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L'Humour du Destin.

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L'Humour du Destin. Vide
MessageSujet: L'Humour du Destin. L'Humour du Destin. EmptySam 6 Aoû - 4:20



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Le risque. Jusqu'à ce jour, je l'avais évité comme une plaie de l'ancienne Égypte. Prendre un risque et faire un faux pas m'amènerait indubitablement à subir un torrent d'ennuis qui s'achèverait par ma mort, ma capture, ou plus simplement, mon recensement. Une fois recensé, je pourrais plier bagage et me ranger, aucune conduite délictueuse ne me serait permise, et à la moindre incartade, je pourrirais dans la prison d'Achaea, condamné à regarder depuis des fenêtres flanquées de barreaux la guerre éclater sans moi. Inconcevable. Néanmoins, il était inimaginable de prendre de l'ampleur sans me mouiller, et si je craignais le risque je n'allais pas le fuir indéfiniment. Quelques jours plus tôt, j'avais découvert quelque chose sur le mutant de la rue du Père Hanssel. Au poste de police, j'étais tombé sur une affiche représentant un homme dont le faciès ne m'était pas inconnu, et dont les crimes reflétaient ceux de celui que je recherchais. Faire le lien avec les photos dans les journaux et les flash d'informations télévisées ne m'avait pas pris longtemps. La période du début de la série d'explosions semblait correspondre. Il ne me restait plus qu'à m'assurer du lien entre elles et l'évadé.

Boris Zakharine. Tel était le nom de mon homme. Évadé de la prison d'Achaea, pourtant réputée pour son système anti-mutant, condamné à mort pour meurtre dix-neuf ans plus tôt, réputé pour ses explosions meurtrières. Nombre d'événements outre celui de la rue du Père Hanssel semblaient le rattacher à des explosions du genre, mais je doutais qu'il soit à l'origine de tous. J'en savais déjà assez sur lui pour savoir que j'en aurais grandement dans le futur, mais pas assez pour le trouver ou savoir exactement à qui j'avais affaire. Si je faisais usage de mon don sur lui, je devais être assuré des souvenirs que je lui implanterais. Dans le cas contraire, la situation pourrait me péter à la gueule, littéralement, qui plus était. Cependant, je connaissais la consigne des autorités pour ce genre de cas. Ne dévoiler que le strict minimum. Les raisons étaient multiples. D'abord, pour ne pas que les proches de l'homme soient pris pour cible par des victimes en quête de vengeance. Ensuite pour s'assurer que personne n'irait inconsidérément à la chasse au meurtrier. Enfin, pour se faire mousser. En savoir plus que le reste du monde était une sensation agréable, et j'en savais quelque chose.

La solution était claire. Pour savoir ce que savaient les autorités, je devais en devenir une. Et s'il y avait bien une autorité qui disposait de toutes les informations nécessaires quant à ce mutant, c'était les flics. Le plan avait été lancé le samedi trente juillet. Le commissariat central était ma cible, je m'y rendis donc en quête d'informations préliminaires. Un tour d'horizon, en quelque sorte. Dans l'optique de porter plainte contre un agresseur fictif, je fis traîner les procédures des heures durant, prétextant le choc de la rencontre, jouant à la perfection un homme qui avait beaucoup de mal à se remettre de ses émotions. Assis dans le hall du commissariat, je photographiais mentalement les visages, notais dans un calepin tout segment de phrase ayant une quelconque valeur, et faisais mon possible pour être en contact avec chaque homme présent. Finalement, une description approximative donnée, dans laquelle cinquante pour cent de la population masculine se reconnaîtrait, une signature faite, je sortais, la tête pleine de visages et de caractères. Le soir, je ne dormis pas, trop occupé à mémoriser chaque détail de ma mémoire et de mon calepin. Je passais le dimanche à répéter, en attendant le lundi, où quand tous les commerces ouvriraient, je pourrais passer à la deuxième phase.

Devenir méconnaissable. D'abord pour ne pas qu'on m'identifie au premier coup d'œil après mon passage. Ensuite, pour ne pas être reconnu ultérieurement. Si je devais me faire passer pour un flic, je ne voulais pas prendre le risque d'être reconnu par mes « collègues ». Le lundi, j'ouvris un autre calepin, celui de mes observations quotidiennes. Il contenait entre autres choses des adresses intéressantes, des particularités notables telle que « a pour femme Sandy », ou « va pêcher tous les week-ends au Green Lake ». Des discussions pêchées au comptoir d'un bar, ou à une caisse de supermarché. Tout ce qui avait de la valeur était consigné dans ce calepin. Et l'information avait plus de valeur que l'or. Mes pas m'amenèrent dans un salon de coiffure. Le blond était une couleur bien trop voyante, et je pris soin de gommer cette caractéristique physique. Si les personnes qui s'occupèrent de moi trouvèrent étrange que je leur demande d'appliquer une couleur sur mes sourcils également, ils n'en dirent rien. Quand je sortis du salon, j'étais d'un brun sombre. Inutile de diminuer la longueur de mes cheveux, tous les flics n'étaient pas skinheads.

Le mardi, ce fut au tour de mes yeux. Là aussi, leur particularité rendait obligatoire une certaine discrétion. Je savais que ce genre de fantaisie coûtait cher, et je n'y entendais rien. Je savais seulement que certaines couleur de lentilles allaient, pour donner une couleur définie, avec certains yeux, et pas d'autres. Dans mon cas, la donne se compliquait. Mes yeux étaient différents l'un de l'autre. L'un bleu, l'autre d'un noir intense à cause de la dilatation de ma pupille. L'adresse notée dans mon calepin m'amena dans les quartiers riches, dans une boutique affriolante de fantaisies en tout genre. Le gérant, Mr Haze, un quarantenaire bedonnant et à l'humeur perpétuellement tactile, comme me le rappelaient les mots du calepin, me mit une main sur l'épaule dès mon entrée dans son édifice pour me vanter les mérites de tels ou tels objets. J'en profitais pour lui faire face et lui tendre la main, qu'il serra sans sourciller. L'instant d'après, son sourire se fit enchanté, comme s'il revoyait un vieil ami.

« Mr Doll ! Bizarre de vous voir dans de telles circonstances ! Moi qui pensais que vous portiez vos atours de bûcheron à toute heure du jour ou de la nuit, ahah. »

Je contins un haussement de sourcil devant cette remarque. Je n'avais fait que lui suggérer que nous nous étions rencontrés en camping deux mois auparavant, et qu'il m'avait invité à venir voir son échappe sans délais. Son esprit avait visiblement pris l'initiative de changer ma tenue. Qu'à cela ne tienne.

« Et bien non, comme vous le voyez. Comment va Cathelyn ? A-t-elle accouché, depuis que vous m'en avez parlé ?
-Non, mais ça ne saurait tarder ! Et quel gamin ça promet d'être ! Un futur boxeur... »


Professionnel, qui donne des coups sans s'arrêter pour dormir. J'aurais pu continuer sa phrase à sa place tant elle était identique à celle notée sur le feuillet dissimulé dans ma poche, et que j'avais relu avant d'entrer. Cet homme voyait passer tellement de monde qu'il était improbable qu'il me reconnaisse, surtout avec les cheveux noirs. Quant à mes yeux, je faisais généralement le nécessaire pour ne pas dévisager les gens dont je souhaitais user. D'autres familiarités furent échangées, et je me pris au jeu avec une grande facilité. Des années d'entraînement à être ce que je n'étais pas. Finalement, nous en vînmes à mon problème, et je lui exposai que mon futur emploi nécessitait des yeux unicolores, et de préférence marrons. Après une brève explication sur l'usage des lentilles, il m'en tendit deux paires dont il me fit cadeau, prétextant l'aide financière que je lui avais fournie deux mois plus tôt. Je fis mine d'insister en sortant mon portefeuille, mais je pensais avoir suffisamment cerné l'homme pour être sûr qu'il refuserait catégoriquement mon argent. Finalement, je quittai sa boutique avec deux boîtes de lentilles, sous la menace souriante de « me faire cogner par le petit dès qu'il serait en âge de m'atteindre au visage ».
Le soir, dans une chambre d'hôtel louée pour la semaine sous un faux nom, et payée par un onéreux faux-souvenir, je contemplais l'effet de ces lentilles. Je paraissais être un autre homme. Une fois de plus je répétais les informations dont je disposais, jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.

Le lendemain et les jours suivant furent du même acabit. La première de mes visites fut chez un accessoiriste réputé dans le monde du cinéma sur lequel internet donnait suffisamment de détails pour que je n'aie pas à lui parler pour connaître le moindre détail de sa vie. J'avais fait le gros du nécessaire pour ne pas être reconnu, mais je voulais prendre une précaution supplémentaire, pour à l'inverse, être reconnu. En d'autres termes, être monsieur tout le monde ne me suffisait pas. Je voulais être un personnage à part entière. Pour cela, l'homme me dit cadeau d'un détail supplémentaire qui attirait le regard et entrait dans les signes distinctifs utilisées pour répertorier inconsciemment une personne. En l'occurrence, une balafre adhésive extrêmement bien conçue qui me courait le long de la joue gauche, de la pommette à la commissure des lèvres. La seconde de mes visites fut à un homme spécialiste du déguisement auquel je passais une commande urgente, en tant qu'imprésario pour le tournage d'un clip. C'était le dernier détail à régler : ma tenue. Être un flic sans en avoir l'uniforme était tout bonnement inconcevable. Le vendredi, je reçus un coup de fil, et passais récupérer l'uniforme. Tout y était. De la matraque jusqu'à la plaquette au-dessus de la poche de poitrine me désignant comme l'agent Bowie, en passant par la radio factice. En attendant les vêtements, je n'avais pas chômé, et m'étais procuré un pistolet aux normes policières.

Le samedi, tout était prêt. Nous étions le six août. En citant à voix haute la centaine d'informations que j'avais recueillis, je me vêtis soigneusement, posai en évidence sur le lit mon journal de bord au cas où quelque chose devait m'arriver, de façon à ce qu'on le retrouve, et quittais la pièce après une longue inspiration. It's show time !

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Une demi-heure plus tard, je fumais une clope en compagnie de John Deebs, que je félicitais une fois de plus pour l'obtention du diplôme de sa fille aînée. Adossés au mur du commissariat, nous contemplions les passants, jouant à « qui avait la gueule à commettre quel crime ». Ce genre de jeu, je m'en serais volontiers passé, mais l'esprit de mon collègue avait vraisemblablement intégré cette donnée comme une part entière de mes occupations. Finalement, avant que nous ne rentrions, il m'adressa les mots que Dave Bowie, le flic que j'incarnais, aurait aimé entendre dans sa condition.

« Désolé que tu sois muté dans le Kansas, c'était bien de t'avoir avec nous, et tu manqueras à beaucoup.
-Merci John, ça me touche. Mais sors ta langue de mon cul, j'ai déjà une femme pour ça. »


Le rire tonitruant que nous échangeâmes fit se retourner bien des passants. Incapable de maintenir longtemps ce simulacre d'amusement, je lui rappelais qu'il était l'heure de se mettre au boulot, ce à quoi il rétorqua que ce n'était pas son dernier jour, à lui, et qu'il avait pas à essayer de donner bonne impression aux gros bonnets pour avoir une bouteille aux frais de la maison. Il me suivit malgré tout jusque dans le commissariat. Ici, le jeu se corsait. Je devais serrer la main ou au moins toucher une parcelle de peau de chaque homme que je croisais avant qu'il n'ait le temps de me demander qui j'étais, sans quoi il se pouvait qu'il attire l'attention de ceux qui pensaient savoir à qui ils avaient affaire. Comme je l'avais prévu, d'un samedi sur l'autre, c'étaient exactement les mêmes visages que je retrouvais, et je n'eus aucune difficulté à mettre un nom, et dans la majorité des cas, un prénom sur chacun, ainsi que des petits détails qui creuseraient mon avantage. Comme une maladie particulièrement virulente, la connaissance de Dave Bowie se répandit parmi la population policière. Aucun ne m'opposa de difficulté. Il y avaient beaucoup de flics au commissariat central, et je mis deux longues heures à m'assurer que j'avais contaminé tout le monde.

Quand ce fut fait, après un bref passage aux sanitaires dans lesquels je tentais de calmer mon cœur qui battait trop vite et trop fort depuis trop longtemps, je m'occupais des derniers détails. Untel fut persuadé d'avoir débarrassé mon casier, un autre d'avoir égaré mon dossier... Tout le nécessaire pour qu'on ne se rende pas compte de la supercherie. Après tout, ils se souvenaient tous que je bossais avec eux depuis un bail, pourquoi mettre en doute leurs souvenirs ? Finalement, j'allais dans le bureau du commissaire qui haussa un sourcil à ma vision, et qui haussa le second quand je lui demandais la permission de jeter un œil aux archives et aux dossiers de la salle cadenassée.

« Pour quoi faire, Dave ? Il n'y a pas un gars ici qui se donnerait la peine de faire des recherches du genre pour son dernier jour. Je ne me souviens pas que vous étiez si zélé.
-C'est pas l'cas, monsieur. Y a un peu de nostalgie et de bons souvenirs, dans cette salle.
-L'affaire du serrurier ?
-Entre autres. Je rangerais en partant.
-J'y compte bien. »


Les clefs en poche, je sortis du bureau, mais il me héla tandis que j'étais sur le seuil.

« Encore une chose, Dave.
-Oui, commissaire ?
-Pour votre dernier jour, je vous laisse quartier libre. Veillez juste à revenir pour rendre votre arme de fonction et votre uniforme. Ceux du Kansas vous en fourniront d'autres.
-Je préfère laver l'uniforme et venir vous le rendre demain. Si j'oublie, vous savez où me trouver. »


La porte fut claquée sans lui laisser tout espoir de réponse. Pas question que je revienne, à plus forte raison si j'avais quartier libre. Tant pis si ça créait des vagues, personne ne s'amuserait à rechercher Dave Bowie dans tout le Kansas pour une arme et un uniforme. La salle d'archives déverrouillée, une fois la porte fermée devant moi, j'y restais adossé un long moment. Ma respiration, soigneusement contrôlée jusqu'alors, se fit haletante, et mon cœur manqua d'exploser dans ma poitrine. J'avais réussi. Un sourire victorieux aux lèvres, je laissais s'écouler plusieurs minutes ainsi avant de m'éponger le front qui poissait de sueurs froides, à l'instar de ma colonne vertébrale. Mon regard se posa enfin sur les archives qui s'étalaient en de nombreuses étagères couvertes de dossiers et de boîtes classés selon un système qui m'était totalement inconnu. Je jetais mon dévolu sur celle étiquetée « Mutants Recherchés ».

Comme prévu, Zakharine était le dernier de la liste alphabétique, et son dossier était particulièrement lourd. Avec de légers tremblements d'excitation et d'appréhension, je m'en saisis, et l'ouvris. Les premières pages étaient un résumé descriptions accessibles au commun des mortels, avec des numéros de matricules, quelques comptes en banque recensés, et des relevés téléphoniques. Quelques photos, notamment celles de son emprisonnement, puis, enfin, des informations détaillées. Mes yeux les parcoururent en travers tandis que mon calepin s'ouvrait, et recevait diverses annotations. Origines, faits exacts reprochés, sentence, et surtout, descriptifs de sa mutation. Tandis que je jetais de fréquents coups d'œil vers la porte, ma main griffonna à toute allure, et ce ne fut qu'une fois parvenu à la dernière page que je rangeai le carnet, et rassemblai les feuilles constituant le dossier, avant de le réarchiver à son exacte place, en ne laissant aucune trace de consultation.


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Considérant que j'avais pris suffisamment de risques de la sorte, je ne me risquais pas à feuilleter d'autres dossiers. J'avais celui qui m'intéressait. Et le lien était vérifié. Boris Zakharine était le poseur de bombes. Je connaissais son nom, son visage, l'étendue de son pouvoir, et je savais qu'il n'était pas pucé. A partir de là, je ne risquais plus de le croiser dans la rue sans le reconnaître. Une fois sorti des archives, j'en verrouillais la porte, et rendis la clef au commissaire, après quoi je quittai le commissariat, sous prétexte d'une tournée. Il ne me restait plus qu'à rentrer à l'hôtel, me défaire de mon uniforme, et me laver abondamment les cheveux pour qu'ils retrouvent leur couleur, et je pourrais me détendre.

Mais c'était sans compter sur l'humour improbable du Destin. J'étais à mi-chemin, quand soudainement, mon monde bascula. Une voix me héla, dans mon dos, et je me raidis. Je m'étais attendu à des difficultés de la part de mes « collègues », mais je n'avais même pas songé au fait que le problème puisse venir d'ailleurs. En effet, n'ayant pas de casier à mon nom, impossible de me défaire de mon uniforme avant d'être rentré. Par conséquent, si l'on faisait appel à moi, je devais bien entendu réagir en flic et proposer mon aide. Machinalement, ma main remonta jusqu'à mon visage et vérifia que la cicatrice était en place. Je n'avais pas cessé de marché. La voix était diffuse, et il était possible... Non... J'espérais de ton mon cœur qu'elle abandonne sa volonté de me soumettre son problème. Mais je n'eus pas cette chance. Elle m'appela une seconde fois, cette voix féminine, plus proche, trop pour que je l'ignore décemment une seconde fois. Avec un imperceptible soupire, je fis volte-face, pour tomber nez à nez avec une jeune femme aux yeux levés dans les miens. Les bras le long du corps, et d'un air avenant qui était loin de la vérité, je lui répondis :

« Qu'y a-t-il, ma p'tite dame ? Vous cherchez votre chemin ? »

Pourvu que ce soit ça, et pas la poursuite d'un quelconque voleur. J'avais une arme à disposition, mais pas la moindre radio en état de fonctionnement pour imaginer un quelconque renfort. Avec appréhension, j'attendis qu'elle me fasse par de la raison de son trouble, le regard inquisiteur, mais le sourire conciliant. Première et dernière fois que je fais la connerie de me faire passer pour un flic, jurais-je pour moi-même.

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