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Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan

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Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan  Vide
MessageSujet: Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan  EmptyMar 28 Juin - 20:05


Sujet libreMarek I. Hopkins


Spoiler:

     Plic, ploc, plic, ploc, le bruit répétitif des gouttes carmines qui coulent de la plaie béante... Plic, ploc, plic, ploc, une douce musique qui berce le balafré, ses yeux couleur charbon, fermés sur cette vision qui captive son attention depuis quelques minutes, il se délecte de la douleur qui émane de cette brebis. Plic, ploc, 270, 271, il compte lentement chaque bruit, une larme purpurine qui éveille ses sens, l'odeur métallique et si familière du sang qui s'élève doucement autour de lui, il se sent bien, il se sent revivre. Plic, ploc, 278, 279. Marek se redresse, sa main s'avance lentement vers la plaie ouverte sur le cœur de sa victime, il recueille la larme de sang qui tombe de la blessure avant de rabaisser le tissu qui bouche l'entaille, empêchant aux gouttes suivantes de rejoindre la petite auréole carmine formée sous le corps de son élève. Il n'a pas réussi à trouver ce qu'il fallait en lui pour survivre, c'est tellement dommage, la petite flaque de sang s'est transformée en un lac rouge, le lac des enfers ? Il ne manque plus que Charon et Cerbère pour compléter le tableau. 279 larmes de sang, comme le chiffre qui l'obsède depuis qu'il a été enfermé dans cet asile, sous prétexte que son esprit « malade » avait besoin d'être « soigné », mais peut-on soigné l'évolution ? Ce serait comme de demander à un être du vingt-et-unième siècle de redevenir un homme du moyen-âge. Une stupidité pure et simple, Marek ne comprenait pas et ne comprendra jamais l'esprit des humains et des mutants qui l'entourent, ils disent que c'est le sien qui n'est pas logique, mais le balafré sait très bien que sa logique est imparable, il fait preuve de plus de bon sens que la majeure partie des habitants de cette ville, malheureusement ils sont trop aveugles pour s'en rendre compte....

     Le balafré incline légèrement la tête, posant son regard d'ébène sur le visage de sa brebis, sa tête a roulée sur le côté alors que la vie quittait lentement son corps. Marek l'a observée, tout le long des 279 gouttes qui ont glissé doucement le long de son flanc pour atterrir sur le béton froid du sol avec un doux bruit si familier, formant cette auréole sombre comme la nuit. Il sait être patient, très patience, mais qu'est-ce dont la patience lorsque la vision du temps est déformée ? La balafré ne comptait pas les minutes, les heures ni les années, il vit au jour le jour, mange lorsqu'il a faim, chasse lorsqu'il en a envie, dort lorsque son corps le lui demande. C'est une vie simple, presque à la manière d'un prédateur, un animal d'après ce que certains disent, mais en réalité, il n'est dépendant de rien, si ce n'est de son corps, une douce liberté qui lui permet de poursuivre son œuvre, former les jeunes brebis égarées à l'apprentissage de la souffrance. Le fou approche son visage de celui de la jeune brebis qui fixe le mur face à elle d'un regard vide, dénué de toute vie, il avance sa main pour caresser légèrement la joue de l'élève. Elle est froide. Plus aucun souffle ne sort de sa jolie bouche trop maquillée, pas plus que de son nez refait par un chirurgien trop grassement payé, elle a quitté cette vie pour un monde meilleur. Soupir déçu de la part du professeur de souffrance qui recule doucement, elle n'a pas réussi à trouver la véritable source de survie qui sommeille en elle et échouer à ce test ne laisse aucune chance, il n'y a qu'une issue : la mort. Il secoue doucement la tête, glissant sa main jusqu'à la poche de son sweat salit par des mois d'utilisation, puis en sort un magnifique rasoir, comme dans l'ancien temps et deux pièces de bronze. Il l'ouvre avec un bruit familier, celui de la lame en argent qui résonne dans la nuit, un sourire furtif déforme les traits de son visage, déjà ornés par un sourire de l'ange et diverses autres cicatrices.

     Il place les deux pièces sur les yeux de la jeune femme, une sur chaque œil pour payer son passage du Styx et lui permettre de ne pas errer éternellement sur les rives du fleuve des enfers. D'un geste appliqué de la main, comme un peintre met son dernier coup de pinceau, il trace un « 2 » sanglant sur son flanc, avant d'essuyer attentivement la lame de son instrument si précieux, puis de se détourner, laissant là cette brebis égarée. Sa main se glisse à nouveau vers sa poche alors qu'il s'arrête sur le pas de la porte de ce vieux bâtiment, levant les yeux vers la lune qui brille dans le ciel. Les sorcières sont de sortie par ce temps. Ses yeux se ferment, il inspire longuement, levant son visage vers le ciel, sa capuche rabattue retombe légèrement, dévoilant la grosse balafre qui orne sa gorge, courant d'une oreille à l'autre, souvenir du passé laissé par un fou de l'asile qui avait fait la sottise de jouer au jeu de la mort tant aimé par l'hostile. Le corps n'est qu'une chrysalide, destinée à évoluer pour permettre à la chenille de devenir papillon. Pour pouvoir se hisser vers l'évolution suprême, il faut connaître la souffrance, apprendre à la dompter, se délecter d'elle, vivre avec elle, évoluer, sacrifier ces choses si secondaires, le physique change avec le temps. Les paupières tombent, la peau se détend, des rides apparaissent, accepter de voir son apparence changer, c'est éviter les faiblesses qui découlent de l'âge, et l'hostile est bien décidé à le faire comprendre aux autres.

----- 3 heures plus tôt -----

     Tac, tac, tac, les bruits de talon de la brebis égarée devant lui se font de plus en plus forts, de plus en plus présents, Marek n'entend plus que ce bruit, si détestable, si agressif, ses oreilles manifestent leur mécontentement en sifflant désagréablement. Il fronce les sourcils, ce bruit, il faut le remplacer, apprendre à cette brebis que les atouts qu'elle présente, les magnifiques atours qu'elle arbore et le maquillage trop présent qu'elle s'étale sur le visage, ne suffiront pas à sauver son âme de la damnation. Elle doit comprendre la réalité de la vie, la beauté de ce que la nature nous a confié, elle doit cesser de gâcher son existence en vendant ses charmes à des hommes désireux de la posséder. Tac, tac, tac, il marche derrière elle, la brebis s'arrête soudain, il est soulagé, ce bruit a cessé en même temps. La jeune femme se retourne, s'aperçoit qu'un homme la suit, mais au lieu de l'habituel expression d'inquiétude qui apparaît sur le visage des autres brebis, c'est un sourire amusé qui naît sur ses lèvres. Tac, tac, tac, elle approche de Marek, s'arrête devant lui alors qu'il fixe le sol, et ses chaussures qui produisent ce bruit contre nature. Elle avance sa main, caresse furtivement l'épaule du mutant en s'adressant à lui.

     « Et bien mon joli, trop timide pour m'appeler, tu veux qu'on s'amuse tous les deux ? »

     Il lève les yeux, plonge son regard de braise dans celui de la brebis, elle porte des lentilles de couleur, il soupir, sa voix est encore plus insupportable que le bruit de ses talons, ses propos sont offensants, il tend son don alors qu'elle se remet à parler sans que Marek ne l'écoute. Le murmure désagréable de sa voix, il doit cesser, le fou ressent une irritation grandissante alors qu'il commence à trier les souvenirs de la jeune femme, son visage de marque d'une surprise alors qu'elle sent l'incursion dans son esprit, il retire quelques bons souvenirs, sa dernière prise de drogue, sa dernière sortie, les épaules de la demoiselle s'affaissent soudain, sa voix cesse, Marek se sent soulagé, il esquisse un sourire, donnant une nouvelle dimension à son sourire de l'ange. Elle a cessé de parler. Il approche son visage du sien, et murmure quelques mots.

     « Je vais te faire danser une valse avec Charon, ne t'inquiètes pas ma brebis, je porte deux pièces de bronze pour payer ton voyage. »

     Puis il attire la brebis docile avec lui, vidée de ses souvenirs récents, seul le tac, tac, de ses talons se fait encore entendre, mais plus pour longtemps. Il l'installe sur une chaise et balafre son corps de coups de rasoir à des endroits stratégiques, après avoir pris soin de lui attacher les mains et les bras avec des fils barbelés, puis il lui rend ses souvenirs pour lui permettre de s'éveiller. Son regard se teinte d'une lueur d'incompréhension, il l'observe en silence et prend la parole.

     « Le corps n'est qu'une enveloppe charnelle qui doit évoluer, tu dois abandonner toutes ces choses inutiles, sacrifier une partie de toi pour pouvoir évoluer. Il faut dompter la souffrance pour pouvoir atteindre la maîtrise de ta vie, comprendre à quel point elle est précieuse. Il désigne ses bras et ses jambes, balafrées par la lame du rasoir et abîmées par les fils barbelés. Ce bâtiment est plein de vermines, autant humaine qu'animal, ce que vous appelez les rats, ils se nourrissent de tout un tas de choses. Le sang les attire, tu dois parvenir à te libérer, ou ils finiront par de trouver tout aussi appétissante que les hommes qui te payent pour tes charmes qui se flétriront. »

     Il recule, ignorant les pleurs de la brebis égarée alors qu'elle le supplie de l'aider, plic, ploc, les gouttes carmines comment à arriver, remplaçant le bruit des talons si agressif, Marek soupir d'aise, se délectant de cette berceuse si douce. Une symphonie de bruits plus étranges les uns que les autres, irrémédiablement liés dans l'esprit « malade » du balafré, il sait ce qu'il fait, comme un chef d'orchestre qui dirige un orchestre invisible que lui seul peut voir. Scritch scritch, le bruit des pattes griffues des rats qui commencent à arriver, le jeu a commencé.

----- Heure actuelle -----

     Marek tend l'oreille, entendant les bruits de pas des rats qui s'affairent derrière lui, un sourire éclaire ses lèvres alors qu'il ouvre les yeux, baissant son visage vers le sol, puis commence à marcher. Ses pas le mènent à un endroit qu'il ne connaît pas, il marche au hasard des rues, passant à côté de silhouettes floues et obscures qui n'attirent pas son attention, il tend son don de temps en temps, cherchant inconsciemment une nouvelle cible. L'odeur du sang le suit, pourtant il a à peine toucher celui de sa brebis égarée, c'est une seconde nature chez lui, comme si la mort et la désolation faisaient partie de son être. Un silence de plomb, il est debout, face à la ville, dans ce quartier perdu, les bruits lointains de la ville se font entendre, étouffés. La solution fait partie intégrante de lui, il n'a plus aucune difficulté à s'y faire, en réalité, sa grandeur d'âme le pousse forcément à être solitaire, comme on le dit, la solitude est compagne des grands hommes. Marek ne se considère pas comme supérieur, il sait simplement qu'il a réussi à finaliser son évolution, et son altruisme le pousse à faire partager son expérience aux autres. Là où vous dites fou, il dit professeur, c'est par bonté qu'il agit de la sorte, d'où le diagnostic des psychiatres qui le traitent de fou alors qu'il ne cherche qu'à aider la race, humaine ou mutante. Ce combat n'est pas le sien, il en a un plus important à livrer, que lui seul peut comprendre. Tic, tac, tic, tac, un bruit de pas, femme ou homme ? Humain ou mutant ? Bonne question, il l'ignore et cela a peu d'importance, ses yeux se ferment, il tourne le dos à la rue, son don tendu vers la brebis qui vient d'arriver, ses lèvres s'entrouvrent, il parle sans s'écouter.

     « Savez-vous danser la valse ? »

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Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan  Vide
MessageSujet: Re: Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan  EmptyDim 3 Juil - 18:58

Spoiler:

Ce soir là, il y avait une odeur particulière dans l’air. Une odeur que Meagan n’aurait pas pu identifier, même si elle n’avait pas eu la tête embrumée par l’alcool. En fait, ça n’était pas tant une odeur qu’une atmosphère. L’air était lourd, étouffant. C’était peut-être simplement la météo, mais c’était peut-être aussi l’alcool. Ça lui donnait toujours terriblement chaud, même si elle n’en buvait que quelques verres. Ou alors c’était peut-être autre chose. Elle renifla bruyamment, s’adossa à un petit muret de pierre pour fouiller dans son sac, qu’elle posa à côté d’elle sur le mur. Elle en sortit une cigarette et un briquet. La flamme fit luire son visage quelques secondes, puis tout redevint sombre à l’exception du lampadaire de l’autre côté de la rue, qui éclairait chichement les environs. Elle fixa ce point lumineux longuement, étirant sa première bouffée. Puis ses yeux se fermèrent doucement. Elle portait un t-shirt noir moulant, qui aurait pu être tout à fait banal si ce n’avait été de l’échancrure profondément révélatrice, ainsi qu’un short gris et un peu trop grand qui tenait en place grâce à une ceinture cloutée. Elle avait ses bottes de combats attachées à la façon paresseuse, c’est-à-dire lacées jusqu’au milieu et toute la portion du haut laissée à pendouiller mollement. Son corps était couvert d’une fine pellicule de sueur. Elle essuya du revers de la main se qui perlait sur son front, et d’un même mouvement, retira sa perruque rouge incendiaire. Elle avait trop chaud pour la supporter plus longtemps. L’enfournant dans le sac, elle entreprit de défaire les pinces qui retenaient ses vrais cheveux en place, mais elle eut tôt fait d’en remettre une partie, n’appréciant pas trop que sa nuque soit couverte par un temps aussi humide. Trempés, ses cheveux tenaient en place dans une drôle de structure ressemblant vaguement à ce qu’ils étaient. Le surplus de pinces à cheveux se retrouva lui aussi au fond du sac, cliquetant légèrement. Elle remit la bretelle sur son épaule, ferma le tout et reprit sa marche, tranquillement, exhalant de temps à autre de petites volutes de fumée argentée qui demeuraient dans son sillage le temps de se dissoudre, quelques secondes à peine.

La soirée avait été longue, et pas franchement productive. Elle était sortie pour rencontrer leur dealer, à elle et son frère. Mais il ne s’était pas pointé au lieu de rendez-vous, ce qui n’avait pas manqué de la mettre en colère. Mais d’un côté, c’était presque un juste retour des choses. Après tout, elle et Kelley laissaient passer quelques rendez-vous avant de pouvoir payer. Que l’autre décide de laisser passer quand c’était son tour de fournir, ça ne l’étonnait qu’à peine. C’est son frère qui serait agacé par contre, quand elle rentrerait les mains vides. Bof. Elle avait toujours le temps de trouver quelqu’un d’autre, négocier une petite quantité de came le temps de fixer un autre rendez-vous. Elle avait arpenté les rues de la ville longtemps, pénétré dans les bars qu’elle savait être des lieux idéaux pour se genre d’échanges. Mais son regard, partout, n’avait croisé que des visages inconnus, ou alors des visages qu’elle connaissait assez pour savoir qu’ils ne lui offriraient pas ce qu’elle recherchait. Partout, elle était ressortie un peu plus en colère, un peu plus agacée, un peu plus déprimée. Les ruelles lui avaient offert des réponses décevantes, ou vides, ou occupées à autre chose, bondées. Elle avait parcouru tous ses spots habituels. Il était passé minuit et elle n’avait qu’une envie, rentrer chez elle et se laisser tomber dans ses couvertures. Errer dans les rues à la recherche de drogue la mettait toujours de mauvaise humeur. Elle se sentait comme ces junkies ridicules, rampant au sol pour obtenir leur dose. Elle n’en prenait pas énormément elle-même. Le gros de ce qu’elle achetait était pour son frère, qu’elle s’efforçait de ne pas juger trop durement. Elle savait ce qu’il traversait, et elle savait que la drogue était la seule solution qu’il avait pour lutter contre les pensées intempestives des gens autour de lui. Mais il était accro, plus que quiconque qu’elle avait rencontré. Si elle n’allait pas à sa place, il ramperait littéralement dans les rues, suppliant qu’on lui donne quelque chose à consommer. À jeun, son frère devenait carrément quelqu’un d’autre, agressif, mauvais, paranoïaque. Il lui avait déjà fichu la trouille de sa vie en l’accusant d’avoir caché sa drogue pour l’utiliser elle-même. Parfois, elle avait l’impression qu’elle n’aidait pas réellement son frère. Mais parfois elle se disait qu’à défaut de pouvoir faire autre chose, elle était tout aussi bien de continuer à lui tendre l’anesthésiant.

Au coin d’une rue, attendant de traverser, elle remarqua du coin de l’œil un dépanneur ouvert 24 heures où un type qu’elle connaissait travaillait. Elle hésita un moment, puis obliqua. Quitte à ne pas pouvoir ramener de drogue, eh ben elle pouvait toujours ramener de l’alcool. Et le type en question aurait peut-être quelques grammes sur lui. On sait jamais. Elle entra et tourna tout de suite la tête vers le comptoir. Todd était effectivement là, occupé à compter les tickets de loterie qui restaient sur son comptoir. Sa venue le déconcentra. À son froncement de sourcils, elle devina qu’elle lui avait fait perdre le compte. Elle lui fit un vague sourire, et lui demanda comment se passait son quart de travail, marchant en même temps vers les frigidaires à bière, tout au fond de la place. Todd était un type plus jeune qu’elle, qui avait tenté de la peloter à plusieurs reprises, dans des soirées. Il était gentil, un peu gauche. Meagan préférait le tenir à l’écart pour diverses raisons. D’une, il n’avait rien à lui offrir, de deux, il vivait chez ses parents, ce qui était probablement, pour quelqu’un comme elle, le signe que ce gars-là n’était pas du tout dégourdi. Et elle ne pensait pas se tromper en pensant ça. Et puis il était tout petit, tout rachitique. Pas son genre.

L’agacement de Todd d’avoir perdu le compte de ses tickets disparut quand il réalisa qu’elle lui parlait amicalement, et qu’elle s’informait. N’importe qui aurait su que ça n’était qu’une question de circonstance, posée simplement dans le contexte d’une convention sociale. Mais Todd était content. Simplement. Refermant le réfrigérateur et revenant vers le comptoir avec une caisse de douze, elle écouta le jeune homme lui faire un compte rendu rasoir de sa soirée. Elle l’écouta, oui, mais fit tout pour accélérer les choses, comme sortir de la monnaie de son sac avant qu’il n’ait scanné la caisse de bière, avant qu’il n’ait fini de parler. De savoir qu’un type complètement saoul s’était pointé un peu avant elle et avait acheté plus de sacs de chips qu’un corps humain ne peut en contenir ne l’intéressait pas du tout. Mais ça lui donna envie d’en manger. Se tournant vers le présentoir, elle attrapa un sac de Miss Vichies saveur originale. Todd finit par lui annoncer comment ça faisait, et lui dit que le sac de chips, c’était sur son bras. Meagan le remercia et le coinça dans l’espace qui restait, dans son sac à bandoulière. Finissant de régler, elle prit la caisse de bière d’une main et s’apprêta à repartir. Puis, faisant comme si elle venait juste d’y penser et qu’elle n’était pas entrée expressément pour ça, elle lui demanda si par hasard il n’avait pas quelques grammes sur lui. Il secoua la tête.

« Désolé, Meag. Ma mère a trouvé mon stock à la maison et elle me surveille. »

Meagan eut un reniflement dédaigneux, et dit que ce n’était pas grave. Elle sortit après l’avoir salué d’un signe de tête. Quel con, pensa-t-elle. C’était la preuve que de vivre chez ses parents était le comble de la bêtise. Et puis, même si elle avait vécu chez sa mère, elle n’aurait jamais eu ce genre de problème. La drogue, c’était pas tellement ce qui dérangeait sa vieille. Pendant un instant, elle se demanda ce qu’elle était devenue. Depuis que sa mère l’avait vendue, elle n’avait pas eu de nouvelles. Probablement qu’elle était morte, quelque part dans un fossé. Ça n’aurait rien d’étonnant. Chargée de ses effets et de ses achats, elle décida que le mieux, maintenant, c’était de reprendre le chemin de l’appartement. Valait mieux pas traîner plus longtemps si elle voulait réellement rentrer et se laisser tomber dans ses draps. Boire une bière. Manger ses chips. Ouais. Elle traversa la rue, arpenta quelques trottoirs et s’arrêta soudainement, interrompue dans sa cadence par une question semblant sortir de nulle part. Elle remarque alors une silhouette, tout près pourtant. Elle secoue la tête, comme pour s’assurer qu’elle n’est pas en train de délirer.

« Si je sais valser …? »

Son sourcil froncé se détend, puis elle émet un petit rire amusé, un rire pas particulièrement délicat, ni particulièrement féminin.

« Je crois que t’es pas bien mec. J’ai une tête à danser la valse, peut-être ? »

Visiblement, ce mec était défoncé. Elle ne savait pas trop à quoi, mais ça lui était égal : ça avait l’air plutôt efficace, disons-le. Il ne la regardait pas, fixait les bâtiments de l’autre côté du trottoir. Changeant sa caisse de bière de main parce que la gauche commençait à avoir des crampes, elle fit quelques pas de côtés pour voir le visage du type. Il était plus âgé qu’elle, probablement pas mal, mais elle devait elle-même avoir l’air un peu plus vieille, avec les cernes qui s’étaient creusées sous ses yeux et ses pommettes un peu trop saillantes. Elle resta un moment immobile, animée d’une drôle d’impression. Elle avait oublié cette drôle d’atmosphère qu’elle avait sentie plus tôt. Mais là, ça lui semblait être revenu, comme la tranche d’un rêve qui revient sans s’annoncer. Elle resta silencieuse, toujours accablée par la chaleur étouffante. Elle essuya encore du revers de la main la sueur qui se la coulait douce sur son front, sans détacher le regard de cet homme qui avait l’air d’être à côté de ses pompes, et en même temps, pas du tout. Peut-être qu’il l’avait confondue avec … quelqu’un. Peut-être qu’une nana sachant valser devait le rejoindre à cet endroit et qu’il avait confondu leurs pas. Quoi qu’avec ses Rangers dans les pieds, il était dur de trouver quoi que ce soit de féminin dans le pas de Meagan Huff. C’était plus traînant et lourd qu’autre chose. Elle eut envie de reprendre son chemin comme si elle ne s’était pas arrêtée, mais quelque chose la retint.

Était-ce de la curiosité ? Après tout … si ce type consommait, il avait peut-être quelque chose d’intéressant pour elle. Était-ce simplement ce don qu’elle avait pour s’empêtrer dans les ennuis comme si c’était un choix de vie ? N’empêche qu’elle resta, déposa sa caisse de bière par terre et continua de dévisager l’inconnu.

« Remarque … j’imagine qu’on peut pas mourir sans savoir valser. C’est genre, un crime contre la moralité, quoi … »

Foutaise. Elle n’en avait rien à faire de la moralité, ni de savoir valser ou non. Tout ce qui l’intéressait, croyait-elle, c’était de savoir à quoi ce mec se gelait.

« Si t’es pas pressé, tu peux peut-être m’apprendre à valser. Et moi j’peux t’offrir une bière. Ce serait comme un échange de bons procédés. »

Traîner avec un type pas net, ça serait loin d’être la première fois que ça lui arrivait. Elle vivait avec un type pas net, et n’était pas tellement nette elle-même. Elle se pencha un peu en avant, cherchant à voir si elle avait allumé quoi que ce soit dans le visage ombragé de l’homme.

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Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan  Vide
MessageSujet: Re: Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ▬ Meagan  EmptyMar 5 Juil - 11:38

     Sa question vient de résonner dans la ruelle sombre, il n'attend pas vraiment de réponse, son esprit embrumé par la folie ne réagit pas comme celui d'une personne « normale ». Marek ne se serait nullement sentit insulté si l'esprit qu'il venait d'intercepter, s'en allait sans plus ce cérémonie. Combien de fois est-ce qu'il avait été amené à être ignoré comme si la folie qui le rendait si étrange était une tare contagieuse. Elle lui avait enlevé le peu d'humanité qu'il possédait étant enfant, on ne le considérait plus comme un être humain à part entière, mais simplement comme un fou. Fou, il se répète ce mot dans son esprit malade, la résonance dégagée par ces syllabes est plutôt satisfaisante, un son agréable et plein de promesse. Ça ne le dérange nullement qu'on le taxe de la sorte, il préfère cela à « mutant ». C'est un mot revêche, souvent prononcé avec un fond de haine ou de peur, Marek n'aime pas la peur, elle handicape les esprits les plus séduisants, il a vu des élèves prometteurs échouer à son test simplement parce que ce sentiment les avait paralysés. Un soupir, il ferme les yeux, cessant de regarder au loin sans apercevoir quoi que ce soit d'intéressant. Un son, sa voix, une question, il n'a pas vraiment écouté, seul le bruit est arrivé jusqu'à ses oreilles, le sens de la phrase lui échappe. Marek est ainsi fait qu'il porte plus d'importance aux sons dégagés par les brebis égarées, qu'au contenu de leurs paroles. Il avait constaté que les individus de cette ville avaient une certainement propension à parler pour ne dire que des choses creuses, le pire c'était lorsqu'ils parlaient sur un ton monocorde, sans aucune émotion.

     Un nouveau bruit, un... Rire, un bruit qu'il n'a entendu que peu de fois, est-ce qu'il apprécie ce qu'elle dégage ? Assez, c'est un son franc, il n'est pas noyé sous une masse de fioritures comme les femmes qu'il a croisées plus tôt dans la journée. Elles dissimulent leurs visages sous des couches de produits chimiques, modifiant, améliorant leurs traits. Il ne comprend pas, elles refusent l'évolution qu'il leur propose alors qu'elles affectionnent tant leur système. Les autres sont une source de mystère et d'incompréhension pour son esprit. Un nouveau son, le balafré doit se faire force pour parvenir à comprendre le sens des mots qu'elle prononce, une tête à danser, encore des mots vides de sens, faut-il un visage particulier pour pouvoir danser ? Il croyait que la danse se faisait à l'aide des pieds, le reste n'est pas vital. Une lueur d'interrogation teinte son regard couleur charbon, à force de se concentrer sur l'esprit des gens, il en perd la capacité à s'exprimer, les mots lui semblent si obsolètes, si réducteurs. Comment qualifier un sentiment par un simple mot. Joie, c'est une syllabe d'une telle banalité, pourtant elle est censée représenter le plaisir d'un être humain, les mots ne sont pas assez expressifs pour lui permettre de faire comprendre ce qu'il souhaite, son esprit malade ne parvient pas à trouver le moyen de briser ces entraves. Il reste silencieux, un bruit léger derrière lui, du verre qui s'entrechoque, elle porte quelque chose avec elle, son intérêt remonte légèrement, rapidement brisé dans son élan par des nouveaux mots, elle change d'avis, parle de moralité, qu'est-ce que la morale déjà ? Un concept inventé par l'être humain pour justifier certaines actions qu'il ne peut assumer. Il a beau apprendre les définitions du dictionnaire, cela ne lui permet pas de mieux comprendre ce qu'elle veut exprimer.

     Seul un mot a su retenir son attention, doux, sucré, si délectable qu'il ne se lasse pas de l'entendre, susurré à son oreille comme un doux poème, la mort, est-ce que c'est ce qu'elle souhaite ? Marek n'a jamais aimé la mort, la mort c'est l'absence de vie, or il faut vivre pour évolution, pour apprendre, la mort est l'aboutissement d'un long trajet, il faut avoir achevé ce que l'on devait faire avant d'un arriver. Le souvenir de la brebis aux yeux vides, le bruit des gouttelettes carmines qui tombe sur le sol, un soupir léger, si plaisant, les souvenirs sont ses seuls compagnons, ils ne le trahissent jamais. Une nouvelle fois le son de la voix de l'inconnu se fait entendre, homme, femme, il ne le sait pas vraiment, le balafré commence à se faire à cette intonation. Ni haut perchée, ni grave, un juste milieu que son oreille apprécie, peut-être qu'il peut s'intéresser de plus près à cette brebis. Un nouveau mot attire son attention, apprendre, le professeur qui sommeille en lui s'agite soudain alors qu'un bruit de verre lui indique que quelque chose a été posé par terre. Il ouvre les paupières, à force de les avoir fermées sa vue s'est légèrement troublées, il lui faut quelques secondes le temps que les bâtiments au loin se dessinent à nouveau nettement. Une silhouette entre dans son champ de vision, la voix tente de l'observer, encore quelqu'un qui s'intéresse à l'apparence des gens ? Le maître des souvenirs qu'il est, ne parvient pourtant pas à garder à l'esprit l'apparence des gens. Il n'y porte aucun intérêt, le physique change, il évolue, se modifie, aussi éphémère qu'un battement d'aile de papillon, pourtant s'embarrasser de souvenirs qui ne seront plus actuels dans quelques mois ? Les souvenirs sont si précieux à ses yeux qu'il refuse de les alourdir de données inutiles, le visage de cette brebis sera oubliée dès qu'il aura tourné les talons, il ne subsistera que quelques bribes éparses de son esprit.

     Les secondes défilent, ou serait-ce des minutes ? Il ne le sait pas, le temps est une donnée si intéressante, il n'y porte aucune importance, mange quand il a faim, dort lorsque son enveloppe est épuisée, le reste est futile. Le balafré quitte sa contemplation des bâtiments pour bouger légèrement, tournant son visage marqué par les balafres, vers l'esprit de la brebis. Son regard de jais se posa sur un visage qu'il voit sans le voir, des traits, une couleur, une expression, tout cela lui passe au-dessus, il est incapable de s'accrocher à des choses qui semblent importantes pour un humain normal. Il n'est pas humain, il n'est pas normal. Les paroles de la brebis retentissent à nouveau alors qu'il se remémore ce qu'elle vient de lui dire, inconsciente de ce qu'elle a déclenché malgré elle. Légère inspiration de sa part alors que son don s'éveille enfin, quelques mots traversent alors la barrière de ses lèvres en partie marquées d'un sourire de l'ange.

     « Apprendre ? Tu souhaites apprendre, je peux t'apprendre beaucoup de choses. »

     Son regard sombre brille d'une lueur de folie mêlée à de l'intérêt, il a ignoré tout ce qu'elle a dit d'autre, seuls quelques mots se sont imprimés dans son esprit comme marqués au fer rouge. Marek se fait force pour essayer d'observer les traits de la jeune brebis, il a déjà oublié tout ce qu'elle a dit, excepté les quelques mots « tête à danser la valse », est-ce qu'elle souhaite changer d'apparence ? L'enveloppe donnée à la naissance n'est qu'une base, il faut la faire évoluer, les cicatrices qui couturent son corps sont la preuve directe qu'il est possible de l'améliorer. Malheureusement les élèves sont généralement peu consentants et manifestent une certaine réticence à l'idée de perdre cette apparence si impure. Ils s'accrochent à des futilités qui les empêchent d'évoluer. La brebis l'ignore, mais il a déjà décidé de faire d'elle son prochain élève, son don se plonge naturellement dans l'esprit de la jeune femme, accédant avec une facilité déconcertante à ses souvenirs. Comme le pilleur qu'il est, l'hostile passe en revu les souvenirs récents, la jeune élève doit voir défiler devant elle des bribes de ses souvenirs, une frustration de ne pas avoir quelque chose qu'elle désirait, le souvenir d'un jeune homme comptant des pièces, le souvenir d'une peau moite de sueur, le sentiment de ne pas être bien dans sa peau en raison de la chaleur. Il stoppe son incursion à ce moment sans quitter de ses yeux, le visage de la brebis qu'il ne voit même pas. Une forme floue, indéfinissable, voilà comment elle lui apparaît, bien plus claire depuis qu'il a pu entrer dans ses souvenirs. Peut-être comprend-elle qu'elle a affaire à un mutant, peut-être pas, il s'en moque, seul importe le résultat.

     « Frustration, impatience, agacement, beaucoup de sentiments négatifs. Ta vie est-elle tellement triste que tu ne puisses en tirer aucune joie ? »

     Les mots qui sortent de sa bouche lui semblent fades, insipides, ils n'expriment pas ce qu'il souhaiterait lui faire comprendre. Il veut lui montrer ce qu'il peut lui faire, lui enlever ce carcan qui l'immobilise au sol. Elle est dépendante de la drogue, son corps la contrôle, il en demande toujours plus et ne cessera jamais de le faire. Être esclave de son enveloppe charnelle, une chose qu'il ne peut envisager. L'expression de l'hostile est semblable à un masque dénué de toute émotion, seuls ses yeux charbonneux expriment les pensées qui lui traversent l'esprit. Il ne porte aucun intérêt au physique, où serait l'intérêt de s'épuiser à modifier son faciès pour indiquer les pensées qui habitaient son esprit ? En quête du mot qui exprimerait ce qu'il désirait lui faire passer, Marek avance d'un pas, puis d'un autre, s'arrêtant à quelques dizaines de centimètres de la brebis. Peut-être va-t-elle prendre peur, la peur est le pire ennemi de l'humain, c'est elle qui empêche à cette race d'évoluer.

     « Tu es dépendante de ton corps, il te réclame quelque chose que tu ne peux lui offrir. Ne te sens-tu pas esclave de ta personne ? Tu devrais essayer de briser les chaînes qui te retiennent au sol, comment espères-tu pouvoir évoluer et atteindre l'apogée de ta personnalité si tu te poses toi-même des entraves ? »

     Des paroles plutôt étranges, les mots ne chantent pas comme il le souhaite, mais ils expriment déjà plus ce qu'il désire. L'aider, c'était son seul but à présent, lui montrer qu'en contrôlant son corps, la vie nous offre tout un tas de nouvelles possibilités. Il n'est pas adorateur de la mort, ne se considère pas comme un Dieu ou un homme capable de changer la face du monde. Marek souhaite simplement permettre à ces brebis égarées de ressentir le plaisir de la douleur, la drogue inhibe et neutralise la souffrance, il ne peut le tolérer, c'est un affront à son enseignement, elle doit comprendre pour le bien de tous. Sa voix est teintée d'une espèce de fanatisme, sans qu'un mot ne soit plus haut que l'autre pour autant, inutile d'être un savant pour comprendre que cet homme n'est pas totalement « normal ». La normalité est tellement épuisante, la banalité est certainement la pire des punitions.

     « Je peux t'enseigner comment te libérer de cette prison, lorsque tu seras pleinement maîtresse de tes sentiments et sensations, tu comprendras alors tout ce que tu as perdu pendant ces années de servitude. »

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