Ne pas chômer, ne pas prendre ses aises, jamais. C'était le mot d'ordre, pour quelqu'un comme moi. Un mutant, qui à tout moment pouvait faire un faux pas, un mauvais geste, quelque action qui me condamnerait à une fuite perpétuelle pour peur que l'on m'identifie. Oui, je n'étais pas sans peur, et je savais que mes pouvoirs ne me rendaient pas invulnérables. Au contraire, ils m'affligeaient de points faibles supplémentaires que les humains ne soupçonnaient pas. Rester trop longtemps à un endroit, m'asseoir posément pour penser au prochain coup, tout cela était proscrit, dans la simple expectative de ne prendre aucun risque. Être sans cesse mobile, déambuler, coucher à droite ou à gauche, devenir l'amant de quelque femme, le vieil ami d'autres hommes, mais rester pourtant un inconnu. Il y avait quelques règles à respecter dans l'usage de mon pouvoir, et je les suivais à la lettre.
Le dimanche matin, levé de bonne heure malgré une courte nuit, j'avais quitté la femme qui m'avais accueilli de bon cœur. Je n'avais eu nul besoin d'user de mon don sur elle. Il avait suffi d'un sourire, d'un regard, d'une légère discussion, d'une proposition, et d'un certain don de soi. J'y était pleinement disposé. C'était la première, et la plus importante de toutes les règles : ne pas faire usage de mon pouvoir si je n'y étais pas obligé. L'on trouve tellement de femmes dans des bars, des boîtes de nuits, qui ne sont là que pour inviter un inconnu à la maison pour une et une seule nuit que je n'aurais probablement nul besoin d'en « convaincre » une jusqu'à réunir suffisamment d'argent pour avoir un appartement minable où m'établir, sous un faux nom. Je n'aurais peut-être pas toujours la chance de tomber sur mon type de femme, mais si des concessions devaient être faites, je me devais de les faire.
Quitter Munich sans le moindre bien était une évidence. Le fortuné dont je m'étais fait le fils adoptif en Allemagne n'avait pas passé l'arme à gauche assez vite, et je n'étais pas disposé à l'attendre ou à le presser de le faire. Je n'avais à mon actif que peu d'argent sale, et le voyage avait coûté cher. Ironie pour un homme à qui tout pouvait être accessible ? Pas vraiment. Quand tout était accessible, l'argent ne se révélait être qu'une vaste blague. A huit heure du matin, je prenais un café et un croissant dans un petit bar aux frais d'un serveur qui se révéla être un ami d'enfance. Et comme bien des amis d'enfance, c'était sans doute la dernière fois que nous nous voyions. Deuxième règle : éviter autant que possible d'utiliser mon don si j'étais appelé à revoir souvent la cible. Cela pouvait causer des problèmes. Si par exemple, deux de mes cibles venaient à se trouver en même temps en ma présence, et se rendre compte qu'ils me tenaient pour deux personnes différentes à la même époque. A Munich, une des plus grandes villes d'Allemagne, il était inconcevable que cela arrive. Et pourtant, pour que j'établisse cette règle, il avait bien fallu que l'inconcevable devienne concevable.
A dix heure du matin, je lisais le les journaux devant un kiosque sur une grande rue passante. Derrière moi, dans son étroit étal, le vieil homme rouspétait dans sa barbe en fouillant ses poches, blâmant son âge pour lui faire oublier où il mettait les piécettes qu'on lui donnait. Troisième règle : profiter au maximum des handicaps des gens. Bien qu'étant la moins morales de mes règles, je tenais pour un fait avéré que le simple fait d'avoir des règles pour manipuler les gens faisait de moi un monstre. Mais cette règle n'était pas surfaite. Dans une vingtaine de minutes, il aurait oublié jusqu'au fait que j'étais venu lui acheter tous les journaux que contenait son kiosque. Je parcourus les gros titres avant de m'attaquer aux détails. Règle numéro quatre, à appliquer en toute circonstance, et à toute heure de la journée : s'informer. Tout savoir était impossible, mais en savoir le plus possible était un perpétuel avantage. Les journaux avaient au moins le mérite de renseigner sur tout ce qui touchait au monde de la lumière, pour peu que l'on sélectionne l'information et que l'on applique un certain scepticisme. Ce jour, je découvris que l'un des journaux, le journal local, Achaea News, offrait moins d'articles que la plupart des autres, mais dont les faits étaient avérés, et scrupuleusement détaillés. Je le tins comme le plus important de tous. Sur les coups de onze heure et demi, je pliai le dernier journal, et le jetai dans la poubelle. Après un regard à ma montre, je pris une cigarette et le chemin de la rue du Père Hanssel, quelque part à l'est de la ville, dans les quartiers moyens. Mon Zippo claqua. Les choses sérieuses commençaient.
Midi. Le trafic de la rue était coupé. Et de fait, la chaussée était complètement défoncée, de même que la façade de l'immeuble du numéro cent onze. On n'avait pas attrapé le poseur de bombe, et on n'avait aucune idée de son identité, ou de son système opératoire. Je souris entre deux bouchées d'un sandwich prétendument acheté dans une épicerie proche, et pensais tout haut ce que les autres chuchotaient entre eux tout bas. Un mutant. Et puissant, en plus de ça, pour s'échapper sans alerter la moindre personne. Je fis silencieusement le point. Trois grosses explosion, aucun résidu, et des cibles hasardeuses. Un pur, simple et littéral coup d'éclat. Et en plus de ça, une capacité à se fondre dans la nature. Achaea avait suffisamment à faire avec des mutants pour savoir les trouver rapidement. Celui-ci avait soit un plan, soit une aptitude à disparaître. Mais qui qu'il soit, il pouvait m'être utile. Enfournant le dernier tiers du sandwich dans ma bouche, je fis demi-tour.
Deux heure de l'après-midi. J'étais de retour à l'opéra d'Achaea. Pas de représentation prévue dans la semaine, ce n'était qu'une visite de courtoisie. Je fis le nécessaire pour ne pas tomber nez à nez avec l'employé rencontré la veille, et qui, selon les dires de Sólveig se nommait Carmichael. Dans son bureau, je fis la rencontre du directeur des finances de la salle de spectacle. Comme prévu, il n'avait pas entendu parler de l'incident de la veille. Quand je sortis de son bureau, lui aussi était au courant que Barthe Doll était un donateur régulier à son établissement. Règle numéro cinq : couvrir ses arrières. Si un jour, Carmichael parlait de moi à monsieur Mayer, ils s'entendraient parfaitement sur mon existence. Je m'assurerais aussi de verser mensuellement de généreuses sommes à leur endroit pour maintenir l'illusion.
Trois heures. Dans les quartiers les plus riches, monsieur Jorry, un homme rencontré au coin d'une rue, et vétu d'un costume trois pièces, me rendit la cinquantaine de billets verts qu'il me devait depuis la semaine dernière. Je l'en remerciais chaleureusement et ris avec lui quand il me confia qu'il ne savait même plus pour quelle babiole il les avait utilisés. « L'argent est si peu de chose », lui dis-je, avant de prendre congé. C'était la règle numéro trois : la fortune était à mes yeux un handicap comme un autre. Mes pas me menèrent à un cinéma devant lequel je pris la décision de me reposer un moment.
Minuit et demi. Lundi matin, en somme. La nuit était profonde et noire, quand je sortis du cinéma, la tête à la fois pleine de niaiseries cinématographiques et vides de soucis. Mon pas me mena dans les quartiers pauvres où se termineraient mes prospections de la journée. Ma veste grise légèrement froissée par l'inconfort du sommeil qui m'avait emporté durant le troisième film, mes yeux légèrement boursouflés, je grillai une cigarette, et me remis, marchant, les idées en place. J'avais erré tout le début de journée dans le monde de la lumière, glanant mon nécessaire vital et mes informations... Il était temps de passer à cet autre monde, celui duquel j'étais tout aussi coutumier. Le monde de la nuit. A la fois plus dangereux et plus franc, de loin mon préféré, pourvu que je sache dans quoi je mettais les pieds.
Avant que je ne m'en rende compte, j'étais dans les quartiers malfamés. Sur le pavé, un ivrogne débraillé gisant dans son vomi m'indiqua par ailleurs que j'y étais profondément enfoncé. Mon regard bicolore passa d'un édifice à un autre, y cherchant l'objet de ma venue. N'importe quel troquet ferait l'affaire, je n'avais besoin que d'un être vivant au courant des choses qui s'agitaient dans l'ombre d'Achaea. Sólveig m'avait convaincu que cette ville avait beaucoup à m'offrir, et elle n'avait à mon sens rien d'une femme de l'ombre. Je ne doutais pas un instant de trouver plus d'intérêt encore dans les mots de quiconque vivant de nuit dans ces quartiers-ci.
Quand mon regard s'attarda sur l'enseigne du Pitch Black, je savais que je le tenais. Établissement miteux duquel filtrait une lueur étouffée et rendue brumeuse par la bruine qui s'installait au-dehors. Le parfait point de rendez-vous des roublards qui lorgneraient sur mon costume, ma montre, mes possessions terrestres, et en viendraient tous en un instant à la même conclusion : je n'avais pas ma place ici. Mais qu'ils se détrompent. Bien que n'en ayant pas l'air, j'avais bien plus ma place dans ce genre de lieux qu'eux. Et j'avais les moyens de le faire comprendre à ceux qui voudraient m'en persuader. D'un pichenette, j'envoyai voler la cigarette qui résidait entre mon index et mon majeur, et entrai.
Une heure du matin. Le Pitch Black était lugubre à souhait, et les regards qu'on y croisait étaient froids. Un léger sourire, moqueur pour ceux qui avaient l'oeil, je marchai droit vers le comptoir boisé derrière lequel se trouvait une armoire à glace. Une de plus. Je plantai mon regard dans le sien, m'accoudai nonchalamment au bar, et fis décrire à mon majeur une boucle infinie sur sa surface tandis que je lui exprimai le but de la venue.
« Bonsoir. Une pression, une autre d'avance, et des informations, s'il-vous-plaît. »
Ma première commande me fut servie sans difficulté, et je bus de longues lampées de bière afin de désaltérer ma soif. Je n'avais pas bu une goutte depuis mon café matinal, raison pour laquelle ma deuxième bière ne serait pas de trop. Tandis que je buvais, je sentis le regard de mon vis-à-vis peser sur moi, auquel je finis par répondre, posant mon verre aux trois quarts vides à côté de moi.
« Vous servez à manger, ici ? Si oui, la spécialité du chef. »
Je n'avais pas non plus mangé, ce soir, et je n'étais pas regardant quant à la qualité de la nourriture qu'ils pourraient avoir à me proposer. Mais je savais que ce n'était pas ce que l'homme voulait entendre. Ma demande d'informations. C'était elle qui avait indéniablement mobilisé son attention. Je ne le fis pas languir d'avantage, pesant mes mots, sachant que selon la tournure qu'ils prendraient, je pouvais me faire virer comme un malpropre. Les établissements de ce genre n'aimaient généralement pas les questions, et dans l'hypothèse que je puisse être un flic en civil, ne pas y répondre pouvait s'avérer la meilleure solution pour eux.
« Je suis un nouveau venu en ville, et j'aimerais entendre ce que vous auriez à me dire à son sujet. Et plus particulièrement, je suis à la recherche d'un mutant qui aurait foutu un joyeux bordel sur la rue du Père Hanssel hier dans la soirée. »
Je sortis l'Achaea News du revers de ma veste, et le posai à plat sur le comptoir, l'index plaqué sur l'article en question. Pour l'heur, ce mutant en particulier était ma cible, et si personne ne savait où il était, il était possible que c'était parce que personne n'avait demandé où il fallait. Je ne prétendais pas savoir où demander. Je savais juste où beaucoup n'avaient pas pensé à chercher. Mais des informations plus générales sur la ville elle-même étaient les bienvenues. Dans l'expectative, je portai mon verre à mes lèvres, et le vidai d'une traite.
◊ Cole Wright ◊
۞ Mutant Non Recensé ۞
◊ Nombre de Messages : 67 ◊ Nombre de Messages RP : 6 ◊ Age : 34◊ Informations :
◊ Age du Personnage : 40 ans ◊ Pouvoirs / Armes : Indestructible
Informations » Métier: Gère un bar, le Pitch Black » Statut RP: Fermé » Particularités:
Sujet: Re: Le Jour et la Nuit. Mar 26 Juil - 21:19
Cole n'était pas qu'un délinquant. Evidemment, il s'agissait de son activité principale. De loin même. Mais il n'était pas nécessaire d'exercer cette activité à temps plein. Au début oui. C'était un passage obligatoire pour se faire un nom. Même lorsqu'on voyait petit, se faire un nom était important. Peut être la première règle. Sinon on se faisait vite écraser par d'autres. Mais le chauve avait toujours été doué pour se faire respecter. Depuis son plus jeune âge. Principalement grâce à la force de ses poings. Et, depuis de très nombreuses années maintenant, grâce à son don exceptionnel pour toujours s'en sortir intact dans ces bagarres. Il était réputé pour être invincible grâce à une connaissance importante d'un art de combat particulièrement efficace. Mais en vérité, il n'avait aucun style particulier, aucune école. Il se battait de façon brutale, primaire. Aucune forme, juste le naturel. Seule son invincibilité l'aidait véritablement. Invincibilité relative depuis qu'il savait qu'il avait une faiblesse. C'était l'un des points qu'il retenait le mieux de sa rencontre avec cette gonzesse. Eviter tout ce qui pouvait le brûler. Cela finirait mal pour lui. Comme quoi, tenter de tirer une caisse pouvait être enrichissant !
En tous cas, suite à cette rencontre, le colosse s'était quelque peu calmé. Le lendemain, il avait simplement fait un tour dans quelques uns des magasins qu'il « protégeait ». Il était l'heure de payer pour ses services. L'un d'eux refusa. Manque d'argent. Grand seigneur, il n'insista pas. Après tout, ce n'était qu'un service qu'il proposait. Pourquoi insister ? Evidemment, ceux là étaient des nouveaux. Ils ne savaient pas que les responsables des cambriolages dont les autres commerçants leur avait parlé quand il s'étaient installés étaient justement ceux qui offraient leur protection. Et que refuser de payer signifiait avoir une visite non désirée la nuit même. Ce qui ne manqua pas d'être fait. Agir fut facile. Les systèmes de sécurité avaient été installés par un des gars de Cole. Et il avait fait en sorte de se garder un moyen facile de les désactiver. La caisse était vide. C'était à prévoir. Mais il ne devrait pas être difficile de refourguer les fringues qu'ils avaient en stock. En moins d'une demie heure la boutique fut grandement allégée de ses marchandises. Pas la totalité. Le but n'était pas de les faire fuir. Le lendemain, le mutant revint les voir. Etonnant de se rendre compte à quel point ils avaient réunis assez d'argent pour le payer, en comptant le supplément pour la reprise d'activité évidemment. Et le tout en une seule journée. Ils étaient vraiment doués.
Ce fut la seule activité illégale qu'il exerça jusque là. Après, il se concentra à son second job. Celui qu'il avait pour l'image. Pour se justifier devant les autorités locales. Et un peu pour s'éclater aussi, il fallait bien l'avouer. Jouer au barman, c'était assez marrant en fait. Plus calme que détrousser un maximum de gens en un minimum de temps. Ça changeait et c'était peut être ce qu'il aimait. Oh, bien évidemment il y avait des moments où faire parler les poings étaient utiles. Dans un bar, les ivrognes étaient fréquents. Si nombre d'entre eux ne causaient aucun problème, certains se révélaient du genre colérique. Et les expulsait était nécessaire, car peu de clients appréciaient d'être dérangés par ce genre d'histoire. Même si aucun client n'était un enfant de cœur. Il fallait aussi dire que le Ptich Black était un repère pour les différentes petites frappes du coin. La bande du propriétaire en première de liste, mais quelques autres également. Et de temps en temps ils avaient droit à des plus hautes pointures. Elles étaient assez facile à reconnaître. Il suffisait de regarder ceux qui étaient mieux fringués. Souvent ils parlaient peu aussi. Et s'ils étaient en affaire, ils demandaient une table tranquille et qu'on ne les dérange pas. Là Cole, ou celui se tenant derrière le comptoir si le patron n'était pas là, leur indiquait un coin dans le fond. Il ne prêtait jamais la salle isolée que lui utilisait. Il fallait se garder quelques privilèges.
En ce jour, Cole avait donc passé la journée dans son bar. Au début, dans la pièce, à profiter. Boire des verres entre potes. Déconner entre potes. Surveiller le nouveau barman. Surtout le dernier. Car il se révéla être une catastrophe. Première journée, il fut obligé de le dégager. Les raisons ? Voici quelques exemples. Se tromper dans la commande. Casser des verres. Casser une bouteille. Pour l'armoire à glace, faire ces trois actions en une journée suffisait. Il regrettait d'avoir perdu son précédent employé. Mais il était souvent difficile de servir les clients avec le cerveau étalé en plein milieu de la route. D'où la recherche d'un remplaçant. A la dernière connerie, il fut dégagé et l'invulnérable n'eut pas d'autres choix que de passer lui même derrière le comptoir. Il était une heure du matin lorsqu'un client quelque peu différent des habitués fit son entrée. Cole lui jeta un regard. Le costume faisait tâche. A tous les coups c'était donc un de la « haute » version truands. Il fallait espérer qu'il n'était pas là pour affaires. Il fallait toujours surveiller du coin de l'oeil dans ces cas là et il n'y avait personne pour l'aider. Une commande. Double commande pour être exact. De toutes évidences, il n'était pas là pour le travail. Tant mieux. L'homme fut servi, mais Cole continuait d'observer. Sa tête ne lui disait absolument rien. Même s'il n'était pas de ce monde, il avait déjà aperçu au moins une fois la plupart des tueurs, arnaqueurs ou autre mecs du genre suffisamment aisés pour se trimbaler en costume. Donc une seule solution, il était nouveau. Et dans ce cas là, il fallait s'attendre à des questions. Sauf si un autre bar avait eut la chance de remplir cette corvée.
De nouveau il prit la parole. Pour commander à bouffer. En effet, Cole avait fait en sorte d'avoir un cuistot. Nombreux étaient ceux qui aimaient discuter affaire en mangeant quelque chose. Même si c'était un truc dont la qualité n'était pas forcément très haute. En plus, l'étranger fit une erreur. Celle de commander la spécialité du chef. Il y eut quelques ricanements de la part des habitués. Tous savaient que le ragoût de Kingsley était presque immangeable. Mais l'homme avait insisté pour que son patron le serve, sinon il se barrait. Et comme il demandait pas cher en salaire, Cole avait décidé de céder à ses exigences. Non sans avoir prévenus ses connaissances de ne pas y toucher. Car il avait beau être invincible, c'était uniquement physique et il n'avait pas oublié le mal de ventre qu'il s'était chopé en voulant venir au bout de son assiette un jour où il était affamé.
Après avoir transmis la commande, il put avoir la réponse qu'il craignait tant. Cet homme n'avait pas encore demandé les informations à savoir sur la ville. Et il n'aidait pas du genre à vouloir aider à la tâche. Ce qu'il y avait à dire sur la ville ? Sujet vaste. C'était mieux d'être précis. Heureusement, cela suivit directement. Des informations sur un mutant qui avait fait parler de lui ? Cole voyait très bien de quoi il parlait. Il l'avait entendu à la télé. Un taré qui avait été à l'origine de trois explosions en pleine ville. Il ne se souvenait plus s'il y avait eut des victimes, mais il était clair que ça avait permis aux médias de s'exciter. Par contre, il n'avait été affirmé nul part qu'il s'agissait d'un mutant. Bien évidemment, c'était la rumeur qui courait. De toutes façons, tout revenait toujours sur leur dos. Mais lui, il semblait bien informé. Un officiel qui souhaitait l'arrêter ? Ça sentait mauvais en tous cas. Et Cole fit preuve de prudence.
- Un mutant hein ? Vous en savez long. C'est vrai que tout le monde dit que ça peut qu'être ça. Mais vous êtes bien sûr de vous. C'est quoi votre trip ? Vous chassez ces nuisibles ? Faut dire que ça me dérangerait pas. Mais je trouve ça étrange que vous débarquiez en ville juste pour un truc qui vient d'arriver. Et qu'en plus vous veniez dans ce coin pourri pour vous renseigner.
Négliger les mutants. Cole avait appris que, pour rester dans le secret et pas éveiller les soupçons, c'était une bonne méthode. Après tout, les loubards qui s'affichaient hostiles à ces « nouveaux humains » étaient assez fréquents, donc il ne devrait pas éveiller les soupçons. Et pour ces questions... Ce n'était pas louche non plus. Ce bar puait le truc malfamé à des mètres à la ronde. Donc voir un détective ou autre truc du style, ça faisait rarement plaisir. Normal de l'accueillir aussi sèchement. Au final, le mutant combinait deux clichés faciles à retrouver pour espérer savoir si cet homme risquait d'être un danger pour lui. Mais il fallait encore en rajouter un peu.
- Ah, j'y suis. Vous pensez qu'il vient du coin c'est ça ? Vous êtes du style à vous dire que les mauvais vivent forcément ici ? C'est vrai qu'on en accumule, mais on a pas l'exclusivité pourtant !
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Sujet: Re: Le Jour et la Nuit. Jeu 28 Juil - 19:28
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Dès qu'il ouvrit la bouche pour me répondre, je ne pus m'empêcher de hausser les sourcils. Il était rare de faire face à de telles réactions dans des lieux du genre. En règle générale, quand je n'obtenais pas mes réponses du premier coup, l'on me suggérait qu'un billet innocemment glissé délierait les langues. Ici, il n'en était même pas question. Plusieurs hypothèses naquirent dans mon esprit, parmi lesquelles une était la plus plausible. Ce type n'était pas barman depuis longtemps. Du moins, il ne s'agissait pas d'une affaire de famille, et il n'avait pas reçu les conseils avisés d'un homme rôdé aux deux facettes du métier. La première, tout le monde la connaissait : servir le client, étancher sa soif, inhiber sa faim. Saisissant la deuxième bière et en avalant une gorgée, je constatais que cette part du boulot, il savait la remplir... Quand à la seconde... Un bar de mauvaise réputation était le lieu idéal pour cueillir des informations pour la simple et bonne raison qu'il était l'un des meilleurs endroits pour en recevoir. Après quelques pintes, les langues se déliaient, et les secrets cessaient d'en être, pourvu que l'oreille du barman soit apte à les entendre. J'avais beau ne jamais avoir officié dans un bar, j'en connaissais les ficelles, et sans doute mieux que mon vis-à-vis.
Quand il eut fini de parler, je portai une seconde fois ma bière à mes lèvres, et repris le journal encore posé sur le comptoir pour le fourrer dans ma poche. Je faillis faire volte-face et sortir sans un mot. Après tout, il était clair que je ne récolterais pas mes informations ici. Pourtant, je n'en fis rien. Ce type, je pouvais le former. En faire un homme utile et efficace. Ce n'était pas le hasard qui m'avait amené au Pitch Black. L'instinct avait guidé mes pas jusqu'à cette rue, et je ne doutais pas que n'importe qui à la recherche d'informations suivrait le même chemin. C'était une sorte de d'instinct animal. Si l'on cherchait les ombres, on s'y enfoncerait, choisirait à chaque croisement la rue la plus oppressante, brumeuse, secrète, jusqu'à parvenir au Pitch Black... Le propriétaire de ce bar mesurait-il la chance qu'il avait d'avoir pris cet emplacement ? J'en doutais. Et avec l'ampleur que prenait Achaea, et les événements qui s'y préparaient, le style de service que je recherchais deviendrait rapidement monnaie courante. Avec la prise de conscience nécessaire, le Pitch Black pouvait devenir le centre de tout ceci. Sans faire le moindre montre de l'exaspération que motivaient ses paroles, je lui rétorquai, sans sourire.
« Quand je pose une question, je n'en attends pas cinq nouvelles en retour. Un simple « non » aurait suffi. Je pourrais partir, et trouver mes informations ailleurs. Je le ferais si vous me le demandez. Mais avant que vous le fassiez, il y a plusieurs choses que vous devez savoir. »
La probabilité qu'il m'envoie paître était respectable. Bien des hommes n'aimaient pas s'entendre dire qu'ils n'étaient pas au sommet de leur art, et vu l'emportement tempéré qui avait semblé l'animer, vu sa fâcheuse tendance à tirer des conclusions hâtives, vu le point d'honneur qu'il mettait à m'identifier comme un indésirable, je ne doutais pas une seconde qu'il le fasse. Je me saisis de mon verre et le vidai d'une traite avant de continuer. Si je devais partir, ce serait désaltéré.
« Avec l'acte qui se prépare à être joué à Achaea, vous avez tout intérêt à diversifier vos activités. Le service est une chose. L'information en est une autre. Je ne parle pas de prendre parti. Je parle seulement de profiter de la tendance future à désirer connaître son ennemi en en tirant un bénéfice non-négligeable. »
Au fur et à mesure que je parlais, mon ton s'était fait bas, calme, mesuré. Nul autre que mon vis-à-vis ne pouvait entendre mes mots.
« Mais peut-être que je me trompe, et que vous savez exactement de quoi je vous parle. Peut-être simplement ne savez-vous pas vous y prendre. Retourner une demi-douzaine de questions sans l'esquisse d'une réponse n'est pas ce que j'appelle une bonne affaire, et si quelques naïfs s'y laisseront prendre, des habitués, à mon image, et je le dis sans me vanter, préféreront faire demi-tour. »
Je me redressai, et fis un pas à reculons, avant de lui tourner le dos pour faire face à la salle dans laquelle dix personnes buvaient, discutaient, me jetaient des coups d'oeils méfiants. Ma voix s'éleva, pour couvrir leurs brouhahas, forte, assurée, empreinte d'une autorité défiante et inébranlable :
« Vous avez tous entendu parler du mutant qui a fait éclater des bombes sur la rue du Père Hanssel hier soir. Je suis disposé à récompenser toute information utile à son sujet. Un nom, une rumeur, une histoire... »
Un silence de mort plana sur l'assemblée. Mais personne n'éleva la voix. Des haussements d'épaules, des grimaces désintéressées, un ou deux gloussements. Rien d'intéressant. Je me retournai pour faire face au barman, un sourire satisfait sur le visage.
« Sur dix hommes, aucun n'a la moindre réponse à m'offrir. Mais je suis sûr que vous le saviez déjà. Ici, les gens parlent. Et sur la centaine, au bas mot, d'hommes qui sont entré au Pitch Black depuis cet événement, vous savez précisément combien peuvent répondre à mes questions, j'en mettrais ma main à couper. »
Mon point était clair. Le barman était au courant de tout ce qu'il se passait dans son bar. Et s'il faisait bon usage de ce fait, il pouvait en tirer un bénéfice qui n'était pas sans intérêt. Un billet vert rallia ma main, et fut glissé sur le comptoir.
« Alors je réitère ma question : savez-vous quelque chose sur ce mutant ? Si tel n'est pas le cas, je reviendrai en espérant que la situation ait changé. Et si vous ne voulez pas que je revienne, vous ne me verrez plus jamais franchir vos portes. Si vous trop scrupuleux pour vendre des informations, d'autres ne le seront pas. »
Mon regard se fixa au sien. Le pire que je pouvais recevoir d'un homme comme lui, c'était un coup de pied au cul s'il n'aimait pas les fouineurs. Mais qu'il en soit ainsi, même sans en être friand, j'étais coutumier du fait, je ne lui en tiendrais pas rigueur. Pas besoin d'user de mon don sur lui, c'était la première règle. Si en revanche, il n'était pas borné, une idée qui s'était immiscée sournoisement dans mon esprit prendrait un tournant intéressant. Il m'était possible de faire de son bar le théâtre de nombreux échanges. Et d'une manière ou d'une autre, je pouvais en tirer profit. Le Pitch Black avait un potentiel insoupçonné. Tout ce qu'il fallait, c'était que son barman en soit conscient, et s'accorde à ce trafic d'informations.
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Sujet: Re: Le Jour et la Nuit.
Le Jour et la Nuit.
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