Environ quatre heures et demi après avoir quitté la ferme, Jared était de retour en ville. Il avait mis plus de temps qu’à l’allée, car il avait fait un large détour pour retourner à la route ; il ne tenait pas à ce qu’on remarque ses allées et venues vers la ferme. La pluie s’était un peu calmée en chemin, si bien qu’il ne tombait plus qu’une fine bruine lorsqu’il arriva à Achaea. Il portait l’ensemble imperméable noir qu’il avait enfilé avant de quitter la ferme et son ‘’Armure souple’’ l’enveloppait de la tête aux pieds. En réalité, il n’avait nul besoin de l’imperméable, mais en ville, se promener en simple chemise et pantalon sous la pluie sans que la pluie ne le touche… Ça aurait été stupide et imprudent. Un excellent moyen de se faire remarquer ! Hors, il désirait rester anonyme, surtout pour la première mission que Chow lui avait confiée. Il déambula dans les rues jusqu’au centre-ville, et gara la vieille bécane dans le stationnement où il avait l’habitude de la laisser. Il mit le casque dans le coffre sous le siège. La fine pluie lui tambourinait dessus, mouillant l’imperméable. Dessous, son corps, son linge et ses souliers étaient protégés de la pluie par son champ de force. Il mit le capuchon, histoire d’ajouter de la crédibilité à son déguisement. De sa démarche rapide, il se dirigea vers le bâtiment où se trouvait sa cible.

Vingt minutes plus tard, il s’arrêta devant un bâtiment blanc, long et haut, bardé de fenêtres. Sur le toit, on pouvait apercevoir plusieurs grandes antennes de télévision. Au-dessus de l’entrée principale, un écriteau fixé au mur annonçait : Productions Garcia. Il était au bon endroit. Son regard se porta vers le sommet du bâtiment, vers l’unique fenêtre du coin gauche. C’était celle, selon son contact, du bureau du Directeur de la station télévisée, Simon Garcia. L’homme qui détenait les noms de plusieurs mutants inconnus des humains de l’Opération Apocalypto... Des noms que Chow Watanabe et Jared Nar’Soll ne pouvaient laisser être divulgués.

Jared observa quelques instants le bâtiment puis il dirigea vers la façade est, où devait se trouver une ruelle sombre. La ruelle était cachée entre le bâtiment Garcia et un autre, fermée à se deux extrémités par une haute clôture en bois. Jared jeta un coup d’œil autour de lui, vérifiant s’il y avait quelqu’un dans les parages. Personne en vue. Parfait. Il leva une main et un second champ de force apparut sous ses pieds. Il flotta rapidement au-dessus de la clôture, soulevé par son don. Jared se laissa flotter à quelques centimètres du sol couvert de détritus et leva les yeux vers le sommet du bâtiment Garcia. Il s’éleva entre les deux bâtiments, vers la troisième fenêtre du quatrième étage, le même que celui où se trouvait le bureau de sa cible. Cette fenêtre-ci était celle du bureau de son contact. Quiconque aurait aperçu Jared à cet instant aurait immédiatement compris qu’il était un mutant, à flotter ainsi dans les airs. Lui voyait ses champs de force clairement, mélange de couleurs entre bleu sombre et vert forêt, mais tous les autres ne voyaient rien. Quelques secondes plus tard, il cogna trois fois à la vitre et son contact lui ouvrit la fenêtre. Jared se faufila rapidement à l’intérieur, incognito, et atterrit sur le sol. D’un mouvement, il ferma la fenêtre derrière lui puis se tourna vers son contact.

Son contact se nommait Sèverine Nault, mieux connu sous le nom de Sèv. Elle travaillait ici depuis des années. Cette jeune femme approchant la trentaine, Jared la connaissait depuis 5 ans ; ils s’étaient rencontrés dans les bars d’Achaea et étaient devenus amants, puis s’étaient liés d’amitié, avant de partager leurs secrets respectifs. À savoir, le fait qu’ils étaient tout deux des mutants. Lui avec le pouvoir de créer des champs de force, elle ayant des sens surdéveloppés. En effet, son odorat, son ouïe, son toucher, sa vue et son goût étaient 100 fois supérieurs à ceux des humains, lui permettant de détecter des choses qui échappaient à tous. Depuis, Sèv servait de contact à Jared - et par conséquent, à Chow – auprès des médias. Elle ne savait pas que son ami faisait parti des mutants Hostiles. Oh, elle s’en doutait peut-être, mais Jared savait qu’elle l’aimait et qu’elle ne le dénoncerait jamais. Ils étaient encore amants de temps à autre, d’ailleurs. Jared savait que Sèverine voulait que leur relation monte d’un cran, mais pour le moment, sa priorité allait à Chow et au goupe des Mutants Hostiles… Ainsi, Sèv avait eu vent – grâce à ses oreilles – que le directeur de la boîte, Monsieur Garcia, détenait des informations clés sur plusieurs mutants. Elle l’avait aussitôt fait savoir à Jared, le rejoignant dans le bar qui leur servait de rencontre hebdomadaire et, de fil en aiguilles, Jared avait reçu de Chow la mission d’éliminer le gêneur et de récupérer les informations.

Assez grande, une silhouette délicate aux formes parfaites, une peau diaphane, presque blanche, accentuant l’obscurité de sa longue chevelure soyeuse, telle était Sèv. Jared détacha son regard du corps de son amie et amante, croisant ses yeux sombres, perles d’onyx où il était aisé de s’y perdre, avec les petites cernes dessous, qui ajoutaient à son charme. Oui, vraiment, Sèv était une belle femme. Peut-être que lorsque la guerre entre humains et mutants serait terminé, Jared lui offrirait-il son amour comme elle lui offrait le sien… Pour le moment, la guerre faisait rage.

Ils s’observèrent quelques secondes, puis Jared ouvrit la bouche pour parler. Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, Sèverine se hissa sur la pointe des pieds et pressa ses lèvres contre les siennes, le serrant contre elle avec une force insoupçonnée. Jared lui rendit son étreinte, passant ses mains dans la chevelure soyeuse de sa chère amie. Son corps, ses lèvres, sa chaleur, son odeur, le mutant pourrait s’y noyer. Les autres femmes avec qui il passait des nuits lui procuraient leur corps, mais seule Sèverine lui offrait son âme. Jared l’écarta un peu de lui, l’observant ; elle était pale, plus cernée qu’à son habitude. Trop de travail, peut-être ? Ou autre chose ? Une pensée traversa l’esprit du mutant : *M’a-t-elle manquée comme je sais lui avoir manqué ?* Étonnamment, il dut admettre que oui. Il la sentait, cette diffuse tristesse en lui, caché profondément. Ses bras se resserrèrent autour de la jeune femme, son visage se nichant dans son cou quelques secondes. Sèverine lui procurait ce qui lui manquait ; un havre de tranquillité et de l’amour, des choses que son mentor ne pouvait lui donner malgré tout ce qu’il lui apportait – et lui avait déjà apporté. Et pourtant, c’est lui qui recula, s’écartant de la jeune femme. Il ne pouvait se permettre de tels sentiments en ce moment. Pas maintenant.

- Il porte la clé de son coffre autour de son cou, lui dit Sèverine à voix basse d’une voix musicale, qu’elle tenta de faire paraître joyeuse sans trop de succès.

Elle ne lui posa pas la question qui la taraudait vraiment : ‘’ Que vas-tu faire, maintenant ? ‘’ Naturellement, elle le savait déjà. Son patron mourrait ce soir. Elle savait que Jared agirait pour le bien de ceux de leur race. Peut-être leurs noms figuraient-ils sur cette fameuse liste ? Elle n’en savait rien, mais ne pouvait courir le risque. Jared non plus. Elle n’aimait pas la violence, mais elle savait que Jared avait d’autres engagements – elle ne savait pas avec qui - qui passaient avant elle... et elle comprenait cela. Même si ça lui brisait le cœur. Jared inspira profondément et sa main alla se poser sur la joue pâle de la jeune femme, qui ferma les yeux sous la caresse. Jared enleva ensuite son imperméable et le posa en boule dans un coin du bureau de son amie. Il les récupérerait en ressortant.

- Il est temps que tu t’en ailles, Sèv, murmura-t-il de sa voix claire et profonde. Je ne voudrais pas t’attirer d’ennuis…

Ce jour là, il s'était étonné de la pluie qui tombait drue, comme des cordes à linge. Il n'avait pas voulu sortir. Il avait joué du piano, longtemps, jusqu'à sentir cet engourdissement qu'il aimait tant dans ses doigts fins et délicats. Il aimait sentir cette fatigue à peine douloureuse dans ses doigts à la force prodigieuse. Il sortit un paquet de cigarette de sa poche, et alluma une de ses cigarettes à la cerise qu'il aimait tant - ce parfum avait le don de le calmer un peu, quand il réussissait à percer sa carapace et à montrer son énervement. Encore une fois, ses voisins du dessus se criaient dessus, et il commençait à se lasser, songeant carrément à déménager, mais il n'avait pas le coeur de partir - pas à cause d'un sentiment de mélancolie, mais par pure logique : il était tout près du centre-ville, ce qui, il devait l'avouer, était bien pratique !

Il se remit à jouer du piano, mais sans y avoir le coeur. Il soupira : voilà que l'ennui le terrassait ! Il songea à lire un livre, mais les bibliothèques de chez lui étaient remplies de bouquins qu'il avait déjà lu. Il se décida donc à sortir, à la fois pour éviter le meurtre prémédité de ses voisins - ce qui ne l'aurait pas gêné mais aurait dérangé le voisinage et donc lui - et pour lui éviter de longues heures ennuyeuses.

Wyatt sortit et, invisible aux yeux des gens, il resta sous la pluie à marcher doucement, sans grand but à avoir. Il ne savait pas quoi faire - l'affaire au gouvernement n'avançait pas. Il avait réussi à avoir quelques informations, mais rien ne pouvait le faire avancer : et un massacre serait le bienvenue dans l'humeur exécrable dans laquelle il était, mais ce n'était certes pas le moment. Aussi, redevenant visible, il alla tout simplement acheter des bouquins chez un libraire. C'était pathétique de voir comment il devait faire de simples courses, comme un humain ! Il regarda froidement la libraire lui faire un sourire entendu, et lui donner son livre. Il sortit et voulut se mettre à le lire, immédiatement, abrité de la pluie, mais quand il ouvrit le livre, il vit un numéro inscrit sur la page de garde. Il regarda le livre souillé par la main humaine, et le ficha dans la poubelle la plus proche - l'ennui ne valait pas d'avoir quelque chose qu'un humain avait autant sali.

Wyatt s'arrêta un instant sur un muret, prêt d'un parc, à regarder les petits humains jouer sous la pluie. Les humains trouvaient ça mignon : lui avait envie de voir ce que donnerait un humain mort. Un petit humain - il n'avait jamais tué de gosse, et il était curieux de voir ce que cela ferait, mais alors qu'il se levait, visible, il entendit des cris. Il pouvait passer inaperçu, vêtu de son complet noir, et de sa cravate bleue. Il était assuré de porter ses lunettes noires, cachant ses yeux - son pouvoir allait peut-être servir ? Il s'avança, à pas simples, quand un homme passa à ses côtés, suivit d'un second, qui se mit à crier.

<< Je viens de le voir sortir de là-bas ! Au voleur ! Au mutant ! Je l'ai vu voler ! Il était dans les airs ! Au mutant ! >>

Et cette accusation se renchérit quand des cris se firent entendre dans le dit bâtiment que l'homme avait quitté. Wyatt avait craint que l'accusation ne soit pour lui, mais non. Curieux, Wyatt s'approcha et regarda l'homme rapidement : il était dans la force de l'âge, et si il avait agi, et tué des hommes, il avait fait cela proprement. Comme il devait s'en douter, les gens criaient et des agents s'approchaient. Soupirant, il retira ses lunettes et les rendit tous aveugles, tous tels qu'ils étaient. S'ensuivit quelques minutes du plus total désordre : des voitures s'arrêtèrent, certains passants même furent happés. Mais ça, il s'en fichait pas mal. Il s'approcha de l'homme, qu'il n'avait pas rendu aveugle. Il était curieux : il n'avait jamais connu d'homme meurtrier - enfin, si on pouvait dire cela, car il y avait bien eu ses camarades aux services secrets, mais il avait de voir ce que cet homme valait. Et pourquoi pas, le tuer après ? Ses yeux toujours blancs, il fit un sourire amusé à l'homme.

<< Apparemment, vous faites beaucoup de bruit autour de vous : je n'aime pas le bruit. Ces humains sont vraiment trop bruyants pour moi. Alors comme cela, vous tuez et vous volez ? Dites m'en plus . Je suis curieux. >>

Il avait beau avoir les yeux entièrement blancs, il voyait l'homme parfaitement. Il voulait voir ses réactions, pouvoir analyser ce qu'il allait répondre - ou justement, peut-être analyser son silence. On entendant encore les cris et les pleurs des gens derrière. Il les avait plongés dans d'affreux cauchemars peuplés d'ombres noirs, et de leurs terreurs les plus secrètes. C'était amusant, et il sentait la terreur autour de lui. Avant que l'homme ait pu répondre, il leva l'index, pour lui dire d'attendre, et alla récupérer un livre - le même que tout à l'heure, mais vierge de numéro - dans une presse non loin. Il revint et fit un signe de tête, pour dire que c'était bon. Il passa sa main sur le bouquin, comme pour le nettoyer.

<< Fichus humains, ils salissent tout avec leurs pattes ... Vraiment ... >>

Il continua de grommeler jusqu'à être satisfait de la propreté de son livre, puis fixa ses yeux sur l'homme, et eut à nouveau un sourire amusé. Les gens commençaient à pleurer plus fort, et il en avait marre de ces pleurnicheries. Il pencha la tête en avant.

<< Je vous propose de nous éloigner, je pourrais ainsi les libérer. Ils seront perdus encore quelques instants, le temps qu'ils se remettent, mais néanmoins, il serait plus prudent de s'éloigner et de ... >>

Alors qu'il s'éloignait justement, invitant l'homme à le suivre, il entendit son portable sonner. Il répondit, sans un mot, décrocha le portable et le porta à son oreille, attentif - on ne l'appelait jamais pour rien.

<< - Blue, c'est moi . J'ai du nouveau. Le gouvernement a mit en place une milice très armée. Et une de leur base, l'Opération Apocalypto, travaille à un vaccin contre le gêne.
- Un vaccin ? >>

Son ton était froid et coupant, dur comme la roche et aussi glacial que la glace. Il était indigné, si indigné qu'il avait presque envie de tuer tous les humains sur place : comment osaient-ils donner un vaccin?! Comme si le gêne était une maladie ! Son collègue continua après un silence gêné, habitué aux humeurs sombres de Wyatt.

<< Oui donc, je te passe certaines infos qui te seront utiles, mon vieux. [...] Tiens y'a du bruit ? C'est quoi ? Wyatt, tu sais que tu ne dois pas faire de grabuge et que ... >>

Raccrochant, Wyatt avait noté mentalement lesdites infos, puis soupira doucement - les services secrets n'étaient plus ce qu'ils étaient. Il s'était imaginé comme une sorte de héros : il était juste devenu le méchant, mais c'était loin de le gêner. Il nota que l'Opération semblait être importante, et qu'il devrait faire gaffe, il songea aussi à se faire internet dans cette opération et à les tuer, mais c'était top simple ... Il revint à lui et se tourna vers l'homme, alors qu'ils s'étaient éloignés de la foule qui reprenait peu à peu ses esprits. Ses yeux redevenus bleus, il se tourna vers l'inconnu et remit ses lunettes - il n'aimait pas fixer les gens. C'était indécent, même si paradoxalement, fouiller leurs cauchemars et les rendre réels était tout aussi indécent.

<< Je suis Donovan Blueberry. >>

Faux nom, bien entendu, mais il voulait savoir celui de l'homme - pouvoir se renseigner sur lui était vital, il n'aimait pas ne pas savoir à qui il avait à faire, surtout si cet homme était aussi dangereux qu'il semblait 'être - il avait une mine presque froide. Il ne semblait pas sympathique, mais cela forgeait la curiosité de Wyatt. De quoi cet homme était-il capable ? Surement pas de le tuer, mais sais-t-on jamais, il avait tendance à trop sous-estimer ses adversaires, et celui là, si il avait réellement tué, semblait calme. Sortant une cigarette de sa poche, là où il y avait son paquet, il alluma la clope et expira une bouffée de fumée, qui calma l'excitation meurtrière qui le prenait soudainement. Il détestait les humains, ils faisaient tous resurgir chez lui une sorte de pitié tout à fait humaine, c'était indécent ! Et puis, il se souvenait alors. Ses souvenirs, il voulait les quitter ! Il détestait se souvenir - ça ne servait à rien, sauf à l'énerver plus encore. Il avait rencontré Jun, du temps où il était encore humain - mentalement parlant. Il ne voulait plus se souvenir de son ami asiatique - il en était hors de question. Ces humains faisaient vraiment revivre son humanité, et ils méritaient tous de mourir pour cela. Alors qu'un garçon s'approchait d'eux, voulant fuir apparemment le lieu où il avait cauchemardé, son regard se posa sur les deux hommes. Tant mieux ... Levant la main - même si le geste n'avait rien à voir avec son pouvoir - Wyatt le rendit aveugle, doucement, comme son pouvoir en avait l'habitude. Le garçon tomba à genoux sans un cri - Wyatt le remercia mentalement pour cela - puis s'approcha à pas lents de lui, et plus il s'approchait, plus les cauchemars devenaient immondes et plus réels : le garçon se trouvait dans une lande dévastée aux couleurs sombres, et il était dans le noir, les mains clouées au sol. Le garçon pleurait sur le sol, sans bruit, et Wyatt se pencha vers lui, comme pour le rassurer. Il toucha d'un doigt l'entre-sourcil du garçon et le contact renforça la peur chez le garçon - son coeur s'arrêta tout bonnement. La dernière vision qu'il eut fut un ciel qui n'était pas celui sous lequel il était né. Wyatt avait presque réduit son cerveau en compote sous ses attaques de cauchemars, et le nez du gamin pissait le sang. Reculant un peu, dégoûté, il soupira. Il en avait oublié l'homme, sous son envie meurtrière et se retourna de nouveau vers lui. Il remit lentement ses gants e cuir, consciencieusement et effaça toute trace qui aurait pu mener jusqu'à lui à partir du garçonnet.

Wyatt aimait tuer, c'était dans sa nature. C'était devenu sa nature : il haïssait les humains, depuis qu'un de leur instrument avait tué la seule personne à qui il tenait réellement. Son but n'était pas la vengeance, certes non, mais elle alimentait cette haine qui lui servait chaque jour e leitmotiv pour se convaincre de tuer encire et encore, et à force, c'était devenu une envie, un besoin - le besoin de faire mal, et pas forcément physiquement. Il était devenu foncièrement mauvais. Son aller-retour c'était transformé en aller, et hors de question de faire marche arrière. Il était l'un des instruments les plus puissants de l'Angleterre, un instrument pensant, néanmoins, et qui avait sa façon de faire, qu'elle plaise ou non aux services. Il avait en lui cette haine pour les êtres qui avaient si peur des mutants - oui, ces humains avaient peur de ce qu'ils ne connaissaient pas, l'inconnu les tuaient doucement. Et ils avaient tellement de raison d'avoir peur ... Ils étaient impuissants face à eux - du moins pour l'instant. Et il fallait que la situation reste ainsi : les mutants supérieurs aux humains. Si ils trouvaient ce "vaccin" comme ils disaient, cet antitode, les mutants seraient à égalité. L'Angleterre voulait enrayer ce processus de recherche, et avait envoyé Wyatt - il devait massacrer le groupe anti-mutant. Et apparemment se faire aussi l'Opération. Il se sentait de taille, même si ce n'était pas forcément le cas. Il voulait tuer, encore et encore ... Ca le défoulait - et après chaque tuerie, il composait de si jolies chansons, au piano ! Tout en songeant à cela, il passa sa main gantée sur sa joue et finit sa cigarette qu'il jeta au sol - la pluie venait de cesser, laissant lair pur et frais.

[ Bon, j'ai eu beau chercher, j'ai pas trouvé d'autres trucs. Ca colle pas trop à Wyatt, mais je me rattraperais, promis T_T ]

[Bah, t'inquiète ! Je trouve ça bien, moi ! De plus, j’ai modifié la fin de mon dernier post pour que ça concorde…]

Jared tourna sur lui-même, sans pour autant arrêter de marcher, vérifiant d’où venaient les cris. À une bonne distance, deux humains courraient dans sa direction, un peu comme s’ils sortaient du parc situé derrière eux. C’étaient eux qui criaient, ameutant toute la rue. Jared aperçu un autre homme derrière ces deux-là, portant un complet noir et des lunettes fumées, qui observait lui aussi dans sa direction. L’un des deux premiers hommes se mit à crier :

<< JE VIENS DE LE VOIR SORTIR DE LÀ-BAS ! AU VOLEUR ! AU MUTANT ! JE L'AI VU VOLER ! IL ÉTAIT DANS LES AIRS ! AU MUTANT ! >>

Jared étouffa un juron. C’était de lui qu’ils parlaient, aucun doute là-dessus. Et leurs cris avaient ameutés d’autres personnes, une petite quinzaine de piétons curieux et quelques agents de l’ordre, qui le l’auraient pas remarqués sans ces deux abrutis. Il avait dû être moins discret qu’il ne le pensait en sortant de l’immeuble… Presque au même moment, d’autres cris lui parvinrent, venant de l’immeuble qu’il venait de quitter. Oh, oh ! Apparemment, les gardiens de nuit avaient été plus rapides qu’il ne le pensait… Avaient-ils déjà découverts le cadavre de Garcia ? Il n’en savait rien et ne voulait pas le savoir. Son travail était fait et il n’avait plus rien à faire dans le coin. Il jeta sa cigarette dans une flaque d’eau à ses pieds et fit un pas de côté, prêt à s’enfoncer dans une ruelle près de lui pour disparaître. La suite des évènements se déroula si vite qu’il arrêta aussitôt son mouvement. Un instant, les humains le montraient du doigt, l’instant suivant, ils titubaient comme des ivrognes, un peu comme s’ils étaient devenus subitement aveugles. Le désordre fut complet. Quelques voitures stoppèrent leur course, leur conducteur étant également frappé par cet effet surprenant. Quelques passants furent renversés ou écrasés. Un concert de cris et de hurlements s’éleva. Chaotique. Telle était devenue l’ambiance de cette rue un moment plus tôt tranquille. Une vue qui plaisait bien au bras droit du chef des Mutants Hostiles.

Jared haussa les sourcils, néanmoins perplexe. Puis ses yeux se posèrent sur l’homme en complet noir et il comprit. Ce dernier avait enlevé ses lunettes et s’était approché. C’était lui, l’auteur de ce chaos. Jared nota ses yeux complètement blancs, dénués de pupilles lorsqu’il fut assez près. Un Mutant, comme lui, avec un pouvoir somme toute intéressant. Un don qui intéresserait très certainement Chow. L’homme était jeune et l’observait avec curiosité, comme s’il l’évaluait. Jared fit de même de son côté, sortant calmement son paquet de cigarettes de ses poches et en tirant une clope. Il l’alluma avec son zippo, donnant un aperçu de sa main gauche à l’inconnu. Il y manquait le petit doigt et l’annulaire, malheureux résultat de la première activation de son don. Un sourire amusé aux lèvres, le jeune homme était presque aussi grand que Chow, mais lui avait une carrure fine alors que Chow, lui, était plus large et plus musclé. Il avait des cheveux noirs, un visage agréable, une peau pâle, des gants aux mains… Pas plus de 20 ans, estima Jared en souriant également.

La voix du jeune homme parvint clairement aux oreilles de Jared malgré les cris des humains aveuglés. Ses paroles semblaient anodines ; il lui dit qu'il faisait beaucoup de bruit et qu'il n'aimait pas cela, puis ajouta que les humains étaient trop bruyants, ce qui éveilla l'attention de Jared. Il avait prononcé ''ces humains'' d'un ton empli d'animosité et de colère. Il disait être curieux, vouloir en savoir plus sur les accusations des humains, mais en décelait beaucoup plus. Ce jeune homme voulait le jauger, tester ses réactions. Le jeune homme leva un doigt avant qu’il puisse lui répondre et se dirigea vers un stand de journaux et de livres, non loin, et y prit un livre. Il revint et lui fit signe qu’il pouvait parler. Ce garçon avait une attitude qui lui plaisait bien. Comme lui, il ne semblait pas du tout gêné par les cris terrifiés des humains. Serait-il un Mutant Hostile également ? se demanda Jared. Si c’était le cas, il venait peut-être de dénicher un allié potentiel. Le jeune homme frotta de la main le livre, comme s’il était sale, et il parla à nouveau, insultant les humains et disant qu'ils salissaient tout. On aurait presque dit qu'il parlait d'animaux. En fait, réalisa Jared, il parlait des humains d'une façon semblable à Chow.

Le sourire de Jared s’accentua. Oui, ce gamin lui plaisait déjà beaucoup ! Il grommela encore quelques secondes puis ses yeux laiteux se fixèrent à nouveau sur Jared et il sourit à nouveau. Les humains gémissaient encore plus fortement qu’auparavant autour d’eux. Jared ne savait pas exactement ce qu’il leur faisait subir avec son pouvoir, mais ça n’avait certainement pas l’air agréable. Son jeune compagnon ouvrit à nouveau la bouche, proposant qu'ils séloignent, qu'il pourrait alors libérer les humains de l'emprise de son pouvoir. Il ajouta qu'ils seraient désorientés un moment, ce qui leur laisseraient le temps de s'éloigner.

Une sonnerie de portable lui coupa la parole. Le jeune homme répondit et écouta son interlocuteur. Sa voix jaillit à nouveau, tranchante et glaciale, et il pronça deux mots :

- UN VACCIN ? >>

Jared ne savait pas qui était au bout du fil avec le garçon, mais s’il était question d'un vaccin, c’était assurément un vaccin capable d'annuler le gène mutant. Capable, donc, d’annuler leurs pouvoirs. Si une telle chose existait réellement, leurs chances de gagner la guerre diminuaient radicalement de moitié. Il devrait en toucher un mot à Chow, et rapidement. Pour décider de la marche à suivre. Mais avant, il devait parler avec son compagnon. Ce dernier ferma son portable d’un claquement sec, le rangea et sembla réfléchir quelques instants. Il remit ensuite ses lunettes sur son nez puis se présenta sous le nom de Donovan Blueberry.

Blueberry... Ce nom de famille disait quelque chose au mutant. Blueberry… Où avait-il entendu ce nom ? Se pourrait-il que… ? Il secoua la tête, aspirant une nouvelle bouffée de cigarette puis l’expirant vers le ciel. Si Donovan Blueberry n’était pas le jeune mutant qu’il devait rencontrer, le dénommé Wyatt Blueberry, la similitude entre leurs noms était toute une coïncidence ! Jared tenta sa chance :

- Je suis Jared Nar’Soll, dit-il de sa voix claire en se présentant à son tour. Enchanté de te rencontrer, Donovan. Ou plutôt devrais-je dire Wyatt, ajouta-t-il si bas que lui seul pouvait l’entendre.

Le comportement du jeune homme sembla radicalement changer en entendant son vrai prénom dans la bouche d’un inconnu, Jared le sentit aussitôt. Son ‘’Armure Souple’’ l’entourait déjà, alors il ne craignait pas les attaques physiques, mais si le don du petit agissait sur l’esprit, il ne pourrait pas s’en protéger. Aussi enchaîna-t-il aussitôt, pour empêcher le garçon de faire un acte stupide et inconsidéré. Ses yeux captèrent un mouvement, au loin.

- Oui, je sais qui tu es vraiment, mon jeune ami Donovan, dit-il d’un ton incroyablement calme en jetant sa cigerette sur un humain, mais ce n’est pas le bon endroit pour t’expliquer. Allons ailleurs.

Wyatt sortit lui aussi des cigarettes de sa poche et en alluma une, ce qui sembla le calmer un peu. Malgré tout, il pouvait sentir la haine qu’il ressentait pour les humains qui les entouraient. Une haine aussi farouche que celle de Chow ! Soudain, un jeune garçon, peut-être 15 ans, s’approcha d’eux. Il posa des yeux exorbités sur les deux mutants, complètement terrifié. Wyatt leva une main vers lui et le garçon cria, lui aussi victime du pouvoir du mutant. Le garçon tomba à genoux, se tenant le visage à deux mains. Le jeune mutant s’approcha, la main pointée et le toucha entre les yeux du bout d’un doigt. Aussitôt, ou presque, le jeune humain tomba raide mort, le nez en sang. Wyatt se tourna de nouveau vers Jared, remettant ses gants. Avait-il voulu lui démontrer qu’il pouvait tuer avec son don ? Ou voulait-il simplement éviter qu’un témoin ne le reconnaisse ? Il ne le savait pas, mais ce qu’il venait de découvrir, en revanche, le ravit. Ce gamin était aussi impitoyable que lui-même pouvait l’être ! Il plairait à Chow, c’était certain.

Ses yeux se portèrent au-delà du jeune mutant, qui se frotta la joue avec sa main gantée avant de jeter sa cigarette au sol. Le mouvement qu’il avait aperçu au loin plus tôt se révéla être un petit groupe d’homme venant vers eux au pas de course. Six hommes, pour être précis, encore à 30 mètres d’eux. Ils se rapprochaient rapidement et étaient armés d’armes automatiques et équipés d’armures pare-balles. Jared leva une main à son tour et la charge des humains fut stoppée net. Un mur invisible se dressa soudain sur leur chemin et ils s’y écrasèrent comme des oiseaux sur une fenêtre. Il se dirigea ensuite vers eux d’un pas tranquille, ne jetant pas un regard de plus au cadavre du jeune garçon que Wyatt venait de tuer. Sa main droite se tendit devant lui, prenant la forme d’un revolver. Le mur invisible disparut. Tout en continuant à avancer, il tira dans la tête des deux hommes qui se relevaient déjà, moins sonnés que les autres. Puis il se posta au-dessus d’eux et acheva le travail. Un champ de force invisible comprimé en petite sphère était mortel propulsé rapidement. Autant qu’une balle de revolver. Bientôt, six cadavres gisaient sur le sol, leur sang se mélangeant à une rigole d’eau de pluie sur le sol. Six anti-mutants de moins, tout simplement.

Jared nota que la pluie avait cessée puis se tourna, le visage impassible, vers son jeune compagnon. Son expression changea rapidement et un sourire amusé naquit sur ses lèvres. Il ne comprenait pas exactement quel était le pouvoir de Wyatt, mais ce dernier non plus ne devait pas comprendre grand chose au sien. Il fit un petit signe de sa main libre, lui faisant signe de le rejoindre. Puis ses yeux s’écarquillèrent : derrière Wyatt, un des agents de l’ordre sur lesquels il avait utilisé son étrange pouvoir avait dégainé son arme et la pointait vers le dos du jeune homme. Il semblait avoir rapidement récupéré. Wyatt se retourna à la vitesse de l’éclair en voyant le regard de Jared, mais ce dernier fut plus rapide. Sa main bougea à l’instant où l’humain tirait. La détonation fut assourdissante. Wyatt tressaillit lorsque la balle le frappa à la poitrine. Mais il ne tomba pas et ne fut pas blessé. Jared avait créée une ‘’Armure Souple’’ autour du jeune homme, le protégeant in extremis. La balle retomba au sol, complètement écrasée sur elle-même. Il ne pouvait voir le visage du mutant ou celui de l’humain, mais il se doutait que tout deux devaient être sacrément surpris ! Le jeune mutant lui jeta un regard avant de s’avancer vers l’humain qui avait tenté de le tuer. Autour, les autres humains reprenaient lentement le contrôle de leur vision. Jared extirpa ses cigarettes de sa poche et en alluma une autre, observant le jeune mutant. Son visage avait repris son expression impassible.

Wyatt sembla surpris de voir la balle tomber au sol, écrasée et presque réduite en poussière. Ses poings se serrèrent tandis qu’il se tournait vers l’homme qui lui avait tiré dessus. Autour des deux Mutants, les humains se mirent à gémir encore plus fortement ; le jeune mutant avait réactivé son pouvoir apparemment, quel qu’il soit. L’humain devant Wyatt tremblait violemment, ses mains à peine capables de tenir son arme et il tenait sa tête de sa main libre, comme si elle lui faisait mal. Jared se déplaça sur la gauche pour mieux voir ce que son jeune frère de race allait faire. Pour mieux apprécier le spectacle. Un sourire amusé planait sur ses lèvres, signe qu’il approuvait ce qu’allait faire Wyatt, peu importe ce que c’était.

L’humain tira une nouvelle fois sur Wyatt malgré la douleur et la terreur qu’il semblait ressentir, le visage crispé en une grimace terrifiée. Wyatt, toujours protégé par le champ de force de Jared, ne vit que les balles le frapper et retomber au sol, inoffensives. Pauvre petit humain… Rien de ce que ses supérieurs lui avaient dits ne devait l’avoir préparé à affronter ce qu’il était présentement en train de ressentir, songea Jared, son sourire s’élargissant. Wyatt retira l’arme des mains de l’homme sans qu’il ne fasse quoi que ce soit pour l’en empêcher. L’humain bégaya quelque chose d’inintelligible, tentant probablement de supplier qu’on le laisse en vie. Le jeune mutant lui flanqua à la mâchoire un coup de crosse, le faisant tomber. Jared voyait Wyatt de profit et il vit son visage crispé de fureur et de haine. Lentement, le mutant se pencha et toucha la joue de l’humain, ce qui eut pour effet de le faire crier fortement. Les cris augmentèrent, véritable cacophonie de terreur.

À peine Wyatt avait-il dit à l’homme de ne pas faire de bruit et qu’il avait eu sa chance que l’humain s’effondra au sol dans un spasme puissant. Comme le jeune humain un peu plus tôt, lui aussi saigna du nez. Et lui aussi était mort. Ainsi, il doit toucher ses victimes pour les tuer, nota Jared, toujours souriant. Il tira une nouvelle bouffée de cigarette et souffla vers le ciel, sans quitter Wyatt des yeux. Ce dernier se redressa, donnant un coup de pied rageur au cadavre puis il se tourna vers lui, l’observant.

<< - POURQUOI CES SOURIRES ? EST-CE MON POUVOIR QUI VOUS AMUSE ? D'AILLEURS, LE VOTRE M'A APPAREMMENT SAUVÉ LA VIE. >>

Jared n’attendait pas de remerciement. S’il l’avait sauvé, c’était uniquement parce qu’il s’en aurait voulu de laisser un mutant aussi semblable à lui et à Chow mourir de façon aussi pathétique. Et aussi parce qu’il voulait en apprendre plus sur ce Wyatt Blueberry, si c’était là son véritable nom. Le jeune mutant resta à une certaine distance, sans doute pour tenter de se protéger du pouvoir de Jared. Ce dernier savait cependant que son jeune confrère se doutait que son pouvoir pouvait agir à distance. Les humains gémissaient toujours autour d’eux, ce qui semblait vraiment irriter Wyatt, qui leur cria de se taire. Aussitôt, les gémissements se turent, sans pour autant que les tremblements des humains ne cessent. Jared observa Wyatt et décela du plaisir dans ses traits fins. Il s’amusait de la douleur des humains, ce qui accentua encore le sourire de Jared. Oui, vraiment, ce Wyatt lui plaisait !

<< - JE DISAIS DONC,AVANT D'ÊTRE INTERROMPU PAR CES LARVES : COMMENT CONNAIS-TU MON NOM ? JE REFUSE DE TE SUIVRE PLUS LONGTEMPS SANS SAVOIR CE QUE TU SAIS EXACTEMENT SUR MOI. CE NE SERAIT PAS JUSTE DE NE PAS M'EN DIRE ÉGALEMENT PLUS SUR TOI. MON NOM N'EST PAS CONNU DES GENS,CAR JE SUIS PRUDENT, AUSSI TU DOIS ÊTRE TRÈS BIEN RENSEIGNÉ. LES GENS RENSEIGNÉS, JE NE LES AIME PAS. TROP EN SAVOIR CONDUIT SOUVENT À MOURIR. >>

Il était sur ses gardes, ce que Jared comprenait, bien évidemment. Wyatt s’approcha de lui, lentement. Jared fit un signe de tête, invitant le jeune mutant à le suivre et il s’éloigna vers le parc et la tranquillité des arbres. Un sourire apparut sur le visage du jeune mutant et il parla à nouveau :

<< - RÉSUMONS. TU ES UN MUTANT. JE NE SAIS PAS EXACTEMENT EN QUOI CONSISTE TON POUVOIR. MAIS IL ME SEMBLE DANGEREUX. JE NE COMPTE PAS M'EN PRENDRE À TOI, DU MOINS TANT QUE JE N'Y SERAIS PAS OBLIGÉ. OÙ COMPTES-TU M'EMMENER ? JE NE SUIS PAS CONTRE LE FAIT QUE NOUS NOUS ÉLOIGNONS, LA VERMINE À CÔTÉ ME DÉBECTE ... >>

Wyatt le suivit, à une certaine distance néanmoins. Jared le vit sortir son téléphone cellulaire et le vit pianoter un moment dessus. Que faisait-il exactement ? Il n’en savait rien, mais apparemment, ça n’avait pas l’air de trop plaire à Wyatt… et le jeune mutant accéléra le pas. Un instant plus tard, il parla une nouvelle fois :

<< - TU ES INTELLIGENT, JE PENSE, ET BIEN INFORMÉ. DONC TU DOIS CONNAÎTRE CE VACCIN CONTRE LES MUTANTS. CETTE OPÉRATION APOCALYPTO ... CES HUMAINS SE CROIENT TOUT PERMIS - SI ILS ARRIVENT À FAIRE CE VACCIN - COMME SI LE GÊNE MUTANT ÉTAIT UNE SIMPLE MALADIE ! - NOUS NE SERONT PLUS SUPÉRIEURS À EUX. CE QUI SERAIT TELLEMENT DOMMAGE ... QUE PENSES -TU DE TOUT CELA, À CE SUJET ? >>

Il connaissait l’Opération, un bon point pour lui. Jared songea à ce qu’il venait de dire. Un vaccin contre eux ? Capable d’annuler le gène mutant… C’était une perspective qui le ne réjouissait guère. Pas du tout en fait. Comme Wyatt venait de le dire, ils perdraient l’avantage principal qu’ils avaient contre les humains : leur pouvoir. Jared jeta sa cigarette sur une humaine qui gémissait sur le sol, sortit son paquet une nouvelle fois et alluma une énième cigarette. Avant qu’il puisse répondre, Wyatt parla encore et ce qu’il dit renforça l’opinion que Jared avait déjà du jeune mutant. À savoir qu’il c’était, comme lui, un Mutant Hostile et prêt à tout, où presque, comme Chow et lui-même, pour donner aux Mutants la place qui leur revenait dans le monde. Il avait de plus, semblait-il, le même objectif principal qu’eux : détruire l’Opération Apocalypto, leur principal ennemi et le plus dangereux.

<< JE SONGE QU'IL FAUDRAIT LES TUER, TOUS. JE ME DOUTE QU'ILS SERAIENT NOMBREUX À REPRENDRE LE FLAMBEAU, MAIS DÉTRUIRE LA BASE ENTIÈRE POURRAIT PERMETTRE DE GAGNER PLUSIEURS ANNÉES, ET D'ORGANISER QUELQUE CHOSE CONTRE EUX. CES HUMAINS SE PRENNENT TROP AU SÉRIEUX - ILS NE SONT PAS À NOTRE NIVEAU QU'ILS VEULENT NOUS DÉTRUIRE COMME DES INSECTES. PARADOXALEMENT, NOUS POURRIONS LES DÉTRUIRE, EUX, MAIS NOUS NE LE VOULONS PAS - DU MOINS, IL N'Y A PAS ENCORE EU DE MANIFESTATION DE MASSE, PAS DE MASSACRE, CE QUI EST DOMMAGE. CELA POURRAIT LEUR REMETTRE LES IDÉES EN PLACE ET LEUR MONTRER QUI SONT LES MAÎTRES ICI. >>

Wyatt se tourna vers lui, réalisant soudain qu’il ne savait pas de quel côté se trouvait Jared : neutre, hostile ou pacifique ? C’était pourtant évident, après ce qu’il venait de faire aux humains sans aucune hésitation. Jared prit une nouvelle bouffée de cigarette et sans cesser de marcher vers les arbres, il parla de sa voix claire et pourtant profonde :

- Pour répondre à ta première question, Donovan, je souris parce que je trouve étonnant à quel point ton comportement est semblable à celui d’un de mes amis et au mien. Je ne trouve pas ton pouvoir amusant mais il semble particulièrement utile. Je ne saisis pas encore exactement ce qu’il fait, mais son effet a l’air très désagréable. Comme tu l’as si bien dit plus tôt, je t’ai sauvé la vie, mais uniquement parce que j’aurais trouvé dommage qu’un homme de ton talent se fasse tuer par un simple humain. Et rassure-toi, je ne suis pas si bien informé que cela ; j’ai simplement de bons contacts. Tous avec un pouvoir très utile. L’un d’entre eux a notamment celui de pouvoir détecter nos semblables dans un certain périmètre autour de lui. C’est lui qui t’a repéré quand tu es arrivé en ville et qui m’a averti. Je ne te donnerais pas son nom car il tient à rester discret. Sache seulement qu’il n’est pas fiché, ni au gouvernement ni dans les banques de données de l’Opération Apocalypto, tout comme c’est mon cas, et nous tenons tout deux à ce que cela reste ainsi. Donc, une fois qu’il eut découvert que tu étais porteur du gène qui fait de nous ce que nous sommes, nous avons discrètement obtenus certaines informations sur toi. Rien d’important, comme si ton existence est un secret bien gardé. Il n’a pu dénicher que trois choses : ton nom, l’endroit où tu travailles et où tu habites. J’en déduis que tu caches ta véritable identité et que Blueberry n’est pas ton vrai nom. Tout comme Jared Nar’Soll n’est pas le mien. D’ailleurs, une fois ma mission effectuée ici, je devais aller te rencontrer et t’évaluer ; je reviendrais sur le pourquoi tout à l’heure…

Jared se tut, jaugeant les réactions de son compagnon. Wyatt l’écoutait attentivement, aussi Jared continua-t-il :

- Mon nom t’est inconnu, bien entendu. C’est normal ; comme je viens de te le dire, ce n’est pas le nom que mes parents m’ont donné. Même en cherchant dans les banques de données sous mon vrai nom, si je te le donnais, tu ne trouverais rien de toute façon. Je suis un fantôme. Si j’étais fiché, je serais recherché activement, crois-moi sur parole, pour multiples crimes contre l’humanité : meurtres, persécution des humains, enlèvements et d'autres actes qualifiés d’inhumains ayant causés de grandes souffrances physiques et mentales à de nombreuses personnes... principalement des humains, en fait. Donc logiquement, ton petit résumé est assez incomplet. Oui, je suis bel et bien un mutant avec un pouvoir utile et particulièrement puissant – j’ai eu de nombreuses années pour le pratiquer, après tout – mais je suis bien plus que cela, mon ami. Je suis d’ailleurs bien content que tu ne cherches pas à m’affronter. Il serait dommage que l’un de nous termine sa vie près de ces limaces…

Ce n’était pas une menace, simplement une évidence. Si les deux mutants s’affrontaient, le combat serait violent et très certainement mortel pour l’un d’eux au moins. Jared ne tenait pas vraiment à savoir qui finirait dans le caniveau. Et dans un cas comme dans l’autre, ce serait un vrai gâchis.

- Quand à ce vaccin que tu as mentionné, c’est la première fois que j’en entends parler, pour te dire la vérité. Je me doutais que l’Opération travaillait sur un truc de ce genre ; après tout, les actes des humains sont si faciles à prédire… mais je dois admettre que si une telle chose existe réellement, nous ferons effectivement face à une situation qui ne nous avantagera pas. La meilleure façon de nous assurer s’il existe ou non serait de nous infiltrer dans un des centres de l’Opération et de pirater leurs systèmes informatiques. Nous pourrions ainsi obtenir des informations importantes sur leurs activités et nous préparer en conséquence…

Jared se tut à nouveau et porta sa cigarette à ses lèvres. Ils avaient atteint l’entrée du parc et les cris des humains n’étaient plus que murmures, loin derrière eux. Ceux qui avaient déjà repris leurs esprits se relevaient lentement, encore hébétés, traumatisés, mais il savait qu’aucun d’eux ne se lancerait à leur poursuite. Ils avaient eu bien trop peur. Et avec raison. Bien sûr, d’autres équipes de l’Opération devaient être en route, mais les deux mutants seraient déjà loin lorsque ces hommes arriveraient. Jared repris son récit après avoir fait signe à son compagnon de le suivre. Ils empruntèrent une allée du parc, bordée d’arbres formant une sorte de passage voûté, qui menait vers un quartier moins agité.

- Les tuer tous est une solution, bien entendu, et j’y ai songé de nombreuses fois, mon mentor également. L’unique problème est la différence du nombre : les humains sont beaucoup plus nombreux que nous et même avec des pouvoirs comme les nôtres, prendre d’assaut la base de l’Opération Apocalypto serait du suicide. Bien entendu, si tous les mutants – pacifiques, neutres et hostiles – s’alliaient, nous pourrions les vaincre, mais beaucoup des nôtres ne veulent pas la guerre et préfèrent se cacher comme des lâches…

Il n’aimait pas ces mutants qui se proclamaient neutres et ceux qui étaient non recensés et se cachaient, trop peureux pour prendre l’initiative comme Chow et lui le faisaient. Il détestait encore plus les pacifiques, ces naïfs qui croyaient pouvoir vivre en paix avec les humains. Pathétique, vraiment, surtout quand le gène mutant leur donnait accès à des pouvoirs surhumains, qu’ils préféraient cacher comme si c’était une malédiction. Néanmoins, c’était des mutants, des gens comme lui, et il ne leur voulait pas de mal. Et ne leur en ferait pas, sauf s’il y était obligé.

- J’ai mentionné, je crois, mon mentor tout à l’heure, Wyatt. Ils étaient assez loin maintenant pour que Jared utilise le vrai nom de son compagnon et il estimait que Wyatt était aussi hostile que lui et Chow et qu'il pouvait lui parler de son mentor en toute sécurité. Lui et moi cherchons des Mutants comme toi à recruter, en vue, justement, d’une attaque massive contre ceux de l’Opération Apocalypto. Malheureusement, nous sommes peu nombreux pour le moment… Tu l’auras compris : comme moi, il est membre des Mutants Hostiles. À vrai dire, il en est littéralement le fondateur. Son nom te dit peut-être quelque chose…

Jared observa Wyatt du coin de l’œil l’espace d’une seconde. Le jeune mutant était suspendu à ses lèvres, comme avide d’en apprendre plus. C’est avec un sourire amusé où perçait la fierté et le respect que Jared Nar’Soll prononça le nom de l’homme qui lui avait tout appris :

- Mon mentor se nomme Chow Watanabe…