Tout le monde s'y accorde, Sam ne fait pas son âge. S'il devrait avoir cinquante ans, il en parait quarante, en adéquation avec sa mentalité positive et décontractée. À vrai dire, l'unique raison qu'il aurait de se faire des cheveux blancs serait le souci qu'il se fait pour ses enfants. Et le fait est que son physique assez massif reflète aussi son désir de protection à leur égard en lui conférant une hauteur de pas moins d'1m88 pour un poids proportionnel de 85 kilogrammes. Sans être une armoire à glace, il reste d'une carrure dissuasive dans bon nombre de cas et bien mal avisé serait celui qui n'en tiendrait pas compte. Sa musculature n'est en revanche pas des plus développées mais reste taillée avec soin et entretenue régulièrement par quelques exercices de routine afin de ne pas perdre une forme essentielle après tant d'années sur cette terre. Ce n'est donc pas un petit gabarit mais cela ne l'empêche pas d'avoir une allure d'ordinaire assez avenante, ses traits étant toujours dotés d'une relative fraicheur. Bien bâti sans trop l'être, ce n'est pas la brutalité qui transpire de son aspect mais plutôt une solidité sans faille. Celle des gens qui ont traversé des épreuves et s'en sont relevés à chaque fois plus forts qu'ils ne l'étaient. Mis à part ça on peut noter sur son biceps gauche le tatouage possédé par tous ceux ayant été faits prisonniers par l'organisation.
Ses yeux sont d'un vert-gris limpide, d'une grande clarté, et semblent perpétuellement osciller entre les deux nuances. À l'inverse ses cheveux sont d'un brun uniforme, ne grisonnant pas encore le moins du monde. Ils sont en revanche plus clairs qu'ils ne l'étaient à l'origine mais sont toujours aussi soignés et coupés courts religieusement dès que le besoin s'en fait sentir. Sa barbe est d'une teinte égale et s'il en prend grand soin, il ne la rase jamais totalement, étant trop habitué à la porter depuis des années. Elle reste néanmoins toujours peu fournie mais borde l'ensemble de sa mâchoire en plus de se joindre à une moustache de même épaisseur. De même, étant un fumeur compulsif, il est bien rare de le voir dépourvu de toute cigarette étant donné le nombre qu'il en fume par jour depuis déjà plusieurs décennies sans que cela ne semble toutefois l'affecter outre-mesure. Son style vestimentaire reste pour sa part assez moderne et se constitue souvent d'une veste de cuir et d'un jean délavé qui ne fait que mettre l'accent sur cette impression de le voir plus jeune qu'il ne l'est en réalité. À croire que le temps n'a plus d'emprise sur lui et ne la reprendra qu'une fois qu'il aura tiré certaines choses au clair...

Un père aimant et dévoué. La famille passe avant tout, c'est le crédo de l'individu. En effet, Sam accorde une très grande importance a tout ce qui y a trait et s'escrime à être aussi proche de son fils que faire se peut. Il aimerait pouvoir l'être de sa fille et maudit ceux qui la lui ont arrachée, même s'il ne désespère pas de pouvoir un jour la retrouver et apprendre à la connaître en dépit de ce qui lui sera arrivé durant tout ce temps. Si les pertes de leurs mères, bien que radicalement différentes, ne se sont pas faites sans douleur, il compense par l'affection qu'il porte à sa progéniture bien qu'il n'ait pu voir grandir la cadette par la faute de son ex-compagne. Malgré tout, il ne lui en tient pas rancune mais souhaite juste comprendre ce qui l'a poussée à haïr les mutants au point d'en renier ses sentiments pour le faire mettre en cage. Quitte à ce que la vie qu'il avait bâtie de ses mains s'effondre comme un château de cartes sous une pichenette sournoise, autant en saisir les raisons et avoir le fin mot de l'histoire, c'est tout ce qui importe réellement - outre le fait de récupérer la chair de sa chair. Car s'il n'a que faire d'avoir été incarcéré, il n'est pas question de laisser se perdre le lien de sang qu'il a avec celle à qui il a donné le jour, même s'il devait remuer ciel et terre afin de remettre la main dessus. C'est sans doute d'avoir à investiguer dans ce but et que Caleb le soutienne dans cette tâche qui l'a aidé à se remettre en selle à sa sortie de prison, et il lui est reconnaissant de l'épauler dans ces laborieuses recherches.
D'une extrême bienveillance, il est prêt à donner sa vie et à faire tous les sacrifices pour que ses enfants puissent vivre une vie normale, même s'il faut pour cela arriver à ses fins avant tout. Sa générosité paraît sans limite si cela peut être d'une quelconque utilité à l'un d'entre eux et il se saignera aux quatre veines aussi longtemps qu'il le faudra pour faire leur bonheur et qu'ils n'aient pas à se tracasser pour leur avenir. Sa vie a beau ne pas avoir été rose tous les jours, cela ne l'empêche pas d'être prêt à se décarcasser pour qu'eux aient plus de chance, même si les circonstances n'aident pas à envisager cela dans l'immédiat. Pour lui, leur signifier l'amour qu'il leur porte est une priorité et il regrette chaque jour un peu plus de ne pouvoir le faire à son gré avec Leeloo, bien qu'il se démène pour pouvoir un jour rattraper ce retard. Sans doute le qualifierait-on de papa poule puisqu'il s'inquiète de tout et de rien, mais comment ne pas le comprendre après tout ce qu'il a enduré ? Il craint pour eux, pour leur vie, en particulier pour elle dont il ignore tout hormis les rares données qu'ils ont pu collecter au prix de nombreux efforts. Il ne veut néanmoins pas non plus les enfermer dans une prison dorée et veut, au contraire, qu'ils puissent être libres et n'aient pas à craindre d'être nés tels qu'ils sont.
Plutôt décontracté et ouvert d'esprit, il fait son possible pour rester « dans le coup » bien qu'il ait déjà soufflé un demi-siècle de bougies. Sam est de ces personnes très chaleureuses qui essaient de positiver même au fond du gouffre, à penser qu'il y a toujours une lumière au bout du tunnel, ce qui l'aide très certainement à tenir le cap de son enquête aussi infructueuse qu'elles soient en dehors d'une poignée de précieuses trouvailles. De par son naturel protecteur, il prend garde à ne pas exposer son fils au danger quitte à le faire à sa place dans la mesure du possible. Dans le prolongement de ce trait de caractère, il aura tendance à prendre la défense d'un enfant quand bien même ce ne serait pas le sien s'il devait être témoin d'une scène révoltante comme il y en a tant, aimant qu'il aurait aimé qu'on en fasse de même si l'un des siens avait été dans un cas similaire. La prépondérance de son côté paternel n'est plus à prouver car c'est désormais cet aspect de sa personnalité qui régit toute sa vie et lui donne la force de se lever le matin et de s'accrocher à ses convictions quoi qu'il en coûte.

Le mutant possède depuis la naissance une anomalie génétique assez rare. Il se voit en effet pourvu d'une altération du nom de situs inversus. Cela veut dire que le placement des organes est à l'inverse de celui d'un humain normal, plaçant le coeur à droite et non à gauche pour ne citer que le point le plus notable de cette particularité. Ce n'est pas héréditaire puisque ses parents ne sont pas dans ce cas, à croire que son corps a été fabriqué de manière à favoriser les utilisations létales de son pouvoir. En outre, cette singularité le nantit du syndrôme de Kartagener et donc de problèmes respiratoires tels que la sinusite chronique et la bronchecstasie. Plus généralement, cela le rend plus vulnérable que la plupart des gens aux infections pulmonaires en tous genres. Du reste, il porte une cicatrice à la clavicule en guise de « souvenir » de son passage entre les griffes de l'organisation, positionnée en oblique et s'étirant sur une demi-douzaine de centimètres pour une largeur de la taille d'un pouce.

« Groupe : Mutants neutres.
« Raisons : Vivons heureux, vivons cachés... Cette guerre n'est pas la sienne. Sam est né mutant et a découvert ses pouvoirs mais ne veut pas y avoir son mot à dire. Tout ce qu'il désire est de pouvoir vivre une vie normale et reconstruire son foyer pour qu'enfin tout rentre dans l'ordre et aille pour le mieux, aussi difficile que cela puisse paraître au vu des événements qui l'ont mené là où il en est. Que les autres se battent pour leur liberté s'ils le souhaitent, pour sa part il préfère tout faire pour rester au calme avec les siens quitte à ce que ce soit en devant le faire sous couverture. Bien sûr, il aimerait pouvoir s'afficher au grand jour sans que cela ne porte préjudice mais ce serait prendre des risques inconsidérés et il a déjà bien assez fort à faire pour aggraver son cas. Le combat qu'il mène est ailleurs et il n'a pas d'énergie à consacrer à celui-ci, mais rien ne dit que cela ne peut pas changer par la suite même s'il est clairement détaché de ce conflit.

« Pouvoir(s) : Transfert des blessures & accélération des mouvements.
« Description : La faculté initiale de Sam consiste à se doter d'un effet miroir. Dès son activation, l'ensemble des blessures qu'il porte sera appliqué à la cible de son choix. Cela va de la coupure bénigne à la plaie béante en passant par les amputations, même si bien sûr son intégrité physique prouve que ce n'est que théorique. Il ne semble pas y avoir de limite au nombre de plaies copiées simultanément bien que cela soit plus éprouvant en fonction de la gravité des siennes. À noter que celles que lui-même a sur le corps ne se guérissent pas comme par magie et que cette particularité ne fait que les dupliquer pour faire connaître une douleur identique à la personne y ayant droit. C'est l'emplacement des contusions qui est choisi pour référence et non les maux eux-même, ce qui fait que grâce à son organisme inversé il peut tout à fait se meurtrir à l'emplacement d'un point vital qui n'est pour lui pas situé au même endroit. Le destinataire de son aptitude aura alors le droit à des dégâts autrement plus graves que les siens puisque tout le monde n'a pas la chance de posséder les mêmes anomalies que lui. Il peut également maintenir ce pouvoir afin de renvoyer dans l'instant tout mal qui lui serait fait ou répéter le processus plusieurs fois mais ce serait bien sûr un même nombre de fois plus laborieux. Les applications sont multiples et la seule limite qui le bride à proprement parler est celle de ne pouvoir que difficilement causer une douleur fatale sans se mettre lui-même en très mauvaise posture. N'étant de toute façon pas porté sur le sadomasochisme, il se contente dans la plupart des cas de faire faire un retour à l'envoyeur à tout ce qu'on tente à son encontre sans se faire du mal par ses propres moyens pour le rendre plus performant. Il est bon de savoir que cela ne marche que dans un périmètre de six mètres grand maximum, mais cela nul n'a besoin d'en être informé.
Sa seconde capacité consiste en une accélération des mouvements. Car en effet, non content de pouvoir faire gracieusement don de toute mutilation, il bénéficie d'une habileté de plus. Cette dernière lui permet donc de se mouvoir à une vitesse surréaliste, qui d'après calcul équivaut à cinq fois celle d'un homme normal. Cela fractionne bien sûr son endurance en conséquence mais peut s'avérer très utile dans de nombreuses circonstances. Ce n'est pas qu'une question de course à pieds, il peut en faire usage de bien des manières – ce qui est par exemple on ne peut plus pratique quand il faut lire un document dans l'urgence. Mais il évite généralement d'avoir recours à celui-ci également, d'une part pour n'avoir pas à récupérer d'une fatigue qui à son âge est tout de même assez accablante quand elle est multipliée à ce point mais aussi pour ne pas aller trop vite. En effet, ce pouvoir tend à forcer la précipitation alors qu'il est dans sa nature d'être plus modéré et réfléchi. Sa mise en pratique est donc souvent judicieuse et minutieusement calculer pour ne pas gâcher une précieuse énergie à trop tirer sur la corde pour des broutilles. Même si un petit écart de temps en temps ne peut pas non plus faire de mal, notamment quand on va être en retard au travail... Non ?

Sam vit le jour dans la prochaine banlieue de Las Vegas. On a connu milieu plus adéquat pour élever un enfant mais le fait était que ses parents y gagnaient très bien leur vie et que tout ce dont ils requiéraient les services étaient à portée de main. Sa mère était haut placée dans la gestion d'une riche compagnie hôtelière ayant le quasi-monopole sur plusieurs rues de la ville qui ne dort jamais. Son père pour sa part avait commencé humble croupier dans un casino de renom pour finir haut placé dans son organisation avec les revenus qui s'imposent. Autrement dit, ils avaient une vie aisée et tout le confort qu'ils demandaient sans trop rouler sur l'or et c'était plus qu'il n'en faut pour lui construire une éducation. Toute la débauche qui engorgeait les rues de la ville n'était pas la meilleure des influences mais il eut tôt fait de s'y faire, ainsi qu'aux quartiers mal fâmés qui allaient de pair avec cette ambiance. L'idéalisme parfois excessif fit place à un réalisme de circonstance qui l'aida à mieux s'y retrouver et à vivre une scolarité digne de ce nom sans que l'atmosphère locale n'y porte atteinte.

Malheureusement, ce n'est pas ce qui immunise à toute agression et il allait l'apprendre à ses dépens.

Âgé d'une douzaine d'années, il se fit intercepter alors qu'il rentrait chez lui par un caïd de son collège, à l'évidence animé de la ferme intention de le dépouiller de ses biens. Et s'il n'avait pas grand chose qui lui soit propre, l'adolescent d'alors était tout de même issu d'une famille loin d'être dans le besoin. Même face à ses supplications et alors qu'il affirmait n'avoir rien qui en vaille la peine sur lui, pas même le frêle contenu de son portefeuille se résumant à l'argent de la cantine, son agresseur ne voulut rien entendre. Perdant patience à l'entendre répéter qu'il n'avait pas de quoi lui donner satisfaction, le molosse, archétype du voyou de bas étage bête et méchant, opta pour une tactique plus incisive. Une fois qu'il se fut armé d'un couteau très certainement obtenu à la faveur d'un récent anniversaire, il lui entailla la joue afin de l'intimider. Sans doute n'était-ce pas le meilleur des choix puisque le flot d'adrénaline mit en effervescence une bribe de son code génétique.

Un gêne que Sam possédait depuis toujours mais qui ne se révélait qu'en présence d'émotions fortes, qui avaient semble-t-il fait sauter les verrous psychiques qui taisaient l'existence de cette curiosité. Naturellement, le petit homme prit peur en sentant la morsure du métal dans sa chair et le flot carmin qui s'en écoulait et, sous l'impulsion de la douleur, fit pour la première fois usage de son talent caché. L'entaille tracée à l'identique qui balafra le visage adipeux de son boutonneux assaillant effraya celui-ci au moins autant que sa victime y avait eu droit au contact de la lame. Réalisant que tout ceci n'était pas normal, le racketteur prit ses jambes à son cou alors que l'enfant ne parvenait pas à comprendre l'origine de ce qui venait de se produire. C'était un phénomène comme on n'en voit pas tous les jours. Après mûre réflexion, il se mit à songer que passer sous silence cette altercation pourrait lui valoir des ennuis et que quoi qui se soit passé, ses parents seraient les plus aptes à l'aider. Gérer le problème entre eux devrait l'aider à y voir plus clair. Et ce fut le cas.

Son père était un mutant avec lui, et comme de bien entendu cela lui avait été transmis dès sa naissance. Ce n'était un secret pour personne, ce genre d'hérédité ne s'esquivait pas facilement et il n'avait pas eu plus de chance là-dessus que bon nombre de leurs semblables. Sa mère ne s'en offusqua pas, étant bien entendu dans la confidence, même si l'on ne pouvait en dire que cela n'était d'aucun effet. Elle aurait voulu voir la chair de sa chair grandir sans avoir à se soucier de cette anomalie, sans être différent de la population dite normale. Il fallait croire que ses prières n'avaient pas été entendues. Par chance, l'attardé d'ado acnéique qui lui avait tenu lieu de cible n'irait pas le dénoncer aux autorités. Il était lui-même connu pour tremper dans des affaires louches et avoir un casier judiciaire épais comme le poing, comprenant en très grande majorité des histoires de trafic de stupéfiant. Autant dire que ses explications n'auraient pas convaincu grand monde, si toutefois ils lui avaient laissé la liberté de dire quelque chose avant d'être mis en garde à vue pour un nouveau coup d'éclat. Qu'il soit déjà en porte à faux avec la légalité le sauvait, mais il serait de bon ton de ne pas trop compter sur ce soulagement à l'avenir. Il faudrait un miracle pour que cela se termine aussi facilement à chaque fois. La prudence devrait être de mise pour ne pas finir démasqué.

Sa vie fut un long fleuve tranquille. Sa scolarité suivit son cours et bientôt il devait avoir dix-huit ans. Le jour même de son anniversaire, il y eut un attentat à la bombe au sein du casino où travaillait son père. Lui et sa mère s'y étaient rendus pour y attendre la fin de son service en vertu du droit d'accès que le jeune adulte venait d'obtenir. D'après les témoignages de rescapés, un client qui avait tout perdu le jour même aux machines à sous et avait décidé d'en finir avec la vie et de ne pas partir seul, accusant le personnel de l'établissement de sa déchéance financière. Il n'en avait pas fallu plus pour qu'il se fasse sauter... Sam était présent à cet endroit, quand cela était arrivé, aussi savait-il mieux que quiconque que ces explications étaient véridiques. Il était même au plus près du cratère qu'avait creusé la déflagration. Comment s'en était-il tiré, alors ? Et bien, son géniteur l'avait sauvé au prix de sa vie et de celle de sa mère en usant de son pouvoir, que nul n'avait discerné dans le feu de l'action. Un champ de force l'avait alors protégé du souffle meurtrier... Mais pas eux. Le pauvre homme n'avait en effet jamais développé son pouvoir et était inapte à en créer un qui contienne plus d'une personne à la fois. Un regard de connivence échangé avec sa femme et leur rejeton était à l'abri. Il n'avait pas même eu le temps de les supplier de ne pas l'épargner si cela devait les tuer à sa place.

Afin de faire son deuil dans de meilleures conditions, Sam quitta Las Vegas pour aller vivre ailleurs. Il ne pourrait pas oublier, étant depuis toujours très attaché à son cadre familial, mais cela aurait le mérite de lui offrir un nouveau départ. Une bouffée d'air frais qui l'aiderait à se libérer de l'étau qui lui compressait le coeur. Les petits boulots à répétition et l'héritage reçu lui avaient bâti une petite fortune. Ces solides économies étaient plus qu'il n'en faut pour s'installer avec tout le confort nécessaire. Dès lors, il reprit une vie estudiantine à l'aide de ces ressources et se dirigea vers une carrière dans le domaine médical. Aider les gens, donner sans compter... C'était tout lui, même s'il devait quelques années plus tard reprocher à son propre fils d'en faire de même. Oui, ce cher Sam était du genre à donner une pièce à tous les clochards croisant sa route ou à oeuvrer comme bénévole. Quoi de plus logique donc que de se tourner vers un métier où il pourrait venir en aide à tous ceux qui en auraient besoin. C'est à cette époque qu'il découvrit son pouvoir ; lassé d'ingurgiter des quantités de texte faramineuses sans en voir le bout, il prononça maintes fois le voeu de lire à vitesse accélérée jusqu'à ce qu'il soit exaucé d'un claquement de doigts. En se penchant un peu plus sur la question, il se rendit compte que cela n'avait pas trait qu'à la lecture, mais à toutes sortes d'activité et de mouvements. Comme si en avoir un à cacher ne suffisait pas, tiens !

Étudiant sérieux, il ne sortait que rarement le nez de ses livres, mais la seule fois où il le fit fut la bonne. S'il avait cru rencontrer l'amour sur le banc défraîchi d'un parc public...

Dona Prayers, c'était son nom, et il n'aimera jamais plus une femme comme il l'a aimée quoi qu'il en dise. Son entrée dans sa vie s'est faite à point nommé et fut une goulée d'oxygène plus que bienvenue. Après avoir perdu ses parents dans des circonstances tragiques, ses sentiments avaient été étouffés à tous points de vue et ce n'est qu'en connaissant l'amour, le vrai qu'il pouvait se remettre en selle. Bien sûr, il n'en était pas à sa première petite amie mais cela n'avait jamais été plus loin que le banal flirt, les amourettes adolescentes n'étant selon lui qu'un plaisir éphémère. Pas assez stable pour s'engager vraiment et tout donner pour les préserver car l'âge des protagonistes les rendaient aussitôt superficielle. Ce fut donc la première fois qu'il considéra une relation comme durable et put même établir des projets d'avenir. Et on ne pouvait que l'en féliciter puisque tout semblait en bonne voie pour que leur futur soit commun. À moins que ce ne soit motif de séparation, il peut difficilement en être autrement quand la reine de votre coeur porte votre enfant. Or, il n'était pas du genre à fuir ses responsabilités et l'avait d'ores et déjà avertie qu'elle n'aurait pas à craindre sa perte si cela devait se produire. Le mutant s'y était préparé et ne la laisserait tomber pour rien au monde, prêt à assumer cette parenté même s'il la pensait soudaine.
Mais cela ne le dérangeait pas outre-mesure, c'était au contraire une bonne surprise. Avant même la naissance de Caleb, il se jura de tout faire pour qu'il grandisse au mieux et n'aie pas à craindre le regard du monde. Sans doute serait-il porteur de gênes mutants. La belle en était informée, et cela ne la gênait pas. Comme elle le disait, cela n'en faisait pas un monstre, il n'y avait qu'à voir son concepteur pour savoir que ce n'était pas un motif d'exclusion. À son instar, elle pensait que leur relation était la chance de sa vie et ignorait ce qu'ellle serait devenue si cela n'était pas arrivé. Qu'il soit homme ou surhomme n'avait qu'une importance réduite, et elle ne doutait pas que d'autres dans la société partagent ce point de vue et puissent accepter leur enfant tel qu'il est. Même si, bien sûr, cela ne constituait pas une raison de crier la vérité sur tous les toîts. Conscient des changements qu'impliquait cette naissance future, Sam se démena pour mettre un terme à ses études et entrer dans la vie active avec son nouvel emploi. Il voulait donner à son enfant un foyer où il ne manquerait de rien.

Et ce fut le cas, pendant une période de trois ans. Malheureusement, cela avait un prix car la première chose qui allait lui manquer n'était autre que sa mère. Comme si le trépas mouvementé de ses propres parents n'avaient pas suffi, le tourtereau dut apprendre que sa bien-aimée était décédée à l'occasion d'un accident de voiture. Le temps d'arriver à l'hôpital et il était déjà trop tard, plus de pulsations cardiaques. Le plus dur ne fut sans doute pas d'être face à l'horrible réalité mais de devoir expliquer à son fils qu'il ne reverrait plus sa mère parce qu'elle s'en était allée dans un endroit d'où on ne revient pas. Et c'est en devant le faire qu'il fit le serment d'être prêt à tout donner pour combler ce manque, même s'il savait pertinemment que ce n'était pas le genre de cicatrice qui peut s'effacer. Tout comme son père avant lui, il se savait à même de se sacrifier pour le salut de son garçon si cela devait arriver mais allait, pour l'heure, devoir s'en occuper de son mieux pour atténuer la souffrance de cette perte.

Trop peu âgé pour comprendre tout ce que cela voulait dire, il n'en garderait pas indéfiniment les séquelles, mais ce n'était jamais joyeux de devoir se passer de l'un de ses parents – indistinctement des raisons. S'il finirait sans doute par omettre même les traits de son visage, Sam se donnerait la peine d'en parler pour qu'il ne l'oublie pas totalement, tout comme lui-même n'aurait pas voulu faire fi de ses géniteurs. De deux maux, il faut choisir le moindre, et il pensait moins pénible de vivre dans son souvenir que hanté par une image trouble à laquelle on ne peut pas même donner forme ; celle de l'absence d'une mère qu'on croirait presque ne pas avoir connu. Sam se saigna aux quatre veines pour offrir à sa progéniture tout ce dont elle pouvait rêver, sans toutefois tomber dans l'excès, se débrouillant admirablement bien. À vrai dire c'est de l'avoir à charge qui le maintint à flots, car s'il n'avait pas eu l'obligation de faire bonne figure devant Caleb il se serait sans doute laissé abattre par cette perte irremplaçable.

Bien plus tard, il commença à fréquenter une femme, à l'origine l'une de ses patientes. Il ne s'en cachait pas, c'était au départ uniquement un moyen d'enfin tourner la page et de tirer un trait sur un passé qui ne reviendrait plus. Seulement, au fil de leurs rendez-vous, il finit par ressentir à son égard une attirance certaine, qui se mua peu après en sentiments. Ce n'était, certes, pas aussi intense et passionné qu'avec sa défunte femme mais il reprenait tout de même goût à l'amour, et ce fut une délivrance. Il se sentait coupable d'ainsi "trahir" sa relation passée et de le faire qui plus est sans le dire à son fils, redoutant sa réaction. Contre toute attente, quand il le lui annonça, tout se passa pour le mieux. Caleb avait déjà du s'en rendre compte, de toute façon : c'était un garçon intelligent et les sourires de son père avaient perdu ce côté terne, un peu triste qui les rendait toujours un peu crispés. Bien sûr, l'avoir et le voir heureux faisait son bonheur mais ce n'était pas comme d'avoir une femme dans sa vie.
Mais cette romance ne devait pas durer. Avant d'avoir pu se fiancer et envisager sérieusement de vivre ensemble, il devait lui faire part de ce qu'il était en vérité. Ce qu'il avait toujours caché jusque là. Sans doute avait-il été présomptueux en pensant que cela ne pouvait que bien se passer parce qu'ils s'aimaient, ayant encore en tête les paroles de feu sa dulcinée. Rien ne se passa comme prévu. La confidence fut faite sur l'oreiller, ce soir-là. Elle prétexta devoir sortir prendre l'air pour se changer les idées, de toute évidence choquée par sa déclaration.

Cependant, ce ne fut pas elle qui revint dans la chambre un quart d'heure plus tard mais des hommes armés qui lui passèrent les menottes avec la menace de lui faire sauter la cervelle s'il essayait quoi que ce soit. Une rupture d'une rare violence, il fallait l'avouer. Plus que la déception, c'était l'incrédulité qui se peignit sur son visage quand Sam fut emmené de force et lui jeta un dernier regard alors qu'elle observait son départ depuis la pelouse, encadré par ceux qui étaient venus le chercher à sa demande. Son premier souci une fois incarcéré fut de savoir ce qu'il adviendrait de son fils, et le savoir en sécurité le rassura. Mais même le savoir entre de bonnes mains n'était pas suffisant et il se mit aussitôt à échafauder un plan pour reprendre sa liberté coûte que coûte. Le petit avait déjà été privé d'une présence maternelle, pas question de le laisser finir orphelin à peu de choses près.

Quand une émeute éclata au sein de la prison, il en profita pour prendre congé et s'évada. S'il n'aimait pas user de ses pouvoirs inconsidérément, c'était ici un cas de force majeure. Et si préparer un tel coup d'éclat prend d'ordinaire un temps fou, pouvoir le diviser par cinq tend à réduire le délai de façon drastique. Une fois certain de ne plus pouvoir être attrapé, il prit contact avec un ami de longue date travaillant pour les autorités et lui demanda le service de lui fournir tout ce qui avait pu être placé dans son dossier. Ainsi, il pourrait faire son maximum pour ne pas être reconnu en plus de les attendre de pied ferme s'ils retrouvaient sa trace. Mais à vrai dire, c'est lui qui devait tomber de haut en lisant ces notes une fois à l'abri des regards, apprenant alors que sa traîtresse de conjointe avait donné le jour à une fille qui, d'après analyse génétique, était bien la sienne. Abasourdi, il ne s'en laissa pas abattre et se hâta de rejoindre son fils. Il était tout ce qu'il lui restait, une fois de plus. Hors de question de l'abandonner, ces mois passés en cellule avaient déjà été bien assez longs.

Et dès qu'ils furent réunis, Sam jugea utile de lui dire toute la vérité sur ce qui s'était passé, n'hésitant pas à entrer dans les détails pour qu'il en sache autant que lui. Et d'un commun accord, ils se mirent à la recherche d'informations sur Leeloo – c'était ainsi que sa mère l'avait appelée. Car s'il n'en tenait pas rigueur à Rebecca, il ne tenait pas non plus spécialement à la revoir. En revanche, le bébé dont elle avait accouché était aussi le sien et il n'y renoncerait pas sans se battre.

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