Boris à peine sorti de prison n'avait pour autant pas l'intention de se contenter de se planquer en attendant qu'un jour quelqu'un lui tombe dessus. Il devait rebâtir son organisation. Mieux encore, celle qu'il désirait fonder était plus grande et bien plus glorieuse. Le simple commerce illégal était certes lucratif mais ce n'était plus tant le seul fait d'amasser de l'argent qui l'intéressait. Les buts du Zakharine n'étaient sensiblement plus les mêmes. Et ses ambitions forcément avaient été revues à la hausse. Aujourd'hui, c'était un besoin de revanche, de punition, de domination qu'il ressentait. Les mutants étaient nés avec un "petit" quelque chose en plus, un quelque chose qui terrorisaient ces pauvres imbéciles d'humains. Ce don, ils n'en avaient rien réclamé. Ils ne l'avaient pas désiré, ne s'étaient pas battus pour l'avoir. Ça leur était juste tombé dessus sans autre explication. Et pour cela ils étaient considérés comme des parias, comme des animaux juste bons à être enfermés et étudiés, voir abattus. Pourtant, ils en étaient aussi plus puissants... n'était-ce pas un comble qu'ils soient pourchassés, que l'on en vienne à les empêcher de mener une vie plaisante, tout cela parce qu'ils étaient plus aptes à gouverner le monde que ceux-là même qui avaient peur de leurs pouvoirs ? Non mais c'était quoi ce monde où le faible règne pendant que le puissant est considéré comme un rebut à éliminer ?
Et dans tout cela, il y avait encore des mutants pour abaisser cordialement leur pantalon devant l'autorité ridicule et futile des êtres sans autre donc que celui d'être en vie, pour les laisser prendre le pas sur leurs libertés et en redemander, pour simplement essayer encore de coexister avec ceux-là même qui cherchent à les faire disparaître. Études, recherches, expériences; puçage, contrôle des naissances, fichés et suivis pour le restant de leur existence. Assez incroyable pour lui que certains possédant la force de s'opposer à tout cela se contentent de laisser faire, voir même l'encourage si tant est qu'on leur accorde une bonne place dans la hiérarchie de cette société souillée. De quoi avoir de sérieuses envies de vomir, ça ne faisait pas un pli pour le russe !
Toujours était-il que seul, il ne pouvait rien. À l'heure actuelle, c'était des alliés dont il avait besoin. Et forcément, c'est vers la famille que le nouvel évadé comptait se tourner en premier lieu. Il savait sa précieuse fille attachée à lui et à sa cause, tandis que son aîné lui semblait seulement désirer mener une vie paisible, s'insérer dans cette société humaine que son père exécrait tant. Boris n'avait pas encore pris la peine de le revoir depuis sa sortie de prison mouvementée, mais ça ne saurait certainement tarder. Mieux valait prendre un peu le temps... D'autant que sa récente entrevue avec sa soeur Stasie n'avait rien donné de concluant. Un jour peut-être comprendrait-il le point de vue de son paternel, et en viendrait même à l'adopter. D'ici là, il fallait que Boris tourne ses objectifs sur d'autres personnes... Il lui restait encore un enfant. Piotr... Ils ne s'étaient jamais rencontrés, et le chef de famille n'avait pu recevoir que quelques brèves informations à son sujet. Il paraissait que tout comme Nikita, il ressemblait à sa mère. Une tête blonde, encore. Par contre, il semblerait qu'il ait également hérité d'un peu de son père, en bénéficiant de certains pouvoirs jugés comme contre nature. En bref, un mutant lui aussi, le gène se transmettant particulièrement bien apparemment. La base de son pouvoir, d'après ce qu'il en avait entendu, tournait autour de la glace... Quoi de mieux pour un natif de la Sibérie centrale, perdue au milieu du froid ? Là où lui-même ainsi que ses deux héritiers mâles avaient vu le jour.
Une autre information le concernant était que lui aussi avait préféré tenter de mener une vie normale. De bien piètre qualité à son goût... Garagiste, voilà là toute l'ambition dont semblait être équipé son dernier né. Garagiste... les mains pleines de cambouis en trifouillant moteurs et autres pièces de mécaniques. Désespérant ! Ils devaient tenir ça de leur mère... Quel gâchis ! Comment un père pouvait-il tolérer voir ses enfants posséder de pareils dons et ne même pas s'en servir ? C'était assez inconcevable... Si ils avaient ces pouvoirs, c'était bien pour les mettre à contribution. Si par la naissance ils avaient reçu un tel cadeau, c'était qu'ils en avaient besoin pour accomplir les desseins d'une volonté supérieure, non ? Que l'on croie en Dieu ou non, il était simple de se dire que ce n'était pas pour rien en tout cas. Et Boris avait beau réfléchir, la création et manipulation de la glace n'avait strictement rien à voir avec la mécanique automobile... Rien de rien ! Perte de temps la plus totale.
S'il fallait se passer des soins dont Nikita était capable, Boris était décidé à ce qu'au moins Piotr se montre bien plus utile. Mais pour cela il fallait avant tout retrouver sa trace. Et aux dernières nouvelles, c'était ici qu'il avait travaillé. Dans ce modeste garage. C'est ici qu'il avait donné de sa sueur pour gagner bien modestement sa vie. Cependant, le Zakharine ne pouvait y aller franchement. Son signalement était encore récent, et les informations télévisées n'avaient pas manquées de montrer son visage tout en parlant de son évasion qualifiée de spectaculaire. L'homme était à présent recherché, et il ne fallait pas commettre d'autres erreurs... Son chauffeur s'occuperait donc de recueillir quelques informations... Il était malin, du moins assez que pour respecter les ordres et consignes du Russe. Il devait parler de Piotr en en parlant comme un ami dont il n'avait plus de nouvelles depuis un moment, et ce au détour d'une demande sur la révision du jeu de freins de la classieuse berline de son patron. Jouer le mec inquiet mais sans être trop pressant, et essayer ainsi de récolter la moindre information sans trop alerter la vigilance des personnes à qui il pourrait s'adresser. Une petite enquête de routine afin de déceler un début de piste...
Et Boris pendant ce temps là ? Et bien, il ne désirait pas rester simplement dans son appartement miteux à attendre les nouvelles, aussi s'était-il déplacé également. Par contre, il ne s'était pas permis de s'exposer en allant lui-même poser les questions, restant alors devant le garage à attendre sagement. Simplement vêtu d'un jeans troué et d'une chemise à carreaux bleue ouverte sur un débardeur blanc, c'était largement suffisant en cette saison. En vérité il aurait même apprécié de laisser tomber la chemise, mais cela exposerait alors ses tatouages, ce qui rendrait sa reconnaissance plus aisée. Son chapeau de feutre anthracite incliné sur sa tête lui offrait un peu d'ombre et d'anonymat, alors qu'il s'était accroupi dos à la bâtisse, visage tourné vers le sol. Exposé sans l'être vraiment, qui pouvait bien s'attendre à voir là un dangereux évadé ? Personne, et c'était bien pour cela que même s'il gardait de précieuses précautions, il ne craignait pas vraiment d'être repéré et arrêté. Néanmoins, il n'en gardait pas moins son habitude de faire jouer des pièces entre ses doigts, ce qui dans ses mains s'avéraient être des armes efficaces. Quatre d'entre elles dans sa main gauche, qu'il faisait adroitement passer l'une au dessus de l'autre de diverses manières, tout comme certains joueurs de poker pouvaient en faire étalage autour d'une table de jeu avec quelques jetons. Boris était pour cela plus doué que la plupart, sa dextérité étant l'une de ses fiertés.
Tout aurait pu se passer simplement. Il aurait pu rester là à jouer calmement avec ses pièces jusqu'à ce que son chauffeur sorte et qu'ils repartent, sans qu'aucun souci ne se profile. Et peut-être même avoir la chance d'avoir des nouvelles de son fils, d'avoir une piste permettant de le retracer. Mais ce ne serait pas aussi simple... Un simple bruit l'averti... Ce n'est peut-être rien mais mieux vaut se méfier. Un bruit de pas, dans sa direction. À l'oreille il le détermine comme celui d'une femme, mais il peut toujours se tromper... Aussi se permet-il alors de redresser un peu la tête pour en avoir le coeur net. Impossible que d'aussi jolies jambes appartiennent à un homme, voilà une chose qui était claire et nette. De quoi le rassurer et lui donner raison, même s'il n'a pu qu'admirer la partie inférieure sans pouvoir en juger du reste, des hanches aux talons. Et ce qu'il peut voir l'en ferait presque baver. Presque... Certes, cela aurait pu paraître excessif comme réaction, mais il ne fallait pas oublier que le Zakharine avait été abstinent durant ces dernières dix-neuf longues années au cours desquelles il était au pénitencier. De quoi facilement lui échauffer les sens...
Toutefois, dans sa délicate situation actuelle, il aurait préféré ne pas avoir à faire cette rencontre. Il ne devait en aucun cas oublier qui il était et ce qu'il venait de faire quelques jours plus tôt... Une évasion remarquée dont la nouvelle avait été diffusée dans la presse... Et donc, plutôt que l'aborder comme il aurait pu le faire en temps normal, il devait ici se limiter à faire profil bas et prier pour qu'elle rentre dans la bâtisse sans s'arrêter auprès de lui. Pas de chance, ce ne fut pas le cas. La pauvre s'était perdue, et ne faisait que demander son chemin... Un moment d'hésitation en son esprit, mais déjà ses lèvres bougent et prononcent d'un ton peu amical une tirade faite pour ne pas lui donner envie de prolonger la discussion...
Y'a six milliards d'hommes sur cette planète. Pourquoi vous adresser à moi ?
Très peu courtois en effet... Et déjà il regrette ! Le mutant pousse alors un soupir, plein de lassitude. Non pas de devoir lui répondre, plutôt du fait de s'en vouloir de s'être montré si peu aimable. Voilà alors que contre toute règle de discrétion il se relève lentement. En bon gentleman il ôte même son chapeau de sa main droite avant d'aller le poser contre son torse et de s'incliner légèrement, bien que de manière suffisante à ce que sa brune chevelure lui repasse devant le visage. Un rideau improvisé qui devrait pouvoir éviter qu'il ne soit que trop facilement reconnaissable, même si ce ne serait clairement pas suffisant si son esprit avait bien imprimé cette tête... Mais bon, même son couvre-chef ne serait pas assez que pour le camoufler à présent qu'il s'était levé, alors à quoi bon ? Sans compter le fait que son accent russe, aussi léger soit-il, n'était qu'un indice de plus permettant de découvrir sa véritable identité... Autant s'assurer alors de laisser un souvenir positif à cette brunette perdue.
Désolé pour ça... Cette chaleur doit perturber mes esprits et j'en perd mes bonnes manières... Bien trop longtemps que j'poireaute là, et le Soleil a eu largement l'temps de m'taper sur le système. 'voulez bien m'en excuser ?
Quelle autre excuse pertinente aurait-il pu se trouver ? Son chapeau vient retrouver sa place sur son crâne, quoi que plus incliné qu'auparavant. De quoi lui permettre de mieux cacher son regard, non seulement point de vue identification mais également car cela lui permettait de jeter un oeil sur la partie supérieure de l'anatomie de cette belle inconnue. Et belle, elle l'était, bien que brune alors que Boris avait toujours craqué plutôt sur les blondes. Mais il n'allait certainement pas faire son difficile. Enfin... Non ! Il ne fallait pas qu'il pense à ça ! Le Russe n'était pas là pour draguer ou se faire des connaissances, que du contraire. Il devait chasser de son esprit cette possibilité, étouffer sa libido, tout simplement. Chose ô combien difficile pour un homme tel que lui... Non, il devait plutôt s'assurer qu'elle ne l'ait pas reconnu. Qu'elle ne regardait pas les infos ou bien qu'elle n'avait pas fait le rapprochement.
Laissez moi m'présenter : je m'appelle Nikolaï ! Je n'suis qu'un touriste de passage, dont la guimbarde a failli rendre l'âme sur la route de Vegas. J'suis pas du coin mais dites toujours, avec un peu d'chance j'pourrais p't'être vous aidez à vous y r'trouver, m'dame !
Nikolaï... Son véritable deuxième prénom, qu'il avait établi comme nom à utiliser par ses employés en cas de présence d'inconnus, comme c'était le cas présentement. Ainsi, s'il advenait que son chauffeur ressorte alors qu'il s'adressait toujours à cette jeune femme, il n'y aurait au moins pas d'impair sur son identité d'emprunt. Le sourire qui flotte sur son visage est aimable, et charmeur presque malgré lui. Comme s'il ne pouvait tout bonnement pas s'en empêcher...
Dans sa poitrine, elle sentait pulser son cœur. Son poult tambourinait à un rythme effréné, un martellement continu qui allait finir par lui donner le tournis. En elle, une colère grandissante, une profonde frustration liée à un échec cuisant. Comme le soldat au cœur vaillant prêt à se battre jusqu’au bout pour voir sa cause triompher, la sensation déconcertante de l’échec lorsque le parti adverse l’emporte, lorsqu’on l’on s’aperçoit que les efforts ont été vains, que l’on a lutté pour rien. Les mains tremblantes, les dents serrées, son regard resta figé sur les paupières déjà recouvertes par le voile de la mort de la petite fille étendue sur la table. Elle avait gardé sa beauté juvénile innocente d’enfant en bas âge. Elle s’appelait Elisa. Elle avait huit ans. Et malgré tous ses efforts, Amaryllis n’avait pas été en mesure de lui sauver la vie, de lui accorder encore un peu de temps pour passer de l’état de simple bourgeon à celui de fleur qui éclos. La respiration de la chirurgienne se fit altérée. Etrangère aux bruits de ses collègues qui s’affairaient ici et là autour d’elle, elle se rendait compte à quel point la sensation qui la tenaillait était désagréable. Un nœud au creux du ventre, l’envie brutale et saisissante de pleurer et de hurler en même temps. Jamais elle ne s’y habituerait. Et pourtant, malheureusement, ce n’était pas la première fois.
« Mademoiselle Rowsburry … Amaryllis … Il faut que- » s’était aventuré à bredouiller l’une de ses collègue en pressant de ses doigts son épaule. Elle ne lui avait pas laissé le temps de terminer, la coupant dans son élan. Elle savait ce qu’il y avait à faire. « Je sais. Ca va. » un ton sec, un vague sourire forcé. Elle avait comprit le message. Ce n’était pas le moment.
Le visage de l’enfant venait d’être recouvert. On l’apprêtait. La jeune femme quitta le bloc opératoire pour aller se changer, ôter le sang qu’elle avait sur les mains et sur sa blouse. Le savon moussait sur ses grandes mains albâtres qui se frottaient l’une contre l’autre de manière frénétique. Les yeux abaissés, incapable de regarder son reflet dans le miroir accroché au mur, elle pensait déjà à l’instant pire encore qui allait suivre. Perdre un patient était une chose difficile, plus encore lorsqu’il s’agissait d’un enfant. Mais le plus dur était de l’annoncer aux parents qui, ayant patienté pendant des heures, n’attendaient qu’un espoir. Qu’aurait-elle ressentit si, un beau jour, on était venu lui annoncer que son fils était mort ? Elle ne préférait même pas imaginer. Elle aurait haït la personne qui le lui aurait annoncé. Elle aurait voulu tuer quiconque aurait pu avoir une quelconque responsabilité. Pensant pendant une fraction de seconde à déléguer cette tâche qu’elle n’avait pas envie d’accomplir, murée dans le silence alors qu’elle passait sa blouse blanche, elle chassa bien vite cette idée de son esprit. La fuite n’était pas une solution. L’irrespect non plus en la circonstance.
En traversant le long corridor qui menait jusqu’à la salle d’attente, la jeune femme se répéta quelques phrases à dire, sachant pertinemment que sur le coup, son discours ne sortirait pas tel qu’elle l’avait préalablement préparé. Les parents de la petites se levèrent aussitôt dès qu’elle arriva dans leur champ de vision, alors que le père lui demandait déjà comment cela s’était passé, la mère elle, la dévisagea en silence pendant quelques secondes avant de fondre en larmes dans les bras de son compagnon. Elle avait comprit. Elle n’avait pas eut besoin de dire quoique ce soit, l’expression de son visage, pourtant toujours si lumineuse, avait semblé parler à sa place. L’homme avait finit par réaliser à son tour. Une scène d’un tel tragique s’en était suivit qu’elle avait peiné à garder de sa contenance.
« Je … Je suis désolée. Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Nous n’avons pas pu … » avait-elle murmuré certainement pour la convenance, sans être en mesure de terminer ce discours tout fait que déblatéraient la plupart des médecins dans ce genre de situations. La mère l’avait insultée entre deux sanglots de douleur. Elle avait préféré ne pas comprendre, laissant les deux parents en deuil entre les mains des infirmières, disparaissant sans demander son reste dans l’embrasure d’une porte au hasard, marchant au gré de son envie d’un pas rapide sans se fixer de but précis. Un couloir, puis un autre. Une porte de secours, un échappatoire, une bouffée d’air.
Zone industrielle, aux alentours de 18h.
Ressentant plus que jamais les effluves de cette journée chaotique, au volant du pot de yaourt qui lui servait - à l’occasion - de voiture, Amaryllis s’apercevait avec effarement que la route sur laquelle elle roulait lui était vaguement familière. Sans doutes n’était-ce pas la première fois depuis le début de la soirée qu’elle l’empruntait. Peu concentrée, pensant à beaucoup de choses sauf à l’endroit où elle se dirigeait, ce n’est que lorsqu’elle s’arrêta au feu rouge qui bordait un carrefour qu’elle réalisa l’évidence : elle tournait en rond depuis une bonne demie heure. Perdue ? Certainement pas. Egarée ? Jamais voyons. Comment cela avait-il pu lui arriver ? En réalité, cela n’avait rien de surprenant. Un sens de l’orientation dérisoire, une capacité à se perdre désespérante, rajoutez à cela une tendance exaspérante à être étourdie (en dehors de son métier bien sur). Un cocktail délicieux qui, à l’heure actuelle, avait pour elle un goût abjecte. Les deux bras posés sur son volant, penchée en avant pour tenter de lire les indications sur les panneaux de signalisation à demi effacés une dizaine de mètres plus loin, elle finit par jeter un regard circulaire autour d’elle. Des bâtiments en tôle qui s’entassaient ici et là. Des véhicules de chantier et de transport de marchandises. Oui, elle s’était perdue dans la zone industrielle. Véritable labyrinthe si l’on considérait qu’une route sur deux était une impasse. S’aventurant alors avec son bolide dans une rue au hasard en quête d’une âme bienveillante qui serait susceptible de la remettre sur le droit chemin, elle ne croisa personne, pas même un vieillard sortant d’un bar miteux, ou des teenagers en quête de frisson dans une ruelle sombre et humide.
Sa voiture venait de toussoter, probablement sujette à de l‘arthrite. Il ne manquait plus qu’elle lâche et ce serait l’apothéose. La priant de tenir le coup au moins le temps qu’elle soit à proximité de chez elle, en terre conquise, elle relâcha sensiblement l’accélérateur. Cet endroit ne lui disait strictement rien, elle n’avait jusqu’alors pas eut l’occasion de le ‘visiter’. Habitant à Achaea depuis quelques mois à peine, faire le tour de tous les pâtés de maisons et de toutes les zones industrielles n’avait pas été son centre de priorité. Elle s’était rapidement confortée dans des habitudes rituelles, sans jouer les exploratrices. Mais quoiqu’il en soit, jouant le tout pour le tout en bifurquant à droite, c’est alors qu’un autre toussotement de fit entendre, ponctué d’un à-coup violent qui se conclut par … L’arrêt brutal du véhicule. Du capot avant, une fine nuée noirâtre s’extirpait. Cette voiture était un déchet, une véritable poubelle ambulante. Elle pouvait s’estimer heureuse qu’elle ne l’ai pas lâché bien avant.
« Non … Non … C’est pas vrai … Pourquoi aujourd’hui ? » maugréa la jeune femme en posant son front sur le volant. « Soit. » fut le seul mot qu’elle prononça avant de retrousser ses manches, de claquer la portière, et d’aller vers la nuée dont l’odeur était âcre et désagréable.
S’improvisant mécanicienne, trouvant plus de complexité dans un moteur de voiture que dans un corps humain au final, elle tira sur un câble au hasard, se disant qu’au point où elle en était, cela ne pouvait pas être pire. Et malheureusement, ce fut le cas. Un geyser d’huile venait de jaillir d’on ne sait où, l’obligeant à se reculer brusquement pour éviter de se faire parfumer à l’huile de moteur. Les mains noires de cambouis, la mine déconfite, il lui fallut se rendre à l’évidence : marcher serait sans doutes la meilleure solution. Heureusement qu’elle n’avait aucune obligation importante ce soir là, et que son fils dormait chez l’un de ses camarades de classe. Toute cette histoire risquait de l’accaparer un certains temps. Sa résolution fut alors la suivante : d’abord, ôter le noir qu’elle avait sur les mains, ensuite, marcher jusqu’à rencontrer une âme charitable qui accepterait, soit, de la conduire jusqu’au garage le plus proche, soit, au mieux, de s’improviser garagiste. Et si elle ne trouvait ni l’un ni l’autre, elle se rabattrait sur l’auto-stop.
Garage, aux alentours de 18h40.
Une marche sportive d’une bonne vingtaine de minutes, une vieille dame sur son passage qui, avec un air aigris, lui avait dit nonchalamment que si elle continuait la route tout droit, elle trouverait ce qu’elle cherchait, Amaryllis pensait avoir trouvé son lieu de prédilection. Sensiblement essoufflée, les pieds endoloris, elle avait eut envie d’ôter ses chaussures à talons pour marcher pieds nus mais avait préféré éviter en voyant l’état de la route. Son regard se posa en premier lieu sur la devanture d’une grande bâtisse, redescendant peu à peu jusqu’à se poser sur une silhouette singulière, patientant devant le garage. D’un pas feutré la jeune femme s’avança. Seconde personne qu’elle croisait depuis une poignée d’heures, une allure qui avait attiré son regard sur le coup, il était également la seule âme qui vive présente à l’extérieur du garage. De quoi la pousser à lui demander sa route. Dire qu’elle ne savait même pas dans quelle partie de la ville elle avait atterrit.
« Excusez moi … Monsieur ? » l’interpella-t-elle d’une voix calme, malgré les tourments qui la tenaillaient depuis le début de la journée. Inutile de laisser transparaître sa lassitude, voir même, son agacement, cela ne lui apporterait rien. « Y’a six milliards d’hommes sur cette planète. Pourquoi vous adresser à moi ? » … Mais, apparemment, tout le monde ne raisonnait pas comme elle.
Elle prit une inspiration, déglutissant doucement. Deux options s’offraient à présent à elle. Soit ignorer son manque de courtoisie, sa mauvaise humeur et lui poser sa question tout de même. Soit … S’énerver, laisser déferler sa colère sur lui, le premier passant venu. Elle n’aurait pas son renseignement certes, mais au moins se sentirait-elle peut-être mieux ensuite. Elle y songea quelques instants, finit par choisir la première option qui lui ressemblait davantage. Pour autant, elle ne voulait pas se laisser éconduire de la sorte par un individus qui n’avait même pas la décence de la regarder dans les yeux lorsqu’il s’adressait à elle, et qui préférait se terrer sous son chapeau.
« Et bien disons que c’est votre … Charme apparent peut-être ou … La jovialité qui s’émane de votre personne. » Une touche d’humour cynique qu’elle enraya rapidement, lui prouvant par son retour au sérieux qu’elle n’avait pas tellement envie de chercher des noises à quiconque en cet instant. « Non, en réalité, vous êtes la première personne que je croise depuis … » Silence. Son poignet tâché ici et là de cambouis qui avait subsisté s’éleva, elle jeta un coup d’œil sur sa montre. « Depuis longtemps. » conclut-elle en posant son revers de main sur son front dans un geste furtif.
Amaryllis ne s’attendait pas au changement de comportement qui s’en suivit de la part de l’homme qui lui faisait face. Elle se permit de le détailler, de tenter de discerner ses traits derrière le rideau que formait ses cheveux. A croire qu’il tentait de se camoufler à son regard. Ou alors était-il ainsi par habitude. Elle en doutait cependant. En d’autres circonstances, peut-être son visage lui aurait-il apparut comme familier, aurait fait naître en elle un sentiment troublant de déjà vu. Mais cette journée l’avait abattue, ternissant son jugement, son discernement, et son sens de l’observation. Il aurait pu être un dangereux criminel en cavale, ou bien une célébrité, elle n’aurait reconnu ni l’un ni l’autre, peu attentive à cela en général. Surtout en ce jour. Une peau ambrée, une allure presque bohême mais qui pour autant semblait lui correspondre à la perfection. Elle imaginait ses yeux qu’elle n’avait vu que furtivement couleur corbeau. Un accent facile à distinguer, il devait venir d’un pays de l’est. Russie peut-être ? Ou bien Allemagne.
« Ne vous en faites pas. Ce n’est pas grave. »
Parlait-il avec sincérité ou non ? Le doute planait en elle. Elle avait côtoyé des hommes bien plus transparents qu’il ne l’était lui. Enfin, il apparaissait comme bien plus aimable qu’au premier abord, et même si cette manie qu’il avait de la regarder partout sauf dans les yeux l’agaçait, à ses yeux, c’était l’essentiel. Elle n’avait besoin que d’un renseignement, elle ne s’éterniserait pas à ses côtés. Pas longtemps en tout cas.
« Oh … Amaryllis. Ravie de vous rencontrer … Nikolaï. » lui répondit-elle en lui tendant sa main, mais, réalisant que cette dernière n’était pas des plus clean à cause de ses expériences en tant de garagiste, elle se ravisa, refermant ses doigts avec un sourire contrit. « Je ne vous sers pas la main … Je suis comme qui dirait … Parfumée à l’huile de moteur. » Un nouveau sourire joviale, une bienveillance apparente comme on en voyait peu et qui avait toujours fait partie de sa personnalité, la jeune femme jeta un coup d’œil par-dessus l’épaule de son interlocuteur, puis se permit de retourner à son visage avec insistance. « Heum, en réalité, j‘aimerais savoir … Où je suis. Proche de quel quartier je veux dire. Toutes ces rues sinueuses et tentaculaires, impossible d‘avoir un seul moment d‘inattention. » lui confia-t-elle en espérant qu‘il pourrait la renseigner. Au pire, elle irait demander au garagiste, ce n‘était pas un problème. « C’est une manie que vous avez de vous … Camoufler derrière vos cheveux ? » lui demanda-t-elle alors contre toute attente, après un silence, avec audace et innocence mêlées, tout en se disant après coup qu’elle aurait peut-être mieux fait de se taire. Mais bon, on ne la changerait jamais. Toujours à parler trop. « Non, excusez moi. Cette remarque était assez déplacée. Je parle trop. Ou trop vite plutôt. » se rattrapa -t-elle tant bien que mal.
Spoiler:
Excuse moi pour le retard, je ne suis pas si lente normalement. Je n'ai pas l'impression d'avoir tellement 'relancé'. J'essaierai de te simplifier davantage la tâche au prochain.
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Invité
Sujet: Re: Recherche & rencontre Jeu 11 Aoû - 5:03
La riposte ne tarda pas. Son manque de tact n'avait pas manqué d'être moqué par cette femme qui se montrait déjà capable d'une répartie non sans intérêt. Une certaine classe que l'on ne peut pas lui nier, de plus... Et ce malgré cette fatigue, cette lassitude qui pouvait transparaître de son comportement. Malgré tout, la belle brune accepte aisément ses excuses, se montrant là plutôt cordiale et amicale. De quoi lui faire peu à peu abandonner l'idée qu'elle puisse lui causer du tort, ou bien alors c'était là une formidable comédienne ! Boris se sentit un peu gêné lorsqu'elle lui tendit la main, toujours hésitant en ce qui concernait les contacts physiques avec des inconnus... On ne pouvait jamais vraiment savoir sur qui l'on tombait. Mais le geste fut ravisé lorsque la femme se rendit compte que sa main était maculée de cambouis. De toute évidence, contrairement à lui elle avait réellement eu une panne de voiture, expliquant sa présence ici. Elle en avait profité pour lui révéler son prénom, qu'il répéta comme pour ne pas l'oublier.
Amaryllis... Enchanté ! C'est joli et peu commun, si j'peux me permettre.
Il ne fit aucun commentaire sur le parfum qu'elle prétendait avoir, car pour lui une belle femme sentait toujours bon, et ouais ! S'il devait avoir un talon d'Achille particulièrement notable, la gente féminine se trouverait sans doute en première position, surtout après une si longue période d'abstinence... Soit, ce n'est vraiment pas le moment de penser à ça, même si elle arborait là un sourire charmant !
Vous êtes en plein coeur de la zone industrielle, mais ça, j'suppose que vous vous en doutiez déjà ! Dans les environs, vous devriez pas trouver grand chose d'autre que les bas quartiers. Les gens qui ont les poches pleines aiment pas trop ce genre de paysage !
Un sourire bienveillant, comme si son explication pouvait lui permettre de retrouver son chemin... Trop lacunaire, évidemment...
Pour le reste... j'suis pas trop du coin, donc j'aurais du mal à vous en dire beaucoup plus ! Si c'n'est que peut-être... En passant par là-bas, j'ai aperçu la centrale nucléaire, à environ une ou deux minutes de route. J'sais pas si ça peut vous aider...
Tout en parlant il indiquait la direction approximative de la main. Cela non plus, ça ne devrait pas être d'une aide immense... Après quoi le Zakharine souleva une nouvelle fois son chapeau, se passant alors une main dans les cheveux pour les plaquer vers l'arrière, reposant ensuite son couvre-chef en place. Cette fois-ci cependant, il ne le pencha pas trop sur son crâne, laissant alors voir un peu plus son visage même si ses yeux restaient vaguement dans l'ombre. Ses yeux cherchèrent alors à croiser ceux d'Amaryllis, plus franc, ne la voyant déjà plus comme une menace.
Voi-là ! Cela vous convient mieux ainsi ? Ce n'est pas vraiment une habitude de me cacher sous ma tignasse, mais ça a le mérite de faire de l'ombre, j'avoue. Vous n'avez pas à vous excuser, y a pas de mal, c'était pas très courtois d'ma part une nouvelle fois que d'me camoufler ainsi... C'est plutôt à moi d'présenter de nouvelles excuses, je crois, mais bon, si on commence comme ça, on n'en finira jamais !
Un rire bref, pas du tout déstabilisé par ce changement de sujet soudain qu'elle avait réalisé. Si elle avait la puce à l'oreille et qu'elle souhaitait juste mieux le voir pour avoir le coeur net, il en aurait ressenti une certaine gêne, une tension chez elle, ce qui n'était pas le cas. C'était peut-être trop présumer de son intelligence et de ses capacités à camoufler certains sentiments, mais il ne la croyait pas calculatrice. Oh et puis, baste la paranoïa, hein ? Il adviendrait ce qui devrait être, et puis voilà tout, fini de se méfier pour rien.
D'après c'que j'ai compris, vous avez vous aussi eu des problèmes de voiture... Vous avez au moins la chance d'être tombée au bon endroit pour ça !
Comme si le destin avait lui-même décidé d'appuyer ses propos, une berline sombre aux vitres teintées sorti du garage et vint s'arrêter à quelques mètres d'eux... Leon avait au moins la présence d'esprit de ne pas sortir de la voiture, mais s'était au moins signalé de cette manière, assez proche pour que Boris prenne la fuite si cela était nécessaire.
Hum ! On dirait bien que mon carrosse est avancé ! Vous devriez leur demander les services de leur dépanneuse. Et puis, j'doute pas qu'ils pourront mieux vous renseigner que moi sur le chemin à prendre. Désolé de n'avoir pu vous aider plus, Amaryllis...
Le mutant incline de peu la tête, le geste accompagnant la parole pour lui présenter ses excuses à ce propos. Vrai qu'il n'avait pas été d'une grande aide pour cette pauvre jeune femme. Pas que ça le chagrinait vraiment, Boris n'avait pas l'âme du bon samaritain. Mais bon, il pouvait au moins faire semblant de se montrer affecté par le faible secours dont il avait fait preuve. Lui souhaitant chance et courage ainsi qu'une bonne soirée, il effectua les quelques pas le séparant de sa voiture, posant la main sur la poignée de la portière arrière... et s'arrêtant là dans son mouvement. Est-ce qu'il avait vraiment envie de la planter là, et puis c'est tout, fin de l'histoire ? Pas vraiment...
Hum, j'y pense... Vu l'heure qu'il est, vous récupérerez pas votre voiture tout d'suite, j'pense. Il vous faudra bien un taxi... ça me ferait plaisir de vous rendre ce service et de vous raccompagner, histoire de rattraper un peu mon manque de courtoisie et d'utilité dans vos peines. Allez leur indiquer où leur dépanneuse pourra trouver votre caisse, et puis je vous conduis chez vous ! Et surtout, j'veux pas entendre de refus, faites pas la timide, on ne refuse pas une main tendue !
Affable, il s'était retourné vers elle pour faire cette proposition. Pourtant, il n'avait pas d'idées derrière la tête, autre du moins que de passer un peu plus de temps avec Amaryllis... Pour vrai ?
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Recherche & rencontre
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