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C'est pas encore hanté, mais patience.

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C'est pas encore hanté, mais patience. Vide
MessageSujet: C'est pas encore hanté, mais patience. C'est pas encore hanté, mais patience. EmptyJeu 30 Juin - 15:45

Ça faisait un mois à présent que Larry avait entammé sa reconversion. Devenir prof, le truc qu'il n'avait pas voulu envisager jusque là. Le truc qu'il avait même tenu à éviter spécifiquement. Il fallait des diplômes pour enseigner, et Larry n'avait pas la moitié de ceux qu'il lui fallait. Il avait les compétences bien sûr, mais il fallait tout de même qu'il passe des examens afin de le prouver, et ces examens ne se passaient pas sur commande. Ni sur les sujets de prédilection de ceux qui veulent les passer. Il fallait qu'il étudie des domaines qu'il avait abandonnés depuis longtemps, et c'était tout sauf facile. Les gamins n'avaient pas mis aussi longtemps qu'il ne le pensait à se laisser convaincre par la fondation Afflictis Lanctae, et depuis une semaine il se retrouvait sans autre activité que son boulot de traducteur, dont il ne parvenait pas à démissionner, et ses études. Son patron savait qu'il allait partir et le surchargeait de travail. Bien fait pour sa pomme : il n'avait qu'à pas être loyal. C'était tellement facile de mettre des bâtons dans les roues d'un type trop respectueux de la procédure.

Il ne savait pas s'il avait bien fait de se lancer dans cette voie-là. Ç'avait été une de ses lubies du moment, rien de plus. et maintenant il se retrouvait avec un job exténuant, qui sauterait d'ici un mois qu'il le veuille ou non, et sans avoir de réelle garanties d'embauche ailleurs. C'était pas une bonne idée de tout chambouler aussi vite. Déjà, reprendre les études, même pour des domaines peu étendus et pas particulièrement compliqués, n'avait rien de simple. Il avait plus passé son temps à bosser sans qualifications qu'à réviser ces dernières années, et certaines de ses connaissances avaient foutu le camp en moins de deux, trop heureuses de quitter son cerveau inhospitalier. En plus, son appartement n'était pas vraiment la salle d'études de ses rêves. Il avait espéré que si les gosses se reposaient sur la fondation Affection Lancatruc, il n'aurait plus à les héberger et pourrait se trouver un autre appart', plus petit, meublé, pour réviser tranquillement. Sauf que d'ici à ce que ses élèves cessent de lui rendre visite, trois siècles auraient le temps de s'écouler. De toutes façons, quand bien même ils se mettraient à bosser suffisamment pour lui laisser le temps de reprendre tranquillement ses cours, il aurait fallu pour déménager qu'il se débarrasse de son présent appartement. Or, c'était le genre de ruine dont personne ne voulait. Il l'avait acheté exprès pour ça, en se disant que personne n'aurait l'idée de l'en déloger stratégiquement. Innocent petit pigeon.

Depuis un mois, il avait fait un tas d'efforts pour convaincre les mômes de se bouger le postérieur jusqu'à la fondation Machin pour qu'ils ne prennent pas de retard. Il avait patiemment interrompu son travail quand ils revenaient le voir dans le seul but de leur raconter quelle bonne ou mauvaise journée ils avaient passée, puis avait fini par leur demander de lâcher un peu, le temps qu'il ait ses satanés diplômes et qu'il puisse penser à autre chose. Obéissants, ils n'osaient plus venir le voir à moins d'une nouvelle importante, et Larry s'était rendu compte que leurs visites avaient au moins le mérite de le distraire de toute cette paperasse qui lui donnait mal à la tête. Sauf qu'il était un peu tard pour leur dire qu'en fait ils ne dérangeaient pas et que rien ne serait jamais plus important que de les écouter. Il était pas fait pour s'occuper d'adolescents, c'était à se demander pourquoi il avait seulement envie de continuer le boulot. Après tout, ils avaient maintenant un autre prof, plus compétent que lui sans doute. Un homme ou une femme qui n'aurait aucun problème pour leur faire finir le programme scolaire et les conseiller sur leur avenir. Lui avait quelques connaissances, mais pas de formation pédagogique, et puis... Et puis est-ce que ça valait le coup de continuer à s'imposer ? Ils avaient la vie devant eux, ils pouvaient tourner la page. Ce serait sans doute mieux pour eux, de ne plus être sous son influence pessimiste et marginale.

Il en avait marre. Marre de son travail, marre de ce projet de bouse qui finirait certainement quelque part entre le Groenland et l'Antarctique pendant qu'il chercherait un boulot pas trop qualifié en Sibérie, histoire de se faire oublier. Et même en pleine reconstitution de l'ère glacière il tomberait encore sur un type corrompu et il se dirait qu'en fait sa première idée, celle de se tier une balle dans la tête, aurait été meilleure. Nan, fallait pas penser comme ça. Mais n'empêche qu'il en avait marre, et que c'était pour ça qu'il alignait les verres avec un pote que Larry n'avait jamais vu aussi joyeux de payer les consommations des autres. Le bruit lui faisait mal à la tête, mais moins que tout le reste. Alors il continuait à boire, boire encore, jusqu'à ce que tout s'efface. iIl l'aurait bien mérité tiens, si toutes ses révisions passaient à la trappe façon échelle chromatique. Dodo...

Des baffes. Il était en train de se prendre des baffes. Rha, il dormait, peinard, et il fallait qu'on vienne le réveiller à grands coups de tatane dans la gueule. Un coma éthyliue ? Mais nan, c'était pas un coma éthylique, il se serait pas réveillé sinon. Et puis de toutes façon, qu'est-ce qu'ils avaient tous à le regarder comme s'il était mort ? Ils s'étaient jamais vus eux-même au réveil ? Nan ? * Et encore un coup dans la gueule, merci mon pote, ça fait du bien, un bien fou tu peux pas savoir. Je te la rendrais bien celle-là tiens. Si j'y arrivais. Si j'arrivais à parler tiens déjà ça, ça ça serait bien.* Et flush, pourquoi ils s'arrêtaient pas ? Ça faisait mal. Il n'avait pas envie d'ouvrir les yeux. Il se souvenait pas les avoir fermés, mais ne voyait pas vraiment l'utilité de les rouvrir. Pour voir quoi de toutes façons ? Rien que le bruit suffisait à le rendre malade.

- " Hey les mecs, arrêtez. Arrêtez c'est bon, j'crois qu'il est conscient. "

Conscient, bien sûr qu'il était conscient. Comme si ça se voyait pas. Ouais, en silence et avec les yeux fermés c'était difficile. Mais même ! C'était pas juste de considérer que juste parce qu'il ne réagissait pas il ne sentait rien. Injuste ! Et puis tiens, il allait leur montrer qu'il était bien conscient. Déjà, ouvrir les yeux. Pas la peine d'applaudir non plus. C'était pas un miracle d'ouvrir les yeux. Quand on est tout bébé, à la naissance, peut être mais là nan. C'était pas assez bien, pas assez glorieux. Il fallait qu'il leur montre qu'il allait bien, qu'ils arrêtent de faire tout ce boucan. Sans prévenir il se leva d'un bond. Ça avait l'air de marcher, ils se taisaient. Les paroles reprirent, mais un ton plus bas. Bien plus bas. Il n'y avait plus que son pote pour le regarder d'un air inquiet.

Puis il vacilla, et tout recommança. Il connaissait personne ici pourtant. Enfin si, il connaissait tout le monde mais... Pas plus que ça. Ils lui avaient tous refait le portrait un jour ou l'autre, c'était un fait. Mais c'était pas le genre de souvenirs communs susceptibles de lier les gens au point qu'ils vous viennent en aide. Alors qu'ils s'inquiètent pour lui, il y avait un truc qui collait pas. Il était imbuvable, tout le temps, quand il venait ici. Ils ne le connaissaient pas à l'extérieur, au travail par exemple, ou il était gentil et serviable. Depuis quand les paumés de ce bar avaient une fonction "nounou" pour les alcooliques et les serpillières ? Pas le temps de se poser la question une fois de plus, il se rendormait déjà. Pour se réveiller longtemps après, avec des baffes pour ne pas changer. Son pote devait partir, et le barman avait l'intention d'occuper son lit, donc s'il pouvait dégager... Bon, tout était redevenu normal au moins. Il aurait voulu dormir un peu plus, mais ça se faisait pas vraiment de squatter chez des gens qui ne sont pas d'accord.

- "Ok, j'me barre. J'fiche le camp. Dors bien."

Il avait réussi à prononcer des mots et à en faire des phrases. Il arrivait même à marcher. Tout allait bien en somme. Il avait plus qu'à rentrer chez lui. Ou peut être essayer de trouver un autre bar ouvert ? Se dirigeant machinalement vers la sortie, il ne se sentit pas la force de crier pour refuser le téléphone qui lui était proposé par le propriétaire des lieux. Il n'avait personne à appeler de toutes façons. Enfin, personne qui soit réveillé en pleine nuit, et il ne réveillait pas les gens. Ou plutôt si, ça lui arrivait, mais... pas pour ça. Pas quand il était minable. Pas pour demander de l'aide. Il n'aimait pas vraiment être dépendant des autres. S'il se souvenait bien il y avait un autre bar du côté des machins là... À l'ouest en partant de l'usine, puis... Nan, il allait pas partir de l'usine. Ça faisait trop loin, il tomberait de fatigue avant. Mais il était plus très sûr du chemin à partir d'ici. Quelle idée de déménager tout le temps aussi.

Bah, il finirait bien par tomber pile ou il voulait. Les lumières étaient éteintes quand il sortit du bar, il était plus tard que prévu. Enfin, plus tard qu'il ne le pensait. Il n'avait rien prévu en venant ici. Rien à part peut être ... Il avait quand même eu la ferme intention de se saouler jusqu'à en oublier son nom. Il s'appelait Larry Neil Way, pas de problème, ça il se souvenait. Dommage. Ça devait être agréable d'être amnésique parfois. Mais en même temps, ça donnait aux gens la possibilité de vous faire croire n'importe quoi. Mauvaise idée en fait. Note : se pas se fracasser la tête à coup de batte de baseball dans le but de perdre la mémoire, ça ne marchera pas et si ça marche tout sera dix fois pire. Dans tous les cas, lumière ou pas lumière, il avait un sens de l'orientation infaillible. Suffisait de ne pas louper les deux raccourcis et ce serait bon. Si le bar était ouvert.

Ouais mais non, c'était un bar de nuit, il serait forcément ouvert. Logique.

Encore fallait-il le retrouver. Sens de l'orientation ou pas, il y avait un truc qui ne trompait pas : quand on se retrouvait face à l'ambassade russe, on était forcément perdu. Face à la mer ça marchait aussi, mais là il se trouvait devant un genre d'ambassade, et ce n'étaient pas les embruns qui l'avaient sorti de sa marche somnolente mais un genre de grincement bizarre. À bien y regarder, ça ressemblait plus à un ancien complexe d'habitation de luxe qu'à une ambassade. D'ailleurs il n'y avait pas de drapeau. En fait, il n'y avait rien. Rien à part un mur et une porte large, assez large pour laisser passer une voiture, voire une camionnette. Et quelques fenêtres aussi. Condamnées, on pouvait voir nettement la différence entre le mur et le travail malpropre de briques rouges qui avait servi à boucher les issues. Ce qui était certain, c'était qu'il n'avait jamais vu une construction comme celle-là ailleurs, et encore moins ici. En même temps, il était fort probable qu'il ne soit jamais venu ici. Le bâtiment faisait penser à un genre de maison hantée récente. Le genre dont on se dit que ça fera peut être une bonne et vraie maison hantée d'ici un siècle ou deux, mais pour le moment ça fait encore trop propre, pas assez inquiétant. Les fantômes y sont mais bah, c'est qu'un détail. Ce genre de maison-là. Il y avait peut être un fantôme dedans, mais alors un apprenti-fantôme, pas habitué au métier, pas encore capable de faire vraiment peur aux vivants.
- " Ohé, du fantôme ! T'aurais pas l'heure ?! "

*Non, Larry, ne t'en fais pas, tu n'a pas dis ça. Même toi tu n'es pas aussi bête. D'ailleurs, aucun fantôme ne te réponds, donc tout va bien. Il n'y a personne ici. Per-sonne. Et doonc, logiquement, personne ne t'a entendu. Voilà. * Personne ou pas, au vu de l'écho, il était évident que l'initiative très inspirée de Larry avait été prononcée à voix haute. Lui qui peinait à parler une dizaine de rues plus loin, voilà qu'il n'arrivait à présent plus à se taire. Il avait arrêté de marcher. En fait, il s'était arrêté devant la porte bizarre du bâtiment pas-encore-effrayant-mais-qui-peut-encore-progresser. C'était inutile, il valait mieux qu'il se barre d'ici en vitesse et qu'il rentre chez lui. Pas la peine de se re-saouler, il ne valait sans doute mieux pas risquer vraiment le coma éthylique. Mais avant, il avait envie de voir un peu mieux cette baraque. Souhait plutôt difficile à réaliser dans la mesure ou il faisait nuit. Mais selon toute probabilité il ne la retrouverait jamais alors autant jeter un oeil au moins à la porte. Quel enfant-roi capricieux avait pu construire ça, il ne prit pas vraiment la peine de se le demander. C'était vieux, il n'y avait rien d'autre à savoir. Ça avait du coûter une fortune d'habiter là.

Elle n'était pas fermée.

- "Non, je n'ai pas ouvert une porte au hasard dans la rue. Ce serait puéril et imprudent."

Dent... dent... L'écho lui signifiait pour la seconde fois de la nuit son état d'ébriété avancée. *Et si c'est le fantôme qui l'a ouverte je m'appelle Ali Baba.* Maintenant qu'il avait entrouvert la porte d'une maison hantée par caprice, la meilleure chose à faire semblait... la fuite ? Non, pas assez discret. Partir comme si de rien n'était semblait une bien meilleure idée, à ceci près qu'il avait maintenant du mal à tourner le dos à la porte.

- " J'ferais mieux de me barrer, j'vais finir par réveiller le dragon." Il ne se trouvait lui même pas très convaincu. "Teuh, qu'est-ce que je raconte encore, c'est pas un dragon puisque ça doit être un... "

Ça avait encore grincé. Le vent peut être. En tout cas, ça ne voulait rien dire. Et ce n'était pas, absolument pas une raison pour entrer. Même et surtout si la porte était ouverte. C'était pas normal qu'une porte soit ouverte de nos jours. Enfin, si, la sienne. Mais lui c'était pas pareil, il était à moitié fou. Ou pas. Bref, il n'y avait certainement pas deux personne dans la même ville pour laisser leur porte ouverte par principe, courtoisie ou fantaisie. Donc, que cette porte ne soit pas fermée à clef ne signifiait en aucun cas qu'il était invité à entrer. Même s'il faisait froid. Même s'il se sentait bête, à rester complètement ahuri sur le pallier. D'ailleurs, personne n'habitait ici à part un jeune fantôme susceptible.

- "Fantôme, pas un dragon...", marmonna-t-il tout en ouvrant un peu plus la porte.

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Iseult O'Reilly

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C'est pas encore hanté, mais patience. Vide
MessageSujet: Re: C'est pas encore hanté, mais patience. C'est pas encore hanté, mais patience. EmptyJeu 14 Juil - 10:56

« And he shall reign for ever and ever... » Ces mots résonnaient dans sa tête, et c'est tout imprégné de la fougue majestueuse du vieil Haendel qu'il embrassait les ténèbres timides de la nuit qui naissait autour de lui. Rien ne justifiait la bonne humeur de Jace : sa journée avait été, comme tant d'autres, d'une fadeur décourageante, et ni la vente de cette superbe imitation de Poussin par Kann-Hard, ni l'achat pour une bouchée de pain d'un manuscrit de Monteverdi ne lui donnèrent le sourire. Il manquait à chacune de ces transactions la fraîcheur et la nouveauté d'un événement susceptible d'égayer l'humeur du polonais dont le cœur s'ennuyait. Depuis l'étrange visite de l'étonnant mutant asiatique et l'émeute qui avait accueilli le discours du sénateur à la langue nauséabonde, le quotidien de Jace avait été d'un ennui mortel. Il avait désespéré de recevoir des nouvelles de celui qui lui avait promis de nombreuses reliques à l'image de ce superbe bijou que Jace n'avait pas souhaité partager avec ses collègues. Il l'avait conservé pour lui seul, comme un trophée, comme une preuve de ce que ce mystique manifestement très radicalement engagé politiquement l'avait contacté et invité à cette manifestation d'un genre si particulier. On aurait pu croire que le dîner qu'il s'offrit dans un de ces restaurants très chics des quartiers propres d'Aschaea suffirait à lui rendre le sourire. D'abord venaient le foie gras poêlé aux mirabelles, dont la conception relevait du génie culinaire. Puis se présentait le biscuit de homard, et sa crème de Jurançon, véritable régal pour les papilles européennes du jeune homme. Ensuite, place fut faite aux ris de veau à la maréchale suivis par le gâteau de crêpe et l'ananas rôti à la sauce chocolat. Mais rien n'y fit, et bien qu'il goûtât chaque plat avec plaisir, il quitta le restaurant à la hâte, sans prendre le temps, comme il en avait l'habitude, de féliciter personnellement le chef des cuisines.

D'où lui venait donc cet entrain, cette gaieté et cette bonne humeur qui semblait l'avoir fui durant tout le jour le jour ? Se pouvait-il qu'une rencontre imprévue, sur le chemin de son domicile, lui eût rendu le sourire ? Il n'avait croisé personne, et c'était là toute la raison de sa joie. Tout le jour, il avait été préoccupé par l'événement du soir, car cette nuit comme tant d'autres nuits improbables, il n'allait pas simplement dormir. Cette nuit, il allait faire main basse sur un objet d'une grande valeur, peut-être. Et cela provoquait en lui un tel enthousiasme qu'il s'obligeait à le cacher. En effet, il ne voulait partager avec personne cet indicible bonheur qu'éprouve le chasseur de trésor quand il reconnaît près de lui l'emplacement qu'une croix ne marquera jamais. Il avait donc affiché un air maussade toute la journée, ce qui avait éloigné les questions embarrassantes et les demandes importunes : personne ne l'avait questionné, personne ne l'avait invité à quelque vaine soirée le jour même. Il avait donc tout le loisir de se consacrer à l'activité qu'il appréciait plus que toute autre : l'exploration des bâtiments abandonnés. C'était une activité raisonnable en comparaison avec d'autres comme les sports extrêmes, le trafic de drogues ou encore le point de croix scandinave. Elle était illégale dans de nombreux pays, et à Aschaea, Jace s'était bien gardé d'en faire l'étalage en place publique, préférant garder pour lui le secret d'une activité souvent très lucrative, un peu comme ces pionniers qui, après avoir mis la main sur un filon très prolifique, emporte avec eux, dans la tombe, le secret de son emplacement.

Ce soir, sa victime était une propriété depuis longtemps abandonnée de ses propriétaires et de leurs héritiers. Envahie tant par la poussière que par les nuisibles, la demeure avait ce charme particulier des complexes résidentiels luxueux qu'un promoteur ambitieux avait conçu peu auparavant. Sans doute la bâtisse n'avait-elle pas cinquante ans, et dans l'hypothèse où elle eût été construite avant les fameuses années 1980, elle eût été du genre avant-gardiste tant la nature de ses traits la distinguait des canons architecturaux des époques antérieures. Mais peu importait les fenêtres, les portes et les balustres, l'immobilier n'intéressait pas Jace qui n'avait jamais compris l'enthousiasme des européens continentaux pour la pierre et la rente. Jamais il n'eût investi dans la propriété foncière, dont la sûreté n'était pour lui qu'un pis aller. Comme tant d'autres penseurs avant lui, il s'était fait à l'idée que la richesse ne venait pas de la propriété, mais de l'usage. Or, rien ne s'usait davantage qu'une chose mobile. Res mobilis, res vilis, disait-on, mais qu'importe ! Qu'allait-il trouver, cette fois ? Une vase de porcelaine bavaroise ? Un bronze ancien ? Une pétoire alsacienne qu'il revendrait à un prussien nostalgique ? Un Picasso oublié ou inconnu ? Les possibilités étaient si vastes qu'elles s'engouffraient dans ses yeux et les emplissaient d'une lueur d'espoir malicieux et brillant.

L'intérieur se révéla bien décevant. Il était entré sans effraction, grâce au talent qui était le sien et qui lui permettait la dématérialisation, ce qui était pratique pour pénétrer les pièces closes pourvu qu'une fente assez large ouvrit sur elles. Mains gantées, car il ne laissait rien au hasard, il avait déverrouiller la porte de l'intérieur, de sorte qu'on aurait pu croire la porte laissée ouverte par les propriétaires négligents. Celle-ci ouvrait sur un hall plutôt étroit, meublé dans le style minimaliste ou encore « Je me fais rapidement la malle » : on n'y avait laissé que ce qu'une valise ne pouvait contenir, et l'on pouvait voir aux dégradés de poussière sur les meubles et les murs la traces d'anciens bibelots et cadres grotesques que les fuyards avaient emportés avec eux. Le tapis n'était pas tout à fait au centre de la pièce, ce qui signifiait très certainement qu'on avait songé à l'emporter lui aussi, mais qu'étant donné sa taille et son poids, on avait renoncé. Quel gâchis, car ce tapis était magnifique ! Mais l'heure n'était pas à la contemplation naïve de la beauté des choses. Il s'agissait d'explorer et de dresser un état des lieux, pour mieux revenir et voler les objets de valeur dignes d'intérêt. Il reviendrait d'ailleurs peut-être lui-même, ou ferait appel à cet étrange personnage aux cheveux blonds, Lukaz, ou quelque chose dans le genre, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut.

Le hall donnait sur une salle circulaire qui avait dû servir de séjour, bien qu'elle fût en désordre et n'eût pu accueillir que le plus vorace des squatteurs : les meubles étaient renversés, les rideaux arrachés et les tapisseries calcinées. Jace ne put retenir un sourire : où était le cadavre ? Où était le fantôme ? Il rit franchement, car lui plus qu'un autre savait que la peur n'était qu'un état passager aussi infidèle que le brouillard et aussi pénible que l'humidité. Il avait effrayé tant de personnes depuis la découverte de son pouvoir qu'il avait cessé de tenir le compte scrupuleux de ses états de service. Jace fouilla ce grand salon et découvrit avec plaisir sous l'oeil lumineux de sa lampe-torche un couple de luminaires étonnamment bien conservés, considérant l'état de délabrement de la pièce. Le premier portait sur ses rondeurs une miniature de Washington dans ses habits de général, et le deuxième une miniature d'Abraham Lincoln. La signature était hollandaise, ce qui témoignait de la rareté de ces deux lampes de bureau, car peu étaient les peintres européens de la fin du XIXe siècle qui avait donné de leur talent pour figurer deux personnages de l'histoire américaine. Probablement s'agissait-il de l’œuvre d'un peintre en voyage, commandité par quelque riche bourgeois de la bonne société yankee. Comment ces deux lampes avaient-elles achevé leur course dans ce salon ravagé, là était le véritable mystère que Jace avait hâte de dissiper ! Hélas, il devrait remettre cela à plus tard, car il y avait encore fort à faire : étant donné la taille de la bâtisse, nombreuses restaient les pièces à explorer !

Mais à peine avait-il passé la grande arche qui ouvrait les murs de ce séjour qu'un bruit suspect attira son attention : quelqu'un avait touché à la porte d'entrée. Le silence était certes parfois déchiré par le grincement pénible d'une planche du parquet usé qui couvrait les étages, ou encore par le souffle froid d'une porte qui oscille sur ses gonds à la faveur d'un courant d'air. Mais nul doute n'était possible, il y avait quelqu'un à l'entrée qui manifestait son désir d'entrer. Qui était-ce ? Un cambrioleur ? C'eût été la terrible coïncidence que Jace redoutait chaque fois qu'il explorait un domicile abandonné, c'est-à-dire tomber nez-à-nez avec des voleurs peu précautionneux et vulgaires ! Il trouva refuge dans un coin bien évidemment sombre, mais s'immobilisa quand une question des plus curieuses l'interpella. Quelqu'un demandait l'heure à un fantôme, et l'écho de la question se répercuta dans toute les pièces voisines du hall d'entrée. Probablement un pochard qui passerait son chemin aussi sûrement et rapidement qu'il avait posé l’œil sur la baraque. Mais bientôt, l'écho d'une remarque étrange se propagea jusqu'à Jace, qui dressa des sourcils inquiets et surpris. Une autre phrase parvint jusqu'à lui, mais celle-ci, loin de l'inquiéter davantage, lui inspira la plus espiègle des malices. Ainsi, le visiteur impromptu était anxieux à l'idée de réveiller les morts qui gardaient ces lieux oubliés des vivants ? Jace posa sa torche sur le sol et donna un grand coup de pied dans l'une des portes à proximité, qui claqua contre le mur dans un grincement et un fracas détonnant. Il se trouva ridicule, sur l'instant, mais bientôt son enthousiasme d'enfant facétieux prit le dessus et il souhaita s'amuser avec cet étranger s'il venait à braver l'interdit et s'il pénétrait dans la maison. Revenant discrètement sur ses pas dans l'aile du séjour qu'on ne pouvait voir depuis le hall d'entrée, il s'approcha d'un miroir intact et sans valeur : il s'agissait d'un vulgaire miroir acheté probablement dans un magasin de prêt-à-installer suédois ou finlandais. À ses pieds, le miroir se brisa quand il le bouscula sans ménagement, dans un bruit si caractéristique. Jace n'était pas superstitieux et de plus, ce faisant, il créait l'atmosphère de ces lieux qui n'avaient rien de hantés mais qui, dans les yeux du pochard et sous ses doigts, le deviendraient pour son plus grand plaisir. Demeurant dans l'ombre, Jace attendit. Si l'intrus pénétrait la bâtisse jusqu'à ce grand séjour circulaire, Jace l'accueillerait à sa manière, et lui infligerait très probablement la frousse de sa vie. En effet, Jace avait quitté sa forme humaine et n'était plus qu'un nuage de brume prêt à épouser visuellement les peurs de quiconque poserait les yeux sur lui.


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