Physiquement, Elena est le genre de personne à pouvoir se fondre aisément dans la masse, ce qui lui fut fort utile par le passé. Brune de cheveux, bien que très claire de peau, elle a le parfait physique de la femme lambda. De corpulence moyenne et de taille moyenne, elle a cependant tendance à faire un peu plus jeune que son âge lorsque les gens daignent poser les yeux sur elle ; mais par chance, ils ne lui prêtent généralement guère attention lorsqu’ils la croisent dans la rue, ce qui n’est pas un mal. Ses cheveux – qu’elle porte habituellement long – tombent gracieusement sur ses épaules en larges boucles ; quand elle ne choisit pas de les garder lisses, ce qu’ils sont au naturel. Parfois, il lui prend l’envie de les attacher, et ce faisant, Elena découvre un charmant visage, à la fois empli de douceur et de tendresse. Ses lèvres pleines et pulpeuses, ainsi que ses pommettes saillantes, ou encore son nez droit et fin dont elle est particulièrement fière, sont autant d’atouts charmes dont elle se sait pourvue. Toutefois, ce qui attire d’emblée l’attention de toute personne posant les yeux sur elle, c’est indubitablement l’intensité et la profondeur de son envoûtant regard azur. Autant la jeune femme transpire la timidité et aime se montrer discrète, autant l’étrange lueur qui semble briller dans ses yeux remet en cause cette tendance à l’effacement. Vif et perçant, ils s’accrochent facilement au moindre détail pouvant passer à la portée d’Elena ; mais plus incroyable encore, ils sont les seuls capables de voir ce qui se cache au-delà des frontières du monde tel que nous le percevons à un instant précis. En effet, ces beaux yeux brillants sont les seuls à avoir entrevu un monde meilleur, d'où leur éclat plein de sagesse.

De nature douce et effacée, Elena n’est pas le genre de personne à rechercher les ennuis, ni même à faire des histoires. La preuve, elle a passé la majeure partie de son existence à vivre cachée dans l’ombre et à faire profil bas, afin de ne pas attirer l’attention sur elle. Non pas qu’elle rejette sa condition de mutante, elle refuse simplement de s’exposer par simple crainte des retombées que cela pourrait engendrer. Plus que tout autre chose, Elena craint pour sa propre survie si jamais son entourage en venait à découvrir sa véritable nature. Elle ne sait que trop bien ce qu’il advient des mutants dénoncés par leurs proches, qu’ils finissent lynchés sur la place publique ou enfermés dans les tréfonds obscurs d’une base militaire dont personne ne connaît l’existence. Elena ne veut pas finir comme cela, pas de cette façon.
Par chance, sa grande timidité a grandement limité la taille de son cercle d’amis. Autant la jeune femme n’éprouve aucune difficulté à parler avec des inconnus, autant elle n’est pas du genre à faire le premier pas. Ses plus proches amis ne sont d’ailleurs presque que des membres de l’opération Genesys – tels qu’Andrew, qui se qualifie lui-même de « protecteur », Dakota, pour lequel elle éprouve une affection fraternelle, ou même Aileen, avec qui elle s’entend très bien et qui n’est pas sans lui rappeler quelque part sa défunte mère. Pourvue d’une grande tendresse, la jeune femme porte continuellement dans son cœur les gens qui ont su l’émouvoir et s’attirer sa sympathie. Près d’eux, elle se sent pleine et comblée ; mais en dehors de la sphère Genesys, il lui est bien plus difficile de tisser des liens durables, tant elle ne se sent pas de taille à affronter ce monde dans lequel elle s’est toujours efforcée de se faire la plus discrète possible.
Attentionnée et serviable, la jeune femme n’hésite pas un seul instant à se plier en quatre lorsqu’il est question de venir en aide à une personne dans le besoin – il en était déjà ainsi dès son plus jeune âge. Il n’est donc pas étonnant de la voir se mettre à la disposition de tout un chacun, et c’est un peu la raison pour laquelle elle avait choisi par le passé de faire une carrière dans la médecine – le désir de sauver des vies est profondément gravé dans sa chair, mais surtout dans son cœur, depuis la disparition de sa mère.
Qui plus est, Elena est à la fois une femme paisible et pacifique. Elle ne recherche en aucune façon la guerre ; et bien qu’Apocalypto ne lésine pas sur les assauts musclés et les séances de torture, Elena s’efforce de jouer de son affluence au sein de Genesys pour limiter autant que possible les effusions de sang. Elle en est consciente, Genesys et Apocalypto sont en guerre, le monde entier est devenu un champ de bataille et les morts sont monnaie courante en temps de guerre ; mais elle campe sur ses positions. Sa grande vision était auréolée de l’espoir de voir un jour les mutants et les humains vivre en paix et en harmonie, mais cette même vision était aussi teintée du sang des innocents, victimes d’un génocide sans précédent. Elle refuse autant que possible de faire pencher la balance vers plus de morts encore que ce qu’elle a pu voir dans ses pires cauchemars.
Elena apprécie également beaucoup le calme et la tranquillité, et il ne se passe pas un instant sans qu’elle ne repense à sa contrée natale et au chalet dans lequel elle vivait étant enfant, au cœur des montagnes de l’Arcadie. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs elle passe le plus clair de son temps dans la base secrète de Genesys. D’une part, elle se sait proche d’Aileen et d’Andrew, au cas où ces derniers auraient besoin de son aide ; mais d’autre part, elle apprécie la quiétude de la forêt alentour, où la cacophonie du centre-ville n’a pas sa place. Ainsi, elle se sent revenue un peu chez elle et cela a le don de lui redonner force et courage après qu’elle a été la proie d’une autre vision la laissant passablement vidée de son énergie.

Elena arbore sur le front un petit grain de beauté qu’elle a hérité de sa mère – Sophia Psiharis possédait en effet le même, placé exactement au même endroit. Les deux jeunes femmes en ont toujours été admirablement fières, et aujourd’hui encore, ce grain de beauté rappelle à Elena la femme qui la mise au monde et qui a su faire d’elle la femme forte qui prit jadis le risque d’envoyer un homme à l’assaut d’une base militaire sur le simple fondement que c’était la meilleure chose à faire pour faire de notre monde un monde meilleur.
Autre particularité physique notable, Elena présente dans le bas du dos une vilaine cicatrice qui lui rappelle continuellement que son pouvoir n’est pas sans faille. Même lorsqu’il nous est donné de voir les choses à venir avant qu'elles n'arrivent, il se peut que celles-ci se déroulent exactement comme elles le devaient, tant et si bien même qu'il nous est impossible d'y changer quoi que ce soit.

« Groupe : L’opération Genesys
« Raisons : La raison de son choix est toute simple. Il y a de cela cinq ans, Elena a été la proie d’une très puissante vision, une vision telle qu’elle n’en avait jamais eu précédemment. A ce moment-là, elle est parvenue à entrevoir un futur alternatif dans lequel les mutants seraient enfin en paix, et libres de mener leur vie comme bon leur semble. Toutefois, cette vision n’avait rien de « définitive ». Pour la première fois, Elena a découvert que ses visions pouvaient à la fois être pleinement ancrées dans la réalité, ou bien n’appartenir qu’au domaine du possible, de l’hypothétique. Ce qu’elle a vu cette nuit-là, Elena le sait, ce n’est que la conséquence d’une très longue série d’événements amenés à se succéder les uns aux autres dans les années – si ce n’est même les mois – à venir. Pour que sa vision devienne réalité, elle sait qu’il est primordial que ces événements s’enchaînent selon un ordre bien précis, mais la logique de cet enchaînement échappe malheureusement à sa compréhension. Pour le moment, elle sait seulement que sa place est auprès de l’opération Genesys, dont elle a aidé les membres à recouvrer leur liberté alors qu’ils étaient retenus captifs dans l’un de ces centres d’expérimentation appartenant à l’opération Apocalypto. Mais quelle doit-être la suite ? Elle l’ignore, tout simplement. Elle ne peut être sûre que d’une chose : tout arrive à point à qui sait attendre. Lorsque le moment sera venu, elle comprendra et elle saura comment agir et quoi faire. D’ici là, elle ne peut que se résigner à attendre et espérer que l’autre partie de sa vision ne se réalisera pas : un génocide sans précédent qui marquerait l’histoire de l’humanité – humain comme mutant – à jamais.

« Pouvoir(s) : Oracle
« Description : Si l’on devait donner une définition simple du pouvoir d’Elena, ce serait qu’elle est capable de voir des événements qui ne se sont pas encore pas produits dans le présent – en clair, elle peut entrevoir l’avenir. En réalité, il s’avère que c’est un peu plus compliqué que ça. Elena elle-même ne saurait donner une définition précise de son propre pouvoir. Elle est sujette à des visions, des flashs plus ou moins éloquents, lui permettant de voir des événements, des actions, des prises de décision, qui ne se sont pas encore réalisés au moment-même où elle les entrevoit dans sa tête. Certaines de ces visions sont bien réelles, dans le sens où elles montrent à Elena des événements réellement sur le point de se réaliser (dans un futur plus ou moins proche, selon les circonstances). D’autres visions, au contraire, font parties du domaine de l’hypothétique – dans ces cas-là, Elena est capable d’entrevoir un avenir qui « pourrait » se réaliser, selon les choix, les actions, les décisions qu’elle serait amenée à prendre (elle ou n’importe laquelle des personnes concernées par sa prémonition). Ce sont principalement les visions de ce type qui ont guidé la vie de la jeune femme depuis le jour où elle s’est découvert ce don.
Malheureusement, il est à noter qu’Elena n’exerce absolument aucun contrôle sur son pouvoir ; elle en est en quelque sorte victime. Son don se déclenche souvent de façon brutale, sans prévenir ; ses visions vont et viennent à leur gré, sans que la jeune femme ne parvienne à en déterminer l’élément déclencheur. Dans ces moments-là – quand survient une vision – Elena s’affaiblit et est la proie d’un profond malaise dont elle met un certain temps à se remettre. Des images se forment alors dans son esprit, plus ou moins chaotiques selon la puissance de la vision. De même qu’elle ne peut user de son pouvoir sur commande, la jeune femme ne contrôle pas les images, ni même les sons, qui envahissent son esprit lorsqu’elle est la proie d’une vision. Sans défense et réduite au simple rôle de spectatrice, elle ne peut que subir passivement l’intrusion de ces flashs qui la laissent habituellement complètement vidée de son énergie.

On nous dit souvent qu’il est primordial de se tourner vers l’avenir et de se focaliser sur ce que nous réserve le futur. Je suis bien placée pour savoir que les gens qui prônent un tel discours sont dans le vrai : c’est important de se concentrer sur notre futur. Toutefois, je ne peux m’empêcher de faire remarquer qu’il n’y a pas que l’avenir qui importe ; le passé aussi tient un rôle majeur dans ce que sera notre futur. C’est la raison pour laquelle je me dois de partager mon histoire avec vous, avant qu’il ne soit trop tard.

Je vis le jour à Tripoli, au cœur des rocheuses d’Arcadie, dans le sud de la Grèce. Jadis représentée comme le pays du bonheur, une terre idyllique où ses habitants vivaient en harmonie avec la nature, il apparaissait tout naturel à ma mère que je vienne au monde au milieu de ces montagnes inébranlables tendant leurs sommets en direction des cieux. Elle avait coutume de dire dans mon enfance que si le monde ressemblait un peu plus à l’ancienne Arcadie – celle des mythes et des légendes – les gens seraient libres et heureux, et ce qu’importe leurs origines. A cette époque-là, j’étais encore trop jeune pour comprendre les prières muettes qui se dissimulaient derrière ces mots ; j’étais encore trop jeune pour comprendre – ou ne serait-ce que me soucier – de la polémique qui enflait concernant les mutants naissant de part le monde.
C’est peu avant mon treizième anniversaire que les choses changèrent radicalement. Un matin, je me réveillai en sueur, le souffle court et les muscles tendus. Ma mère ne mit guère de temps à me rejoindre lorsqu’elle entendit mes cris de l’autre côté du couloir. Mais lorsqu’elle arriva et me demanda ce qui m’arrivait, je ne pus que lui répondre :

— Tu étais morte, maman. Je… Je t’ai vu mourir. Tu étais gravement malade et… je me tenais debout près de ton cercueil. C’était horrible, maman. Comment un cauchemar peut-il être aussi réaliste ?

Elle ne répondit rien sur le moment. Et pour cause, elle venait de comprendre que je n’étais pas comme toutes les autres petites filles de mon âge. Dans sa jeunesse, il lui avait été donné de fréquenter de nombreux mutants, avant que les choses ne dégénèrent au point où elles en étaient arrivées à présent. L’un d’eux d’ailleurs finit par devenir son compagnon, avec lequel elle fugua dans la nuit et choisit de se marier dans le plus grand secret. Ce faisant, elle se doutait bien que ce que j’appelais un cauchemar n’en était pas un. C’est la raison pour laquelle elle me dit :

— Ma chérie, il y a une chose très importante que je ne t’aie jamais dite, une chose qui concerne ton père. Je ne voulais pas t’en parler avant que tu sois plus un peu plus âgée, mais il s’avère que tu es une jeune fille déjà très mâture pour âge. Je pense donc que l’heure est venue pour moi de te dire toute la vérité sur ce qui est arrivé à ton père.
— La vérité ? Comment ça la vérité ? De quoi parles-tu ? Tu m’as toujours dit que papa était mort dans un accident de voiture quelques semaines avant ma naissance.
— Ce n’est pas entièrement vrai. Il a bien eu un accident de voiture cette nuit-là, mais ce n’est pas ce qui l’a tué. A vrai dire, je ne pense pas qu’il soit mort. Tout ce que je sais, c'est qu'il a disparu, probablement enlevé même.
— Enlevé ? Je ne comprends pas.
— Avant qu’il ne disparaisse, ton père m’avait fait promettre de tout faire pour assurer ta protection. Il ne voulait pas que je prenne le risque de le rechercher si par hasard il venait à ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain. Il se savait épié, surveillé, si ce n’est même suivi. Il disait que seul importait notre sécurité à toutes les deux. C’est la raison pour laquelle je suis venue ici. Je pensais que nous pourrions être en sécurité à Tripoli, c’est là que vivait ma grand-mère dans le temps.
— Maman, tu commences à me faire peur. Qu’est-ce que tu m’as caché au juste ?
— Tu te souviens de quand tu étais petite ? Tu disais faire des rêves étranges qui finissaient très souvent par se réaliser ? Je te disais pour rire que tu étais une grande magicienne capable d’anticiper sur le futur et de voir l’avenir. T’en souviens-tu ?
— Oui, mais je ne comprends pas où…
— Ma chérie, ton père était… ton père était un mutant, comme ceux dont on parle à la télévision en ce moment. Il était capable de faire des choses prodigieuses avec ses mains, un véritable artiste. On eut dit que la matière solide sur laquelle il s’appuyait pour travailler se plier au moindre de ses désirs. C’était un grand artisan, un être unique en son genre ; et je crois bien que tu en es une, toi aussi.
— Comment ça ?! Tu veux dire que… ?
— Oui, je pense que tu as hérité de ses gènes. Elena, il est possible que tu sois une mutante toi aussi.
— Non ! m’exclamai-je en repoussant ma mère. Ce n’est pas possible.
— Au contraire, tout prend son sens à présent, me contredit ma mère. Toutes ces fois où, enfant, tu parvenais à deviner ce qui allait se produire avant que les choses n’arrivent ; toutes ces fois où tu savais le temps qu’il ferait le lendemain ; toutes ces fois où tu disais toi-même avoir le pressentiment d’être capable de voir l’avenir.
— Ce n’était qu’une simple impression, rien de plus.
— Une simple impression ? répéta ma mère, dubitative. J’en doute. Je pense plutôt que tu es capable de voir l’avenir, ma puce.

Je demeurai sans voix un long moment. Ma mère finit par reprendre en disant :

— Le cauchemar que tu as fait ce matin, ce n’en était pas un.
— Quoi ?!
— Tu voulais une preuve de ce que je t’avance, eh bien la voici : je suis mourante, Elena. Les médecins m’ont diagnostiqué une maladie incurable, un lymphome pour être plus précise, au stade terminal. Ils ne me donnent que quelques mois encore à vivre. Je suis désolée de te l’apprendre comme cela, aussi froidement, mais il le faut.
— Non…, soufflai-je, muette de stupeur.
— Ce que tu as vu dans ton rêve, Elena, cela va bientôt arriver. Que tu le veuilles ou non, tu es pourvue d’un talent unique, tout comme ton père l’était avant toi. Tu devrais en être fière.
— Non… Non, je refuse de le croire.

Pourtant, je fus bien forcée d’admettre quelques mois plus tard que ma mère ne m’avait pas menti lorsqu’elle disait que j’étais pourvue d’un don hors du commun. Environ treize mois après que nous eûmes cette longue conversation sur mon père – la seule d’ailleurs que nous avions eu le concernant en l’espace de plusieurs années –, je retrouvai ma mère sans vie dans sa chambre. Et quelques jours plus tard, je me retrouvais debout près de son cercueil, à ses funérailles. Tout se passa alors exactement comme dans mon cauchemar et je compris qu’elle avait dit vrai ce jour-là. J’étais un genre de prophétesse, un oracle, quelqu’un capable de pouvoir voir l’avenir avant qu’il ne se réalise. Et malgré ce don, je n’étais pas parvenue à sauver ma mère. Si seulement je l’avais écoutée, si seulement je l’avais crue, les choses auraient probablement pu être différentes.

Tout juste âgée de quatorze ans, je me retrouvai orpheline. Ma mère s’en étant à présent allée, je n’avais plus personne pour veiller sur moi. Mon père et ma mère étaient ma seule famille, et il ne restait plus que moi désormais. Qu’allai-je bien pouvoir devenir maintenant ?

Je fus recueillie par une amie de ma mère, qui m’avait toujours considérée comme sa nièce, mais qui ignorait tout de mes gènes mutants. D’origine américaine, elle travaillait à l’ambassade ; et lorsqu’elle fut contrainte de retourner au pays, c’est tout naturellement qu’elle m’emmena avec elle. Je passai ainsi les cinq années qui suivirent dans une grande ville de la côté est des Etats-Unis, une grande ville du nom de Baltimore. J’obtins là mon diplôme avec succès et fus ensuite admise à l’université où j’entrepris de suivre des études de médecine. Le souvenir de ma mère me hantait encore et je sentais que c’était mon devoir que de lui rendre mémoire en me battant pour sauver des vies. Toutefois, les choses ne se passèrent pas comme je l’avais prévu.

Entretemps, les relations entre les humains et les mutants s’étaient quelque peu détériorées. Il était fait mention de groupuscules mutants dont les intentions n’étaient guère pacifiques envers les humains. On se serait cru revenu plusieurs décennies en arrière, à l’époque de la ségrégation raciale ou, plus récemment encore, la discrimination envers les homosexuels. Les mutants étaient la cible de lynchages, d’humiliations publiques, de rejets perpétuels. Mis au ban de la société, certains n’hésitaient pas à passer à l’acte et à se suicider pour se sentir de nouveau libre une dernière fois. Toutefois, on était encore bien loin des conséquences qu’eurent les nombreuses réformes mises en place dix ans plus tard. A cette époque-là, il était encore possible d’être ami avec un mutant sans être tout de suite mal vu – et ces derniers n’étaient pas encore devenus les « soi-disant » monstres tels qu’ils sont dépeints à présent par les humains.

Pour ma part, il s’avéra que je fus contrainte de mettre un terme prématuré à ma scolarité. Je venais d’entamer ma quatrième année de médecine lorsque je fus la proie d’une vision qui me poussa à fuir la ville. Malgré tous mes efforts pour tenter d’éduquer mon don, ce dernier continuait à n’en faire qu’à sa tête. Je n’avais absolument aucune prise sur lui. J’étais incapable de provoquer une vision, je ne pouvais que me contenter de les subir lorsque celles-ci s’imposaient à moi avec force. Par conséquent, ne pouvant user de mon pouvoir comme je le désirais, je ne pus déterminer précisément la raison qui me poussa à plier bagage du jour au lendemain. Toujours est-il que les images chaotiques qui s’étaient formées dans mon esprit avait fait naître en moi une peur sourde qui me donnait la chair de poule ; on eut dit que mes visions me poussaient à fuir, avant qu’il ne soit trop tard.

La femme qui s’était occupée de moi après le décès de ma mère s’était remariée, et à présent, elle était trop occupée par la naissance prochaine de ses jumeaux pour se préoccuper de moi. Elle estimait que j’étais assez grande et mâture pour prendre mon envol désormais et elle ne s’offusqua pas d’apprendre que je partais. Je quittai donc Baltimore sans plus tarder et je pris la direction du nord. Je finis par me retrouver à Boston, où je décidai de recommencer ma vie de zéro. Là, je trouvai un emploi d’aide-soignante qui me permit de payer mon loyer et de subvenir à mes besoins. Pendant les six années qui suivirent, je menai une existence presque aussi indifférente que les humains au milieu desquels j’évoluais tous les jours. Tout se passa pour le mieux jusqu’au jour où cette information défraya la chronique : « Nous en avons attrapé un ! » Il était fait mention d’un mutant, bien évidemment. Lorsque la nouvelle éclata, elle fit polémique ; et dès lors, les choses empirèrent pour ceux qui, comme moi, étaient porteurs du gène mutant. Les cas de violence et d’agressions envers les mutants se multiplièrent par centaine, au point que cela en devint très vite alarmant. S’en suivirent de nombreuses injustices et de plus en plus de lieux publics interdirent l’accès aux mutants. La haine et le rejet vint en premier lieu des humains, mais les mutants ne tardèrent malheureusement pas à répliquer. Passive, je ne pouvais que sentir la guerre approcher à grands pas. Mes visions n’étaient pas claires, mais elles étaient empruntes d’une grande douleur et d’une grande souffrance. Toutefois, je ne pouvais me résigner à agir, je n’étais rien d’autre qu’une mutante parmi tant d’autres, une simple goutte d’eau au milieu de l’océan. Mes actes et mes choix ne pouvaient pas changer le monde, pas encore.

Quelques mois plus tard, ce fut comme si la guerre était ouvertement déclarée. De nombreuses réformes furent votées et il devint presque criminel de posséder le maudit gène mutant. Des gens n’hésitaient pas à dénoncer des voisins, des amis, ou même des membres de leur propre famille, à seule fin de ne pas s’attirer les foudres du gouvernement. Très rapidement, les mutants devinrent une menace concrète, une maladie mortelle dont il fallait à tout prix se débarrasser au plus vite. Et bien que personne ne se doutât de mes origines mutantes, je commençai à craindre pour ma propre vie, une fois encore. Non pas que je n’assumais pas le fait d’être mutante, je craignais simplement de m’exposer et de devenir l’une de ces pauvres âmes traquées par les humains et lynchées sans raison apparente. Je ne voulais pas mourir, moi.

C’est alors que mes visions se firent soudain plus intenses. Jamais encore je n’avais ressenti une telle puissance. Habituellement, lorsque j’étais la proie d’une vision, je me sentais comme nauséeuse et vidée d’une partie de mon énergie – avec le temps, je m’étais habituée à tous ces malaises. Mais cette fois-là au contraire, ce que je vis me cloua littéralement au sol, tant et si bien même que je demeurai inconsciente de longues heures avant de reprendre mes esprits. La vision que je venais d’avoir était on ne peut plus claire sur le fond : il était question à la fois d’un génocide sans précédent et d’une paix profonde et durable – les deux semblaient intimement liés, même si une seule des deux parties de cette vision devait un jour se réaliser. Toutefois, les circonstances exactes qui amèneraient cette prémonition à se réaliser demeurèrent dans l’ombre, hors de ma portée. Le pourquoi du comment m’échappait et je ne pouvais déterminer exactement quand ma vision deviendrait réalité ; seules les retombées catastrophiques m’apparaissaient clairement. De même, je finis par me rendre compte que l’image d’un homme me revenait sans cesse dès que j’étais la proie de cette vision – car contrairement aux précédentes visions dont j’avais été victime par le passé, celle-ci me revenait régulièrement, toujours identique à la fois précédente, mais agrémentait d’un détail supplémentaire que je ne parvenais pas à comprendre. C’était comme si je faisais face à un puzzle géant, sans parvenir à déterminer la place des pièces que j’avais déjà en ma possession ; et chaque fois que la vision revenait, elle apportait avec elle son lot de nouvelles pièces dont je ne savais que faire. Je ne comprenais pas, je ne comprenais absolument rien. Tout ce dont j’étais sûre et certaine, c’est que cet homme était important – assez tout du moins pour en arriver à hanter mes visions. Je décidai donc de me lancer à sa recherche. Nous étions alors en 2020 et les tensions entre humains et mutants atteignirent de telles proportions que l’année s’acheva sur une prise d’otages qui fit de nombreuses victimes dans les deux camps.

Plusieurs mois durant, j’arpentai donc le pays en quête de cet homme que j’avais si souvent vu dans mes visions. Et bien que je fus toujours incapable de contrôler celles-ci, il s’avéra qu’elles se firent assez régulières pour me guider sur les routes menant vers l’ouest. Six mois durant j’avais erré sur toute la façade est des Etats-Unis, et le jour où la prise d’otages fit polémique à la télévision, j’arrivai à Cleveland où je finis par retrouver l’homme de mes visions dans un bar miteux à l’entrée de la ville. Toutefois, lorsque mes yeux se posèrent sur lui la première fois, je doutai un instant qu’il puisse s’agir de lui. Il n’avait effectivement rien à voir avec l’homme de mes visions – pire même, ce n’était pas un mal de reconnaître que j’étais en présence d’une vraie loque, pour qui seul l’alcool importait encore. Néanmoins, me remémorant cette horrible vision qui m’avait plongée dans l’inconscience plusieurs heures durant, j’abordai le jeune homme et finis par apprendre qu’il s’appelait Andrew Stetson. Son nom ne me disait rien, mais je vis dans ses yeux que c’était bien lui ; c’était bien l’homme dont je ne cessais de rêver.

Malheureusement, les choses s’arrêtèrent là. Je l’avais trouvé, mais après ? Qu’étais-je supposée faire maintenant ? Et qu’avait-il à voir avec toutes mes visions ? Je ne comprenais pas le lien qui nous unissait, ce lien même qui m’avait poussée à quitter Boston pour le retrouver. Et la lumière se fit soudain, par le biais d’une nouvelle vision beaucoup plus claire que toutes celles que j’avais pu avoir par le passé. Elle était aussi transparente que de l’eau de roche, aussi limpide qu’un ciel étoilé sans nuage : nous devions nous allier pour libérer d’autres mutants emprisonnés dans une base militaire secrète. Bien évidemment, le dénommé Andrew ne crut pas un mot de mon histoire ; et je dus redoubler d’effort pour finalement le convaincre. Qu’est-ce qui lui avait fait changer d’idée ? Je ne l’ai jamais vraiment su – mais j’ai toujours supposée que j’avais fini par avoir toute son attention dès l'instant où j’avais prononcé les mots « capacité à devenir invisible ». Et quelques semaines à peine après notre première rencontre, en plein mois de février, Andrew s’infiltra dans l'une des bases d'Apocalypto, de laquelle il parvint à faire libérer pas moins de cinq mutants, parmi lesquels se trouvaient Aileen McGregor et Dakota Tempelton. Je sentis alors que nous venions de faire un pas de plus vers la réalisation de ma grande vision.

L’annonce de l’attaque de la base militaire et de l’évasion des mutants fit grand bruit dans la ville ; toutefois, ce ne fut rien en comparaison des retombées que cela entraîna : la vie des mutants recensés sur les listes devint un véritable enfer et l’opération Apocalypto se montra plus agressive que jamais. Mais moins d’un an plus tard, en décembre 2021, les mutants que j’avais aidé à libérer se réunir et décidèrent qu’il était temps d’offrir une résistance à Apocalypto ; et je me joignis à eux pour créer l’opération Genesys – une organisation secrète créée avec la volonté farouche de résister aux nouvelles mesures prises par Apocalypto et de se battre pour les droits des mutants sans pour autant rediriger notre haine sur les humains, qui ne sont pas tous responsables des agissements de leurs dirigeants. Certains d’entre eux sont comme nous, des victimes qui espèrent voir les choses se calmer et aller en s’améliorant. Pour le moment malheureusement, ils sont comme moi, ils ne peuvent qu’espérer.

Genesys n’ayant pas d’existence tangible, je pus demeurer dans l’ombre, hors de portée des radars des membres de l’opération Apocalypto – et je pus échapper par la même occasion à la grande campagne de recensement qui poussa les mutants à se faire implanter une puce de contrôle afin de ne pas être considérés comme des hors-la-loi. Mais je ne suis pas dupe, j’ai bien conscience qu’ils ont une petite idée de qui je suis – même si j’ignore que mon nom a circulé pendant un temps parmi mes ennemis. A présent, ils n’ont idée que d’une chose : un mystérieux oracle guiderait les mouvements et les agissements de Genesys, mais ils ne connaissent pas mon visage – et je l’espère, peut-être aussi ont-ils oublié mon nom.

Malheureusement, j’ai très vite démontré que mes pouvoirs avaient leurs propres limites. Je n’étais déjà pas capable de contrôler mon don selon mon bon vouloir, il arriva que l’année suivant la création de Genesys, une attaque coordonnée d’Apocalypto sur plusieurs de ses bases se solda par la capture et la mort de plus de la moitié de nos nouveaux alliés infiltrés. Aujourd’hui encore, je ne trouve pas le courage de me pardonner ma faiblesse ; car si j’avais été en mesure de contrôler mon don à ce moment-là, peut-être auraient-ils pu fuir avant qu’il ne soit trop tard, peut-être mêmes ces mutants s’en seraient-ils sortis indemnes. D’une certaine manière, je me sens coupable et j’estime avoir autant de responsabilité dans leur mort ou leur capture que celui qui a donné l’ordre de lancer cette mission d’épuration.

A présent, l’opération Genesys s’émancipe, elle gagne en force et en respect, même si elle demeure encore un mythe et non une réalité concrète. Grâce à Afflictis Lentae, sa façade publique, l’opération rallie chaque jour un peu plus d’alliés et nous faisons continuellement un pas de plus vers ce qu’il me fut donné d’entrapercevoir il y a cinq ans de cela. Un jour, je le sais, ma vision se réalisera. Mais qui du génocide ou de la paix mondiale remportera la victoire ? Je ne puis le dire… pour le moment.

« Système de Puçage : Non

« Avatar : Marion Cotillard
« Recyclage du Personnage : Etant donné que c’est un prédéfini, je pense que je suis un peu obligée de dire oui :p