Entrant dans le café, il put constater qu’il n’y avait pas grand monde, à l’exception d’un ou deux clients, de la serveuse et de celui qui devait être le patron. Il se dirigea vers la serveuse pour lui indiquer qu’il était attendu par une journaliste et elle le dirigea alors vers l’une des tables occupées par une jeune femme. Celle-ci se leva à son approche et lui tendit la main pour le saluer. Fillan répondit à sa poignée de main avant de s’installer à la table, laissant à la jeune femme l’occasion de se présenter. Comme elle lui proposait de prendre quelque chose, il répondit à son tour à la question de la serveuse.

« Quant à moi, ça sera un chocolat chaud, s’il vous plaît. »

Il reporta ensuite son attention sur la journaliste, attendant qu’elle entre réellement dans le vif du sujet. C’était quelque chose qui ne tardait jamais à arriver avec eux, en général, juste après les présentations d’usage. Il devait avouer être plutôt curieux d’entendre comment elle allait présenter tout cela. D’autant plus depuis que, la veille, le professeur Langford lui avait indiqué qu’une jeune journaliste avait posé des questions au sujet de son travail. Il semblait évident que lorsqu’elle travaillait sur quelque chose, elle le faisait plutôt bien. Et, comme il s’y attendait, elle finit par présenter son projet d’article qui était, il fallait bien l’avouer, particulièrement ambitieux… La fondation Afflictis Lentae et Shawn Sciuto. Rien de moins que tout cela. Mais savait-elle seulement dans quoi elle mettait les pieds ? Avait-elle vraiment pensé à tous les aspects qu’un tel article pouvait recéler ? Le jeune homme n’en était pas sûr, mais ça n’avait rien de surprenant. Comment aurait-elle pu le savoir après tout.

« Vos questions sont plutôt pertinentes et vous êtes en droit de vous les poser. Mais avant que je ne vous réponde, j’aimerais en savoir un peu plus. Ces informations ne sont pas forcément capitales, mais vous comprendrez que je ne veux pas forcément les donner à n’importe qui. Ce que je souhaiterais savoir, c’est ce que vous comptez en faire. Est-ce que vous allez relater les faits tels qu’ils sont, quoi que je puisse vous raconter ou est-ce que vous allez privilégier une théorie plus avantageuse pour vous ? »

Ce que Fillan craignait le plus, c’était que la jeune femme finisse par attirer l’attention de certaines personnes. En effet, si ce qu’elle comptait raconter dans son article pouvait d’une façon ou d’une autre poser des problèmes à l’Opération Apocalypto, il semblait presque évident que les membres de cette organisation feraient tout pour la dissuader de l’écrire. Cela pouvait même prendre d’autres proportions puisqu’ils pouvaient en plus essayer de la retourner à leur avantage pour lui faire écrire quelque chose qui les servait bien mieux. Ce n’était pas comme si le gouvernement n’essayait pas déjà d’avoir la main sur les médias.

« Ce qu’il faut que vous réalisiez, c’est ce dans quoi vous vous lancez. Vous devez savoir que le sujet des mutants n’est pas le plus simple à traiter, sinon des associations comme Afflictis Lentae n’existeraient pas. Tout le monde n’est pas d’accord avec ce qu’elle prône… Et parfois, il s’agit de gens très influents. Ce que je souhaiterais aussi, c’est que mon nom n’apparaisse pas dans votre article. Je ne tiens pas à attirer l’attention, pour le moment. J’espère que vous comprendrez. »

A peine eut-il fini d’exposer ses quelques réticences que la serveuse revint avec leurs commandes. Il prit son chocolat et attendit que la journaliste lui réponde. Si elle pouvait lui certifier ces deux points, il lui révélerait ce qu’elle voulait savoir, en préservant toutefois ce qui devait demeurer secret. Mais une chose était sûre, elle allait en avoir pour son argent.

Neve était concentrée, et lancée à 100% lorsqu'elle préparait un article, ce n'était pas pour rien qu'elle avait tellement approfondit ses recherches, autant concernant le jeune homme qui se trouvait en face d'elle, que vis-à-vis de la vie passée de Shawn Sciuto, qu'elle ne connaissait alors que sous le pseudonyme de Justin Connor's. Elle attendit donc calmement la réaction du jeune homme qui lui faisait face, et celle-ci ne tarda pas, Neve ne fut pas tellement surprise par les questions et les réponses déclarées par le garçon. L'Irlandaise avait l'habitude de provoquer la méfiance chez les gens, les habitants de cette ville, humains ou mutants, avaient tous une prédisposition à la haine des journalistes, en choisissant ce métier, la jolie blonde s'y était attendu. Mais les paroles de Fillan n'étaient pas hostiles, il ne refusait pas non plus de lui répondre, soumettant simplement des conditions logiques que la demoiselle auraient elle aussi, imposées si elle s'était trouvé à sa place. Le jeune homme demandait à en savoir plus sur elle, expliquant qu'il ne pouvait pas les donner à n'importe qui, même si elles n'étaient pas vitales pour autant, il souhaitait simplement savoir ce qu'elle comptait en faire, et pour finir, si elle allait relater les faits comme ils étaient, ou remanier le tout à sa sauce pour se faire mousser. La légère pause laissée par son interlocuteur laissa à Neve le temps de comprendre qu'elle avait fait le bon choix, Fillan semblait être un garçon à la tête froide, sans compter qu'en prime, il était visiblement très réfléchit et n'accepterait pas de confier ses pensée à la première femme venue. Un moment l'idée que Sean aurait eu plus de facilité lui traversa l'esprit, il était lancé dans le sujet des mutants depuis des années, bien avant leur rencontre, et il avait le don de mettre tout le monde en confiance.

Fillan coupa court aux pensées de la demoiselle alors qu'il reprenait en disant qu'elle devait réaliser dans quoi elle se lançait, soulignant que le sujet du mutant et de l'association qui les défendait, n'était pas de tout repos. Il souleva alors un point important et intéressant, le fait que certains hauts placés ne voyaient pas forcément d'un bon œil tout ce remue-ménage autour des mutants, et qu'elle risquait de tomber sur des ennuis. Après quoi, Fillan demanda une chose naturelle et que de toute manière, Neve avait prévu de faire, garder son anonymat pour ne pas attirer l'attention sur lui. La journaliste ne répondit pas tout de suite, la serveuse revenait avec leurs consommations, et la jeune femme la remercia avec un sourire aux lèvres, puis elle prit une gorgée de son café agréablement chaud tout en réfléchissant rapidement à la formulation de sa réponse. Bien entendu, elle avait murement réfléchit au sujet avant de prendre contact avec le jeune homme, Neve savait faire son travail et elle n'y allait pas à l'aveugle, de plus elle avait un atout de choix à son travail, un collègue et ami capable de l'aider à braver les dangers, et à supporter la pression, Sean lui avait déjà apporté son soutient en lui disant qu'il était fier et heureux de voir qu'elle s'intéressait à ce sujet épineux. Posant sa tasse de café devant elle, l'Irlandaise plongea son regard gris dans les yeux ambrés du jeune homme avant de répondre d'un ton sincère et aimable comme à son habitude.

▬ Pour commencer, je ne vais pas vous mentir, j'imagine que vous avez du vous renseigner sur moi, et que vous n'avez pas trouvé grand chose d'intéressant. Je vais donc vous faciliter la chose. Fillan, sachez que je n'ai pas d'avis sur la question des mutants, je dois faire parti de la minime partie de la population de cette ville qui se fiche de savoir si son voisin a le gène mutant ou non. Je sais qu'en vous avouant cela, je mets mon article en danger parce que je ne peux pas vous assurer d'être toujours de voter coté. » Plutôt étrange comme entrée en matière, mais Neve savait ce qu'elle faisait, et elle reprit donc toujours aussi calmement, ses mains autour de la tasse en céramique, son regard plongé dans celui de son interlocuteur pour lui prouver se sincérité.
▬ Mais sachez que je relate toujours les faits comme ils sont, si les mutants sont les bonnes personnes que l'Afflictis Lentae présente, c'est ce qui apparaitra dans mon article. Au contraire si les personnes défendues sont le contraire, je ne le cacherais pas. Mais sachez que mon but n'est pas de diaboliser ou canoniser les mutants. » Elle fit une nouvelle pause, parcourant la pièce du regard pendant quelques secondes avant de reprendre toujours aussi patiemment.
▬ Le but de cette entrevue est surtout d'en apprendre sur Shawn, Fillan, vous l'ignorez peut-être mais il travaillait au journal ou je suis journaliste. Je l'ai côtoyé pendant de nombreuses années, tout comme mon ancien compagnon, et nous l'avons toujours apprécié. Je sais une chose, je ne connais pas grand chose aux mutants, mais je sais que Shawn n'est pas un terroriste. Ma théorie c'était qu'il avait emprunté une fausse identité pour se protéger de quelque chose, mais j'ignore de quoi. J'ai fait des recherches sur tout ça, et seul le nom de votre association m'est apparut. Je sais que Shawn est une bonne personne et je ferais tout mon possible pour l'aider à sortir de là ou il est. Je ne sais pas quelle valeur ça a pour vous, mais à mes yeux c'est une raison pour ne pas remanier vos dires à ma sauce. » La jeune femme fit une nouvelle pose, son visage doux s'était teinté d'une légère tristesse non feinte au souvenir du photographe si déluré qui partageait des fois ses journées, mais elle se reprit rapidement, et s'adressa à nouveau au jeune homme.
▬ Je ne vais pas dans un terrain aussi dangereux sans guide Fillan, mon collègue de travail est un habitué des reportages sur les mutants et tout ce qui y touche, Sean Jenkins si ce nom vous dit quelque chose. Il m'a assuré son soutient et il sera là pour m'épauler et s'assurer que rien ne dévie. De plus, je pense pouvoir vous aider aussi, même si vous refusez de m'apporter la votre. J'imagine que le combat pour Shawn ne s'est pas arrêté ? J'ai fait des recherches sur son passé et j'ai trouvé quelques traces, des personnes chez qui il a habité, des gens qu'il a côtoyé, je n'ai pas encore eu l'occasion de les rencontrer, je voulais vous voir avant. Si vous refusez de me confier ce que vous savez, je comprendrais, mais je vous demanderais alors de prendre mes informations pour faire avance cette affaire. »

En fait, le responsable de la jeune femme n'avait pas spécialement apprécié qu'elle se lance aussi dans ce genre de reportage, déjà voir son meilleur journaliste mis en cause de chaque article sur ce sujet, l'agaçait grandement, mais là c'était encore autre chose. Neve avait prit de risques en appelant Fillan, mais elle voulait remercier Shawn de ce qu'il avait fait pour elle le temps qu'ils avaient été collègues, au fond même si elle était journaliste, la jeune humaine n'était pas mauvaise pour autant et tout ce qu'elle venait de dire était véridique. Fillan pourrait d'ailleurs vérifier par lui-même la véracité de ses paroles, appeler Sean pour savoir si c'était vrai, interroger les personnes dont Neve avait trouvé les noms dans le passé obscur de Shawn, tout ce qu'elle avait trouvé à force de retourner les parties de la vie de son ancien collègue. La jeune femme quitta le regard de son interlocuteur pour observer son café, puis elle bu une nouvelle gorgée avant de survoler rapidement la salle de son regard clair, il n'y avait vraiment pas grand monde, et c'était tant mieux, la jeune femme ne tenait pas à avoir des oreilles indiscrètes autour d'elle. La jeune femme affectionnait assez cet endroit, elle était une habituée mais on ne savait jamais, des fois les gens les plus aimables étaient en réalité les plus dangereux. Après cette petite pause, pendant que sa réplique venait de faire son chemin dans l'esprit du jeune homme, Neve termina sa réponse d'une voix toujours aussi aimable, répondant à la dernière requête formulée par le garçon.

▬ Pour conclure, vous n'avez rien à craindre, mes sources demeures toujours confidentielles, par conséquent ni votre nom, ni ceux éventuels, des gens dont vous pourrez me parler, ne seront cités. Vous garderez votre anonymat, et si vous désirez que le nom de votre association ne soit pas non plus cité, je m'en abstiendrais. Mon but n'est pas de mettre qui que ce soit dans l'embarras, mais bien de faire avancer les choses. »

Neve laissa retomber le silence, elle avait terminer de répondre aux questions du jeune homme et elle attendait maintenant le verdict, s'il refusait de lui apporter son aide, elle comprendrait bien, serait désolée de ne pas pouvoir aider elle-même Shawn mais elle comprendrait. Si au contraire le jeune homme acceptait sa requête, ils approfondiraient donc un peu plus le sujet, mais rien n'était joué, et la jeune femme attendait patiemment, ses mains placées autour de la tasse agréablement chaude, toutes ses pensées tournées vers Fillan. Maintenant il ne restait plus qu'à voir, l'avenir de son ancien collègue et peut-être d'autres personnes dépendraient de tout ça, mais plutôt que d'écrire quelque chose qui n'était pas justifié parce qu'elle n'aurait pas les informations directes d'une personne qualifiée pour lui répondre, Neve préfèrerait encore tout laisser tomber. Fillan l'avait dit, il y avait des sujets qui ne devaient pas être prit à la légère, et celui des mutants étaient certainement le principal !

Le chocolat chaud que Fillan avait commandé était particulièrement brûlant. Comme il ne voulait pas vraiment se cramer la langue, il laissa la tasse posée devant lui et attendit les réponses de la jeune journaliste pour savoir ce qu’il allait faire vis-à-vis d’elle : répondre à ses questions ou la remercier de son intérêt et partir le plus simplement du monde. Tandis qu’elle semblait réfléchir, Fillan ne la lâcha pas du regard, essayant de se rappeler s’il avait déjà pu la voir quelque part et si oui, où. Seulement rien ne lui venait à l’esprit et elle devait donc être une journaliste débutante, ou du moins, qui n’avait pas encore pu faire ses preuves. Mais peut-être qu’elle avait enfin trouvé le sujet qu’elle attendait. Finalement, elle plongea son regard dans celui du jeune homme et se décida à lui répondre. Elle commença par lui avouer qu’elle n’avait pas le moindre avis sur la question du problème mutant et que par conséquent, elle n’avait pas l’intention de porter de jugement là-dessus. Cela voulait donc dire qu’elle dirait tout, autant les aspects positifs que les aspects négatifs du sujet. C’était toutefois mieux que d’avoir affaire à un anti-mutant et donc Fillan ne fit que hocher la tête en signe d’appréciation.

La journaliste en vint ensuite au sujet qu’elle souhaitait traiter : Shawn Sciuto. Décidément, c’était vraiment la période ! A ce qu’elle disait, elle avait été sa collègue et l’avait beaucoup apprécié. Cela semblait corroborer les informations qu’il avait révélées à Abby quelques jours plus tôt, même s’il lui était impossible de vérifier le degré d’intimité qu’ils avaient connu. Il devait donc simplement la croire à ce sujet. Par contre, elle ne semblait rien savoir de ce qu’il était advenu du jeune homme, ce qui était étrange, si elle travaillait à l’Achaea News. Mais bon, maintenant qu’elle était là, elle allait l’avoir son scoop, et même bien plus que ce qu’elle avait pu imaginer. Finalement, elle arriva à la fin de ses explications et elle laissait par la même occasion la décision à Fillan. Celui-ci but une gorgée de son chocolat qui avait déjà un peu refroidi et reporta son attention sur son interlocutrice, réfléchissant rapidement à ce qu’il allait dire.

« Vous devez comprendre que je ne mets pas en doute votre sincérité. Toutefois, si vous voulez vraiment toutes les réponses concernant cette personne, Shawn Sciuto, je vous demanderais un peu plus qu’un simple anonymat. Vous allez rapidement comprendre pourquoi. Si vous me promettez d’effacer toutes les traces de notre rencontre dans vos agendas, de ne pas préciser mon nom sur vos notes, ni même ailleurs, alors je vous dirais ce que vous voulez savoir. Mais il faut que vous soyez consciente que quand on s’attaque à un tel sujet, on peut se faire des ennemis puissants qui n’hésitent pas à voler les informations qu’ils recherchent, notes manuscrites, clés informatiques, voire même des ordinateurs. Par conséquent, si mon nom apparait même dans un petit document, je serais alors tout aussi vulnérable que vous… Je saurais me défendre, bien sûr, mais je préférerais que ça n’arrive pas de sitôt. »

Fillan avait conscience que tous ces luxes de précautions avaient de quoi alarmer la journaliste, mais ce n’était pas plus mal. Elle devait vraiment comprendre dans quoi elle se lançait. Ce n’était pas juste un problème de société, mais plutôt une machination gouvernementale… Et dans cette lutte secrète de tous les instants, un simple nom balancé au hasard pouvait causer des pertes dramatiques. Ce qu’il allait dire, beaucoup de gens le savait chez les mutants. Par contre, les humains vivaient dans une ignorance totale et chaque fois que des informations filtraient, elles étaient modifiées. Alors maintenant qu’il pouvait réparer cela, Fillan n’allait pas s’en priver.

« Je pourrais vous parler de Shawn Sciuto, comme je pourrais vous parler de la fondation Afflictis Lentae… Mais en fait, ces deux sujets sont liés, donc je vais aborder l’ensemble tout en vous présentant d’autres informations… Des informations que les gens de la fondation et les mutants connaissent, mais que les autres habitants de cette ville semblent volontairement ignorer. Shawn Sciuto a longtemps vécu dans cette ville sous un faux nom. S’il a agit ainsi, c’était pour échapper à des gens, une organisation secrète, véritable fantôme au service du gouvernement. Ce sont eux qui lui ont remis la main dessus, quand il a été arrêté. A ce moment, il a eu le droit de voir un avocat, une fois, mais il a ensuite disparu purement et simplement. C’est parce qu’il est revenu entre leurs mains, une fois de plus. »

Fillan fit une petite pause, laissant à la journaliste le temps de digérer. Cela dit, il ne savait pas vraiment si c’était une bonne idée parce qu’elle risquait plus de le prendre pour un fou… Il serait venu parler de Roswell, des petits hommes verts et des men in black que ça n’aurait rien changé à son discours… Mais il fallait dire que si on croyait en l’existence des mutants, ce qu’il était bien difficile de nier, on pouvait laisser le bénéfice du doute ne serait-ce que quelques instants…

« Votre journal a déjà parlé de ces gens. Un journaliste a écrit plusieurs articles à leurs sujets, sous le nom de Sin Ace. Ces articles pouvaient avoir l’air farfelu, mais ils étaient pourtant véridiques. Je ne peux pas vous dire grand-chose à ce sujet, parce que ça reste quand même des choses secrètes, si ce n’est cela. Shawn a longtemps été leur prisonnier, mais il a réussi à s’échapper, je ne sais comment. Il n’est pas le seul dans ce cas et tous les gens que la police recherche sont bien souvent des mutants qui les ont fuis. Il a ensuite vécu caché sous un faux nom et a tenté de vivre une vie normale. Il a plus ou moins réussi apparemment, mais on a fini par l’arrêter. Bien sûr, en l’accusant de terrorisme, on mettait toute la population contre lui et ça permettait d’éviter les questions gênantes. Du coup, il devenait aisé de le faire disparaitre… Votre théorie est donc bonne mais je dois vous dire que vous ne pourrez rien pour lui… Les gens qui le retiennent sont bien trop puissants et en vous attaquant à eux, ils risquent de voir une menace à éliminer… »

Fillan but une nouvelle gorgée de chocolat, vidant du même coup sa tasse. Ce n’était plus très chaud, mais bon, ça avait quand même encore quelque chose de réconfortant. Il fallait dire que le sujet qu’ils évoquaient était tout sauf rassurant, mais bon, il fallait en passer par là…

« Je sais que j’ai l’air un peu fou, à vous dire ça, mais vous devez le croire. Il y a quatre ans, Sin Ace a révélé dans votre journal la localisation d’une base de ce groupe. En faisant des recherches, je suis sûr que vous pourrez le retrouver, à moins que vous ne l’ayez déjà. Peu de temps après, la base a été attaquée et des mutants ont pu fuir. Ca n’a pas plu au gouvernement et c’est pour cela que rien n’a filtré. Mais les mutants sont bel et bien là et ils ont pu parler. Tout cela peut sembler totalement insensé, mais ce n’est que la pure vérité. Ces gens dont je vous parle, ils font partie d’un groupe connu sous le nom d’Opération Apocalypto. C’est pour protéger les mutants d’eux que la fondation a été créée. Pour leur offrir un soutien contre des interventions abusives et trop souvent inhumaines. Pour tenter des actions judiciaires afin d’établir leurs droits, de les aider dans la vie quotidienne, d’abolir des pratiques comme l’implantation systématique de puces… On est bientôt en 2025, mais on traite encore certaines minorités comme dans les années 60… »

Fillan avait parlé tout du long en gardant la voix le plus bas possible. Même si son discours faisait très militant, il ne tenait pas à attirer l’attention sur lui plus qu’il ne le devait. Il tenait à préserver, pour un temps encore, sa propre sécurité.

Neve s'était attendue à ce que sa déclaration au sujet de son orientation vis-à-vis des mutants ne serait pas pleinement satisfaisante pour le jeune homme. Il est vrai que le fait de tomber sur une neutre pouvait laisser plusieurs champs d'action. D'un coté cela pouvait signifier qu'il risquait de voir des informations qu'il ne voudrait pas spécialement voir apparaître, passer dans le journal, mais de l'autre coté, elle ne chercherait pas non plus à privilégier le coté Apocalypto de l'affaire. La journaliste avait préféré être sincère, ce n'était pas dans ses habitudes de se montrer obscure ou mensongère sur ses intentions, à la rigueur la belle préférait encore perdre un reportage plutôt que de devoir passer outre ses idéaux. Ce n'était pas vraiment le style de comportement qui pourrait lui permettre de progresser dans son métier, même au contraire, ça risquait de la couleur, mais Neve n'était pas une rapace désireuse de progresser et de devenir la meilleure journaliste du journal. C'était peut-être pour ça qu'on lui disait souvent qu'elle était trop sage et risquait de toujours rester au stade de la journaliste en charge des chiens écrasés. Et bien s'il fallait passer par là pour pouvoir garder ses idées, la jeune femme n'hésiterait pas, même s'il était vrai que ça la désolait d'avoir quitté son Irlande natale pour se rendre compte que finalement le rêve Américain n'était bel et bien qu'un rêve.

Fillan avait bu une gorgée de son chocolat après avoir hoché la tête pour lui signifier qu'il avait comprit, et il reporta ensuite son attention son sa voisine pour lui répondre d'un ton très calme et très maître de lui. Neve avait attrapé son stylo et commença à prendre des notes dans son langage natal, agrémenté d'un code de sa fabrication, destiné à déjouer les plagieurs et les voleurs d'articles. La jeune homme expliqua qu'il ne mettait pas sa parole en doute mais que s'il devait parler de Shawn, la jeune femme devrait effacer toute trace de leur rencontre de ses agendas, de ses notes et compagnie. Le regard gris de la blonde quitta les lignes de son carnet pour se poser sur le visage du jeune homme face à elle alors qu'elle fronçait les sourcils devant la gravité de ce qu'il lui disait, où plutôt la sensation de gravité qui se dégageait des mots qu'il prononçait à ce moment. Le jeune homme continua en expliquant qu'on ne s'attaquait pas comme ça à un sujet d'une telle importance, sans se faire d'ennemis hauts placés qui n'hésitaient pas à voler ce qu'elle pourrait avoir comme information. Soit, même si elle était blonde, Neve était loin d'être une idiote sans réflexion, la journaliste qu'elle était savait bien que s'attaquer à un tel projet risquait de couler sa carrière si elle se montrait trop aimable avec les mutants, mais si ça avait son soucis, la blonde ne serait pas devenue journaliste. Dans ce métier, on prenait des risquer à chaque article, et le fait que celui-ci soit sur le sujet des mutants compliquait légèrement la donne, mais Neve savait comment se débrouiller, il était inutile de lui souligner des choses évidentes, mais elle resta silencieuse sur ce point. Le but de Fillan était surtout de lui expliquer qu'il risquait d'être en danger, mais il suffisait que le brun lui demande d'observer le silence sur ses sources et elle l'aurait fait sans hésiter, nul besoin de lui détailler les raisons, bien qu'elle les avait deviné seule.

Alors qu'elle hocha la tête pour signaler à Fillan qu'elle avait compris, la jeune femme commença à écrire sur son bloc note en remplaçant le nom du jeune homme par celui d'un personnage de dessin animé qu'elle affectionnait dans son enfance, brouillant encore une fois les pistes, de toute manière, la belle utilisait toujours des pseudos dans ses notes, il faudrait juste faire disparaître la page de son agenda du jour. Le jeune homme expliqua qu'il devrait lui expliquer des informations au sujet d'un fait que les mutants et les gens de la fondation connaissaient, mais pas les autres habitants de la ville. Cela intrigua assez la belle qui n'en montra rien, et le jeune homme expliqua que Shawn avait vécu sous un faux nom dans la ville, comme elle le savait, ce nom c'était Justin Connor's exactement, et que c'était pour échapper à une organisation secrète au service du gouvernement. Bien qu'elle trouvait ça assez étrange, la belle ne dit rien alors qu'il poursuivait en expliquant qu'ils avaient à nouveau arrêté le jeune homme et que s'il avait eu le droit à un avocat, Shawn avait tout de même disparut dans laisser de traces, et que c'était parce qu'il était revenu entre leurs mains. Sur le coup, la belle se demanda s'il se foutait d'elle où s'il était complètement dingue, une organisation secrète sans qu'on ne soit au courant ? Impossible, même les organismes comme celles au sujet des extraterrestres étaient connues, ou du moins sous-entendus, c'était donc stupide de penser qu'une opération ou quelque chose d'approchant pourrait préserver un total anonymat, mais elle n'en dit rien et continua de noter alors que le jeune homme avait fait une pause pour lui laisser le temps d'emmagasiner les informations.

Il reprit alors la parole pour lui déclarer que le journal avait déjà parlé de tout ça et qu'une journaliste que la belle connaissait bien avait parlé de cela dans une série d'articles qui pouvaient avoir l'air farfelu mais qui étaient tout à fait véridiques. La jeune femme essaya de retourner ses pensées pour en savoir plus à ce sujet mais rien ne lui vint à l'esprit, après vu qu'elle n'était pas là depuis longtemps, ce n'était pas très dur. Fillan annonça qu'il ne pouvait pas dire grand chose à ce sujet comme ça restait secret, mais que Shawn avait été prisonnier avant et s'était évadé sans qu'on sache comment, et que c'était d'ailleurs le cas de plusieurs mutants dans cette ville. Des évadés en somme ? Neve avait du mal à imaginer ça, surtout qu'ils puissent vivre sous un faux nom sans trop de problèmes, enfin si l'on exceptait le fait que Shawn ait été arrêté. Pour ce qui était de l'accusation de terrorisme que Neve ne croyait de toute manière pas, visiblement Fillan avait une explication à ce sujet qui était on ne peut plus plausible, et la jeune femme hocha la tête d'un air entendu pour signaler qu'elle pensait la même chose sur ce point. Il est vrai que personne ne se souciait du fait qu'un terroriste disparaisse sans laisser de trace, mais cela signifiait aussi que la jeune femme ne pouvait rien pour le sauver et qu'elle s'attaquait à quelqu'un de trop puissant pour réussir dans ce qu'elle s'était fixé. Il marquait un point en disant qu'elle risquait de devenir une cible à abattre si jamais elle s'aventurait sur un tel terrain, ce n'était pas vraiment son but de devenir une ennemie de l'état, mais elle ne pouvait tout de même pas rester là à ne rien faire alors qu'un ami à elle était traité comme un animal non ? Non, même les animaux avaient un meilleur traitement, et cela n'avait rien à voir avec le fait qu'il était mutant, ça, l'Irlandaise s'en contrefichait.

Fillan but une nouvelle gorgée de chocolat avant d'enchaîner pour lui dire qu'il savait qu'il devait avoir l'air fou à dire de telles choses, mais que Raven, de son vrai nom, avait révélé la localisation d'une base de ce groupe dans l'un de ses articles, et que Neve pourrait aisément retrouver l'article si elle le désirait. L'Irlandaise ne l'avait pas sur elle puisque tout cela ne lui semblait pas du tout en lien avant les explications du jeune homme qui continua en disant que cette base avait été attaquée et que des mutants s'étaient enfuis, mais que rien n'avait filtré, même si c'était totalement véridique. Le jeune homme lui donna le nom exactement de ce groupe qui se baptisait « Opération Apocalypto » et que la fondation avait été créée pour protéger les mutants de tout cela et des traitements qu'ils subissaient. La jeune femme ne s'y connaissait pas trop, mais elle fut étonnée d'entendre le jeune homme parler d'une pratique qui visait à implanter des puces aux mutants, si des rumeurs s'étaient faites entendre à ce sujet, Neve n'avait jamais eu de confirmation pure et dure. Il était vrai que les paroles du jeune homme étaient on ne peut plus réelles et d'actualité, la jeune femme acheva donc de prendre ses notes avant de poser son stylo puis de saisir sa tasse de café pour en boire une gorgée avant de reporter son attention sur Fillan et prendre la parole d'un ton toujours aussi professionnel qui n'allait pas plus loin que le périmètre de leur table.

▬ Je vois, j'ignorais beaucoup de tout ce que vous venez de me dire, mais je connais bien Sin Ace et je sais que ses articles sont sérieux, je vais donc me documenter plus en avant là-dessus, étant donné que je ne faisais pas le lien entre ces articles et Shawn, je n'avais aucune raison de chercher de ce coté. »

Elle voulait expliquer le manque de documents qu'elle avait, histoire qu'il comprenne que ce n'était pas un manque d'envie de sa part de se renseigner plus précisément sur son article. Quoi qu'il en soit, elle avait plusieurs questions au sujet de l'Afflictis et était donc bien décidée à les poser, restait juste à voir dans quelle mesure le jeune homme allait être décidé à lui répondre, mais qui ne tente rien n'a rien, la jeune Irlandaise prit alors la parole pour recommencer sa quête d'informations.

▬ Sinon, j'aimerais qu'on en vienne à l'association. Si j'ai bien compris, elle est en quelque sorte un rempart entre cette opération secrète et les mutants, le coté juridique social et compagnie que les mutants ne peuvent pas avoir. Mais quelle est la raison de ce nom, les personnes qui en sont membres peuvent être humaines ou mutantes ? Est-ce que c'est les mutants qui viennent quérir votre aide, ou bien est-ce que c'est vous qui vous occupez de chercher les personnes dans le besoin ? Elle marque une pause. En somme, j'aimerais bien en savoir plus amplement sur les figures publiques de cette association, et ce qu'elle peut faire comme actions concrètes, si vous avez des exemples de procès ou de choses de ce genre, je suis preneuse, c'est toujours bon pour mettre le lecteur dans le vif du sujet et qu'il se sente plus concerné. »

Fillan ne savait vraiment pas comment la journaliste prendrait toutes ses déclarations. Il fallait bien avouer que tout ça pouvait sembler vraiment très surprenant, voire totalement improbable. On aurait dit un vieux fou qui jurerait que les extraterrestres de Roswell existaient bel et bien… D’accord, ses propos n’étaient pas vraiment différents, mais ça ne voulait pas dire que son histoire était la même invention. Il avait de nombreuses preuves de ce qu’il racontait… Pas sûr lui, bien sûr, mais à la fondation. Il pouvait montrer de nombreux rapports sur l’implantation des puces de contrôle aux mutants, les opérations de rafle de la part d’Apocalypto ou encore les quelques informations dont ils disposaient sur leurs bases secrètes. De plus, il pouvait aussi compter sur le fait que des informations aient déjà filtré, comme celles qu’avait pu utiliser cette journaliste, Sin Ace. Le fait d’en avoir déjà fait part à cette Neve O’Connell lui laissait au moins un peu de temps. En effet, avant de le juger totalement dingue, la journaliste prendrait sans doute le temps de se renseigner sur ces articles et de vérifier ses informations. Du moins, si elle était aussi professionnelle qu’elle le laissait entendre… Mais de ce fait, elle comprendrait que Fillan ne se moquait pas d’elle et était vraiment très sérieux.

Il la regarda donc finir de prendre ses notes, boire une gorgée de son café avant de lui répondre. Un avis qu’il attendait avec une impatience mêlée d’une certaine appréhension. Elle lui confirma d’abord qu’elle allait se renseigner sur les articles. En effet, elle connaissait la journaliste en question, ce qui était normal étant donné qu’elles travaillaient pour le même journal, et se portait garante de son sérieux dans la rédaction de ses articles. Ainsi, lorsqu’elle aurait enfin lu ces productions journalistiques, Neve serait toute disposée à croire Fillan. Et étant donné la tournure que prenait leur discussion, il n’y avait plus de craintes à avoir quant à la neutralité de la jeune femme. Si elle découvrait comment on traitait réellement les mutants, nul doute que ce qu’elle écrirait ensuite servirait bien leur cause. Sans oublier qu’elle avait la volonté d’aider Shawn. Le seul moyen pour y parvenir restait encore simplement de les aider eux. Les mutants.

Comme elle ne pouvait pas discuter plus avant sur le sujet de l’Opération sans se renseigner davantage, la jeune journaliste revint vers le sujet initial de leur entrevue, à savoir la fondation Afflictis Lentae. Elle posa d’abord quelques questions d’ordre pratique sur la constitution de l’association et les buts qu’elle poursuivait, tout en demandant s’il y avait déjà des exemples concrets des actions qu’elle menait. Fillan réfléchit un moment à ce qu’elle demandait, cherchant ce qu’il pouvait révéler et ce qu’il valait mieux laisser de côté. Il convint rapidement que tout le côté Genesys de l’opération devait évidement être tu, mais pour le reste, il n’y avait pas vraiment de secrets. Le jeune homme commença d’abord par fouiller dans son sac afin d’en sortir une petite brochure sur la fondation. On en trouvait dans de nombreux lieux susceptibles d’accueillir des mutants dans le besoin, mais peut-être que Neve était passée à côté. Il lui tendit donc le papier avant de prendre la parole.

« Vous trouverez ici l’adresse de la fondation ainsi que notre site internet. De cette manière, vous pourrez sans doute obtenir des informations que je ne connais pas forcément. Mais pour en revenir à ce que vous demandiez, voilà ce que je sais. Le nom d’Afflictis Lentae est une locution latine qui signifie Les heures passent lentement pour qui souffre. Je suppose que ce nom est ce qui représente le mieux les nombreuses difficultés que les mutants ont eu à traverser au cours des décennies passées. Quant aux membres de la fondation, ils peuvent bien sûr être des mutants comme des humains. Tous ceux qui désirent aider les mutants sont les bienvenus ! Notre but premier est surtout d’amener la paix entre les deux groupes alors nous n’allons certainement pas commencer par sélectionner les partisans ! »

Neve souhaitait ensuite connaître les activités de la fondation mais comme c’était là un sujet plutôt long à développer, Fillan préféra d’abord répondre à ses autres interrogations. Il commença donc par lui parler des figures publiques de la fondation, de ces gens qui font que l’on devient petit à petit connu du grand public. Il s’agissait bien sûr des membres actifs de l’Afflictis, comme son fondateur, mais aussi des plus grands soutiens financiers, ceux qui faisaient des dons pour permettre à la fondation de fonctionner correctement.

« Le fondateur de l’Afflictis est Taylor Gregory. Je crois que c’est un homme à la tête d’une grande fortune et qui dirige sa propre société. Je ne sais pas vraiment quelles sont ses motivations à ce sujet, mais je pense qu’il a vraiment compris ce dont le monde avait besoin pour ne pas sombrer dans le chaos. Ensuite, nous pouvons aussi citer quelques uns de nos donateurs. Bien sûr, la plupart préfère souvent rester discret à ce sujet, de peur des représailles que les anti-mutants pourraient lancer contre eux. Néanmoins, certains d’entre eux assument parfaitement leurs choix. C’est par exemple le cas de Troy Andrews, quarterback des Achaea Gladiators, ou de Kanon, le jeune chanteur des Young Samurais. Ils ont tous choisi de faire des dons à la fondation et d’aider les mutants par leurs actions, sans doute motivés par des choix personnels. Mais grâce à cela, ils représentent réellement bien la fondation. »

Fillan fit une petite pause, laissant le temps à Neve de prendre ses notes. Bien sûr, elle connaissait peut-être déjà tout cela mais n’avait sans doute pas fait le rapprochement. En effet, on parlait souvent des interventions de célébrités dans des galas à la télévision, mais on passait souvent à côté des véritables raisons qui les poussaient à faire cela. Dans le cas de Kanon, il avait réussi à convaincre son groupe de faire un concert de charité afin de récolter des dons pour la fondation. Comme leur groupe déchaînait bien souvent les foules d’adolescents, il essayait aussi de faire changer les mentalités tant bien que mal, comme en créant une chanson qui visait à pousser les jeunes à aider et à aimer les mutants. Quant à Troy Andrews, il ne manquait pas une occasion de rappeler qu’il ne fallait pas persécuter les mutants. Tout cela constituait l’un des premiers moyens de lutte de la fondation.

« Cela nous permet aussi de lutter petit à petit contre les discriminations. C’est l’un des points sur lequel on fait le plus de travail, mais ce n’est pas vraiment évident d’y arriver. Sinon, comme vous l’avez bien rappelé, la fondation tente effectivement de faire tout son possible pour aider les mutants, que ce soit du point de vue juridique ou du point de vue social. Elle peut par exemple aider un mutant à trouver du travail ou un logement, fournir une aide médicale ou d’autres choses de ce genre. La fondation peut aussi servir d’alliée de poids dans d’autres circonstances, comme lorsqu’un mutant est envoyé devant la justice pour des motifs discriminatoires. Ainsi, il y a quelques temps, la fondation a remporté un procès dans lequel un mutant portait plainte contre son employeur après que ce dernier l’ait renvoyé pour des raisons non valables. Finalement, il a été prouvé que la véritable raison était en fait sa nature de mutant. Pourtant, cet homme avait fait tout ce que le gouvernement demandait de lui, comme de se faire implanter une puce de contrôle. Mais malgré cela, il a quand même été traité comme un parasite… Seulement, après cette véritable victoire au cours du procès, on peut enfin envisager que les choses changent réellement ! »

C’était ce que tout le monde espérait à la fondation. Maintenant qu’ils avaient remporté un procès, il existait un précédent qui pouvait être utilisé dans toutes les affaires ultérieures. Il leur serait donc possible de remporter plus facilement leurs futures affaires, même si rien n’était joué d’avance.

« Quant à votre question de savoir comment nous choisissons d’aider les mutants, c’est un peu des deux. En effet, avec le temps, nous devenons de plus en plus connus et de ce fait, les mutants viennent nous trouver beaucoup plus facilement. Nous développons aussi de plus en plus de programmes afin que cette aide soit la plus efficace possible. Ainsi, nous nous lançons dans une mission d’information à destination des écoles et des lycées afin d’expliquer aux adolescents que les mutants ne sont pas des monstres mais des gens comme eux. Cela a aussi pour but de faire comprendre aux jeunes mutants qu’il existe pour eux des moyens de trouver de l’aide. Et visiblement, cela fonctionne bien car ils sont de plus en plus nombreux à venir à la fondation pour parler, ou simplement passer du temps avec des gens qui ne voient pas en eux des créatures repoussantes. Ce n’est jamais facile à vivre quand on a 15 ans… »

Et Fillan savait vraiment de quoi il parlait. En effet, c’est à cet âge là qu’il avait découvert ses pouvoirs et ça avait été vraiment difficile. S’il avait eu de l’aide à ce moment, les choses auraient été beaucoup plus faciles pour lui.

Fillan avait grandement parlé de la fondation Afflictis Lentae à la journaliste avec laquelle il s’entretenait. Il avait abordé de nombreux sujets en rapport avec elle et pensait en avoir largement fait le tour. Comme il ne voyait pas quoi ajouter de plus, il attendait donc les réactions de la jeune femme. Levant les yeux, il les posa sur la montre analogique qui surplombait le comptoir du bar et constata que le temps filait vraiment à grande vitesse. Presque une heure de passée déjà… Le grattement d’un stylo sur le papier ramena son attention vers la table et il put constater que la journaliste prenait les dernières notes dont elle avait besoin. Un coup d’œil dessus lui permit de se rendre compte qu’il n’y comprenait absolument rien, et ce n’était pas seulement lié au fait qu’il le lisait à l’envers… Elle devait utiliser un langage bien à elle, comme ces personnes qui travaillent à la prise de notes dans les tribunaux. Finalement, elle leva enfin les yeux de son papier pour poser une nouvelle question, qui n’avait rien à voir avec l’Afflictis, du moins en apparence.

Au tout début de leur entretien, elle avait effectivement exposé le fait qu’elle s’intéressait aussi à ses travaux de recherche universitaire. Comme ils n’en avaient pas encore parlé jusque là, il était évident qu’elle aborde enfin ce sujet. Elle disait s’être renseignée sur son travail, mais elle préférait toutefois que Fillan le lui explique de lui-même, simplement parce que ça pouvait permettre d’éviter le fait d’occulter certains aspects qui sembleraient logiques, au premier abord. Le jeune homme réfléchit donc un petit moment, cherchant le meilleur point de départ à ses explications avant de finir par prendre la parole.

« Alors tout d’abord, il faut préciser que ces recherches sont menées par les professeurs Langford et Blueberry de l’Université d’Achaea. Quant à moi, je ne fais qu’assister le professeur Langford dans son travail. A l’heure actuelle, le but de ce dernier est le suivant : tenter de prouver, ou au contraire d’infirmer, l’existence des mutants en parallèle à celle des humains au cours de toute notre histoire. Ces recherches sont largement financées par la fondation Afflictis Lentae qui voit là un moyen de prouver à tous que les mutants ont autant de droits que les humains. En effet, si les deux se sont toujours côtoyés, pourquoi devrait-il en être autrement aujourd’hui ? »

La question était plus rhétorique qu’autre chose et Fillan n’attendait pas que Neve y réponde. Elle visait simplement à remettre en place les intérêts que la fondation avait dans le financement de ces recherches, à savoir prouver l’égalité de droits entre les mutants et les humains. Il ne savait pas encore à quel niveau se situaient les recherches sur les origines de la lignée mutante, du point de vue génétique, mais il pensait que l’on pourrait aussi y arriver par des recherches plus anthropologique et historique.

« Aujourd’hui, il existe deux avis sur les mutants. Pour certains, les mutations sont une évolution de l’homo sapiens. Une sorte de changement dans la ligne génétique, mais là, je n’en connais pas encore assez pour vous donner les détails. Pour d’autres, les mutants ont toujours existé, du moins, depuis aussi longtemps que l’espèce humaine. En fait, il s’agirait de deux branches issues d’une même souche. Ca ne serait donc pas une évolution de l’espèce humaine actuelle, mais une forme parallèle. Cela n’est pas impossible, l’histoire le prouvant largement. En effet, l’homo sapiens, à savoir l’homme moderne a longtemps cohabité avec l’homo neanderthalensis, tous deux descendants de l’homo erectus. Par conséquent, il reste possible que les mutants soient un troisième représentant du genre Homo. »

Toutes ces théories étaient bien jolies, mais elles n’expliquaient pas comment les chercheurs comptaient le prouver. Toutefois, une fois ces bases établies, on comprenait beaucoup plus facilement que le reste n’était pas qu’une immense fumisterie.

« En ce qui concerne les moyens de le prouver, c’est un peu plus compliqué. Je vais toutefois essayer de me montrer le plus clair possible. Commençons par un exemple simple, la perception des mutations à l’heure actuelle. Vous aurez pu vous en rendre compte par vous-même, où que l’on regarde dans cette ville, on trouve des traces des mutants, que ce soit à la télévision, dans les journaux, sur les affiches, etc. On sait plus ou moins exactement ce qui est à l’origine de ces talents qu’ils possèdent, mais ça n’empêche pas d’en parler de manière très exhaustive. Cela passionne autant que ça écœure et il suffit de regarder les comics d’ailleurs. Combien de mutants y trouve-t-on ? Enormément et parfois dans des rôles surprenants… C’est justement ce qui m’amène à ce deuxième exemple. Comment aurait été perçue la mutation dans les sociétés du passé ? Imaginez un homme capable de créer le feu. Dans des sociétés médiévales, on aurait pu y voir un démon. Mais qu’en aurait-il été dans des civilisations plus anciennes, souvent polythéistes ? N’aurait-il pas été un parfait avatar divin ? »

Cette théorie était bien difficile à tenir parce que souvent, les humains voyaient d’un très mauvais œil la possibilité que les mutants se prennent pour des dieux. Mais pourtant, si l’on omettait ce fait, elle était particulièrement crédible. Il ne restait qu’à le prouver à cette journaliste.

« Ca peut vous sembler tiré par les cheveux, mais je vais vous expliquer. Si l’on prend des civilisations comme la Grèce ou la Rome antique, on trouve des textes mythiques qui relatent l’apparition des dieux parmi les hommes. Prenez par exemple l’Iliade, ou même l’Odyssée. Ou même la légende d’Héraklès. L’apparition d’Apollon à Troie ne pourrait elle pas représenter celle d’un mutant capable de se servir du soleil ? Quand à Héraklès, pourquoi ne serait-il pas un mutant doté d’une force surhumaine ? Comment expliquer que dans de nombreuses civilisations, on retrouve des légendes similaires, ou au moins tournées vers le même thème ? Il suffit de faire une simple recherche mythologique sur le loup. On verra que dans de nombreuses civilisations, le loup a une connotation négative, étant même connu comme l’animal du Diable, au Moyen Age. De plus, les textes médiévaux racontent que pour se rendre au sabbat, les sorciers prenaient l’apparence d’un loup. Comme cela, cette information n’a que peu d’importance, mais que diriez-vous si je vous apprenais qu’aujourd’hui, les chasseurs de mutants traquent un loup dans la forêt de notre ville ? Tout simplement parce que ce loup, n’en est pas réellement un… Le pouvoir de ce mutant ressemble grandement à celui que l’on attribuait aux sorciers… »

Toutes ces informations n’avaient rien de très précis, mais il devenait rapidement possible de toutes les confirmer lors d’un rapide passage à la bibliothèque ou sur internet. D’autres se trouvaient régulièrement dans la colonne des faits divers de nombreux journaux de la ville…

« Bien entendu, tout cela n’est qu’hypothèses… Je n’ai pas encore eu l’occasion de le vérifier auprès d’un généticien. Mais s’il est possible qu’au cours du temps, plusieurs personnes partagent le même pouvoir, alors, on peut attribuer de nombreux pouvoirs mutants aux héros et dieux de la mythologie de nombreuses cultures. Comme cette louve, par exemple. On pourrait par exemple imaginer que Morphée n’était autre qu’un mutant capable de donner corps aux rêves dans l’esprit des gens. Tandis que Zeus aurait eu le pouvoir de contrôler et de créer la foudre. Mais tout cela demande d’être confirmé. Je ne peux donc vous en dire davantage pour le moment. »

Il devrait en effet en discuter largement avec Curtis pour avoir son avis. En fonction de cela, il devrait ensuite consulter un généticien pour préciser de nombreux points au sujet des mutations, des gênes et de la manière dont se manifestent les pouvoirs. Mais cela prendrait encore du temps.

« Par contre, je suis désolé, mais je vais devoir vous quitter. Je dois retrouver quelqu’un pour déjeuner et il me faut encore faire le trajet. Toutefois, si vous avez d’autres questions, nous pourrons nous revoir plus tard. Vous avez mon numéro de téléphone et je suis de toute façon à la fac tous les jours. Sinon, c’est que je me trouve à la bibliothèque. N’hésitez donc pas à me contacter en cas de besoin ! Je vous remercie encore de votre intérêt et j’espère avoir pu vous aider. Je vous souhaite encore une bonne après-midi. Au revoir. »