Gregory repoussa les draps de satin et se redressa. La chambre était en désordre : le tapis de fausse fourrure avait bougé, des objets avaient été déplacés. Lui-même se sentait comme barbouillé, et il trouvait cela normal : il venait de se réveiller d'un cauchemar. L'un de ceux qui semblent réels, et qui font peur par-delà le rêve. Il passa une main sur son visage, essayant d'analyser son songe, mais c'était comme attraper de l'eau avec une passoire : plus il essayait de mettre la main dessus, plus son rêve s'échappait entre ses doigts, comme de la fumée. Il préféra arrêter de se démonter la tête et descendit à la salle à manger, où son petit déjeuner était servi : croissants chauds, café, fruits frais, jus de goyave. Il mangea en lisant son journal : les nouvelles du jour n'avaient rien de très important. L'annonce du temps qui se dégradait et qui tournait à la pluie et à l'orage ; des enfants qui avaient adopté un chat blessé et en avait fait leur mascotte. Tout cela ne l'intéressait pas.
En reposant son journal, il porta la tasse de café à sa bouche. Le liquide sombre et amer lui fit du bien ; il songea qu'il devait arrêter de se faire du mauvais sang. Chaque matin, il craignait de voir de mauvaises nouvelles sur la grande page. Une guerre entre mutants et hommes déclarée, une nouvelle politique anti-mutante ou encore des accusations sur Genesys. Il avait peur de tout cela, et en même temps, il savait que si cela arrivait, il saurait y faire face : il était capable d'un sang-froid et d'un courage exemplaires quand il le fallait. A tel point qu'il pouvait paraître parfois très distant et froid, alors que ce n'était pas son intention.
Bertrand ? Veuillez préparer la limousine pour dans une demi-heure. Je vais descendre au Sacred Heart faire le don annuel.
Le majordome hocha la tête, et s'en alla pour obéir à son ordre. Ses serviteurs n'avaient pas à se plaindre : il les payait tous ce qu'ils valaient, ni plus ni moins, et il les traitait humainement, n'hésitant pas à donner une avance ou à excuser retard ou absence justifiée. Malgré ses grands airs d'homme d'affaire, le terme expliquait ce qu'il était : dans homme d'affaire, il y avait homme . Il remonta dans sa chambre et après avoir préparé quelques affaires, alla se laver et se préparer. Il ressortit vingts minutes plus tard, rasé de près, coiffé, sentant bon l'après-rasage. Il prenait toujours soin de lui avec une attention méticuleuse, qui le faisait parfois ressembler à un chat trop propre. Cela faisait souvent rire Aileen, de le voir s'offusquer d'une simple tâche sur sa veste. A la pensée de son amie, il eut un léger sourire : cela faisait quelques temps qu'elle était trop occupée pour le voir, elle lui manquait. D'un sujet à un autre, ses pensées se portèrent aux rumeurs qui courraient sur eux, sur sa sois-disant liaison avec Aileen : selon certains, ils auraient été amants il y a longtemps, et ils se retrouveraient encore en secret de nos jours.
Son rire, bref et grave comme un aboiement de loup, explosa dans le silence de sa salle de bains. Il se tut, et s'observa dans le miroir : ses trait étaient légèrement tirés, mais il gardait une peau lisse, et ses yeux étincelaient d'intelligence. Il était séduisant, il le savait, en jouait parfois. Mais la plupart du temps, il ne se bornait pas au physique : il préférait impressionner les gens par son charisme et son esprit vif. Ce qui marchait souvent, car il s'intéressait à tout, était curieux et avait une bonne mémoire - surtout pour retenir les choses qu'il appréciait. Gregory redescendit et prit la veste que lui tenait Bertrand ; il la mit et s'adressa au majordome.
Je reviendrai sûrement en début d'après-midi, je pense manger en ville. Bien, monsieur. Bonne visite monsieur.
Gregory hocha la tête, appréciant le professionnalisme de son vieil ami. Ils se permettaient parfois d'être plus intimes, Gregory lui demandait parfois son avis. Ils étaient plus proches qu'ils n'en donnaient l'air. Le mutant sortit et pénétra dans sa limousine, où il s'installa confortablement. Quand il eut donné sa destination à son chauffeur, ils avancèrent dans l'allée de gravier qui crissa sous les pneus, puis ils partirent. Gregory hésita, puis se servit un verre d'eau gazeuse ; il ne pouvait décemment pas se permettre de boire un verre d'alcool avant d'aller faire un don à l'hôpital. Cela aurait été mal vu, et de toute façon, il n'avait pas envie de boire de bourbon ou de whisky. Il sirota son verre en observant à travers les vitres teintées les abords de la ville et la population qui marchait dans les rues, comme des fourmis, agglutinées aux feux rouges ou devant des vitrines. Gregory aimait ses semblables, hommes comme mutants ; l'humanité était ce qu'elle était, et il fallait accepter l'évolution. Les hommes devaient accepter les mutants, pour enfin vivre en harmonie. Mais c'était mal parti ; Gregory soupira et termina son verre.
Il songea à appeler Aileen à partir du téléphone de la limousine : son regard sombre rivé sur le téléphone installé entre deux banquettes, il voyait les reflets du soleil teinter le plastique rouge de reflets. Il hésita, encore et encore, retournant cette idée dans sa tête comme on tournerait un cochon sur une broche. Après l'avoir examinée, il décida que ce n'était pas une bonne idée. Son amie devait être occupée, il ne devait pas lui faire perdre son temps uniquement à l'envie. C'aurait été mal. Il soupira de nouveau, passa une main sur sa joue imberbe pour la gratter, et sentit plus qu'il ne vit la limousine s'arrêter devant le Sacred Heart. Il attendit que son chauffeur vienne lui ouvrir, il sortit et marcha jusqu'à pénétrer dans le bâtiment blanc.
La lumière se vit blême, moins aveuglante qu'au dehors ; l'odeur qui l'assaillit était celle de l'éther mélangée au désinfectant. Il plissa le nez, puis se força à prendre un air rassurant ; quelques regards timides se posaient sur lui. Une femme à l'accueil lui sourit - il la connaissait de nom, c'était une vieille habituée qu'il avait rencontrée lors de ses précédents dons. Il s'approcha du poste d'accueil et s'y accouda nonchalamment, avec la grâce d'un tigre au repos.
Bonjour, Mina. Je viens pour faire le don habituel. Pourriez-vous appeler Charles ?
Mina hocha la tête et se leva prestement pour aller chercher le directeur de l'hôpital. Attendant sagement, Gregory se retourna et observa autour de lui : il y avait de l'animation dans l'aile droite, l'aile privée pour les enfants. Il vit un charriot passer, avec des infirmières autour qui criaient des mots qu'il ne comprit pas. Il se sentait presque bien ici, parce qu'il savait que ce qu'il allait leur offrir leur servirait. Il avait été hospitalisé ici, on avait soigné diverses de ses blessures. Il remerciait Charles comme il pouvait - lui et le directeur étaient devenus amis au fil des années. Il remarqua dans sa vision périphérique un mouvement ; son corps se tendit imperceptiblement, réflexes aigus de son entraînement ninja, mais il se détendit et se tourna vers son vieil ami pour lui sourire.
Gregory, je suis heureux de te revoir ! Comment vas ta cheville ?
Le mutant sourit, et il se mit à discuter de choses et d'autres avec Charles. Le vieux médecin s'inquiétait de sa santé, mais fut rassuré de savoir qu'il allait bien ; quant à Gregory il lui demanda des nouvelles de sa femme et de ses petits-enfants. Ils avancèrent lentement dans les couloirs, pour finir par atterrir là où ils arrivaient à chaque fois : dans le grand bureau de Charles. Ils s'y assirent, et ils se turent, sentant que le moment n'était plus aux discussions entre amis mais au calme et à la rigueur. Le mutant sortit de sa poche un chéquier et un stylo orné d'un emblème doré représentant un animal exotique.
Un million de dollars, comme d'habitude, mon ami.
Alors qu'il allait écrire, Charles toussota ; son air gêné arrêta le geste de Gregory, qui fronça les sourcils, attendant qu'il parle. Mais son ami semblait bien trop angoissé pour oser.
Allons, qu'y a t-il ? demanda t-il doucement. Je suis gêné de devoir te demander ça, Gregory, mais pourrais-tu augmenter ton don, cette année ? Nous avons eu beaucoup de problèmes, avec le secteur informatique et puis, parfois ... Si ce n'est que ça, pas de problèmes l'interrompit Gregory. Il détestait l'idée que son ami s'oblige à formuler les raisons de sa demande, comme si il cherchait à s'excuser. Deux millions, cela t'ira ?
Charles hocha la tête, les yeux écarquillés devant l'indifférence de Gregory. Le mutant se reprocha de sembler si détaché, il savait le coût de l'argent, mais il ne souhaitait pas faire la fine bouche avec son vieil ami. Ils finirent les préparatifs, et Charles encaissa le chèque avec force remerciements. Gregory haussa les épaules, et en sortant du bureau, vit passer un groupe de jeunes médecins.
Mon ami, j'aimerais te demander un service : étant donné que je finance beaucoup de cet hôpital, pourrais-je voir les nouveaux médecins que tu as engagé ? Je suis curieux de les voir. Pas de souci. Il y a une jeune chirurgienne qui pourrait t'intéresser : elle est très compétente et n'a nullement la grosse tête comme certains. Tu devrais l'apprécier, autant pour son caractère que pour la force qu'elle mets dans ce qu'elle fait.
Gregory hocha la tête et se laissa conduire jusqu'à cette petite étoile de la médecine : il regardait autour de lui avec satisfaction, voyant des enfants rieurs, des vieux en train de ricaner bêtement. Il aida une femme enceinte à s'asseoir sur un banc, et elle le remercia d'un geste. Ils poursuivirent leur chemin, et Charles s'arrêta devant une porte.
Elle devrait avoir fini son opération du matin.
Ils pénétrèrent dans la salle de vision, qui donnait au-dessus d'un bloc. Ils virent la salle vide, avec des infirmières qui préparaient du matériel propre. Charles sortit, avec à sa suite Gregory, et ils pénétrèrent dans un vestiaires, où se trouvait une jeune femme encore en blouse sale. Charles ne s'en formalisa pas.
Gregory, voici Amaryllis Rowsburry. Amaryllis, voici Gregory Taylor, notre bienfaiteur. Il offre souvent des dons à l'hôpital. Ecoutez les enfants, je vous laisse converser, j'ai d'autres choses à faire.
Et il déguerpit aussi vite qu'un lapin coursé par un renard. Gregory ne put s'empêcher d'avoir un léger sourire, puis se tourna vers la jeune femme. Elle semblait fatiguée.
Nous aurons encore le temps de nous présenter dehors. Je vous laisse vous changer. Ne vous inquiétez pas, je suis juste curieux de voir les recrues de Charles. Si vous voulez, je vous offrirai un café.
Il lui sourit gentiment, et sortit pour la laisser se changer à son aise. Il eut un rire tout bas, en songeant à l'attitude sans-gêne de Charles. Toujours le même vieux renard, celui-là. Gregory s'assit à une table non loin, près d'une cafétéria. Il n'était pas tard, mais il avait envie de manger quelque chose ; il prit un café fort pour lui, ainsi qu'une corbeille de croissants. Si la jeune chirurgienne préférait autre chose, il le commanderait. Le mutant but une gorgée de son café, et remarqua quelques regards posés sur lui ; en se retournant, il vit deux jeunes infirmières rougir et partirent en riant tout bas. Lui-même sentit ses joues rosirent ; il se concentra de nouveau sur son café agréablement surpris de déclencher encore quelques rumeurs autour de lui. Beaucoup ici savaient qu'il était un mutant : il était reconnu comme étant le riche donateur, mais aussi comme membre clé de Genesys, la fondation mutante. Et peu de gens ici le haïssaient pour ce qu'il était : quelques personnes avaient été plus distantes que d'habitude, quand il avait annoncé son don et sa participation à Genesys, mais beaucoup étaient restés les mêmes. Ici, les gens savaient que, mutant ou pas, un homme possédait un coeur, un corps. Gregory but une nouvelle gorgée de café, en se morigénant : il devait arrêter de tout attirer à Genesys. Cette particularité de Aileen avait déteinte sur lui. Il n'allait quand même pas se transformer en bonne femme ronchonne ? songea t-il avec un large sourire amusé, en songeant à la taloche qu'il se serait prise si son amie avait pu l'entendre.
Le mutant se tourna vers les portes ; Amaryllis. Joli prénom, peu courant. La jeune femme avait l'air compétente, intelligente et vive. Il avait hâte de faire sa connaissance plus amplement.
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Sujet: Re: Don de soi Sam 23 Juil - 19:19
Le réveil venait de lui résonner dans les oreilles en un bruit sourd et douloureux qui lui fit pousser un grognement significatif de mécontentement, et de frustration. Sa main daigna s’extirper de sous l’épaisse couverture, tatillonnant dans l’obscurité jusqu’à trouver son point de prédilection. Un autre bruit se fit entendre. Oui, elle avait réussi. Ce satané tueur de rêves venait de tomber lamentablement sur le sol, cessant de lui faire bourdonner les oreilles. Visage enfouit dans le moelleux de son oreiller en plumes, une jambe seulement dépassant du lit, Amaryllis savait que, à l’inverse de la nuit qu’elle venait de passer, sa journée allait être longue. Elle n’avait jamais été une grande dormeuse, trouvant souvent le sommeil dans les dernières heures de la nuit. Le réveil était toujours douloureux, mais ces quelques heures d’inconscience suffisaient pour la remettre d’aplomb, et pour lui faire retrouver son entrain. La veille, après avoir passé plus de huit heures en salle d’opération, elle avait réussi à sauver une femme que l’on disait, il y quelques mois de cela, condamnée. Cette pensée lui redonna du baume au cœur en cette matinée qui, étrangement, ressemblait à la précédente, et qui certainement, serait similaire à celle de demain. C’était le prix à payer pour une vie sans histoire : la routine.
« Peter … Trésor … Debout. » avait -elle murmuré arrivée à l’embrasure de la porte plus à gauche dans le couloir, sur laquelle était accrochée une immense pancarte, un sens interdit plutôt, avec en lettres capitales ’Do not enter’. Si avec ça on ne comprenait pas le message. « Aller ma petite marmotte. Tu vas être en retard à l’école. » La réponse qu’elle eut lui fit étrangement penser à celle qu’elle avait donné au réveil un peu plus tôt. A croire que la mauvaise humeur au réveil était héréditaire. Le petit garçon, en boule sous ses couvertures et dont seulement le sommet de son crâne était visible, venait de disparaître complètement, obligeant la jeune maman à se retrousser les manches, et employer la seconde méthode. « Alleer … Deboout ! » avait-elle murmuré en riant, avant de déposer un baiser, puis un autre, sur les joues de son fils, alors que ses mains venaient lui pincer les côtes.
« Noooon ! Arrête Mamaaan ! Ah ah ah … Non … Ah ah … » protesta-t-il en riant, daignant enfin s’extirper des couvertures alors qu’il se tordait dans tous les sens. Finalement, le calme revint dans la pièce. Assis dans son lit, reprenant ses esprits alors qu’il frottait ses petits yeux tout juste éveillés d’un sommeil mouvementé, Amaryllis, installée juste en face, ébouriffa ses cheveux déjà emmêlés en y passant ses doigts, ses traits devenant plus inquiets qu’ils ne l’étaient auparavant.
« Ca va mieux ? Tu n’as pas fait d’autres cauchemars cette nuit ? » s’enquit -elle, la mine devenue soucieuse. Les terreurs nocturnes de son fils avaient commencé peu avant qu’ils n’arrivent à Achaea. Au début, elle s’était dit qu’il s’agissait de mauvais rêves, conséquences de la vision d’un film trop violent ou autre. Et puis le doute s’était insinué dans ses veines, à la manière d’un poison venimeux. Il s’éveillait en hurlant, secoué de sueurs froides, bien plus fréquemment depuis quelques temps. Chaque fois, il lui disait avoir ressentit des choses, vu des hommes et des femmes qui souffraient, avoir vécu leur douleur. Elle avait beau faire tout ce qui était en son pouvoir pour le soulager, on lisait de plus en plus sur ses traits la fatigue, et une crainte de ces démons internes qui venaient le hanter sans qu’elle ne sache pourquoi. Si seulement elle avait pu se trouver dans sa tête, au moins pour comprendre. Tout ce qu’elle pouvait faire à l’heure actuelle, c’était le serrer dans ses bras, le bercer jusqu’à ce qu’il se rendorme. Des gestes tendres qui n’étaient pas suffisants selon elle. Amy aurait voulu le guérir de ce mal qui demeurait pour l’instant un mystère à ses yeux. Figée dans une impuissance qui allait finir par lui être insupportable, elle fit cependant comme si de rien n’était, masquant comme elle en avait l’habitude ses inquiétudes derrière un sourire qui ferait fondre n’importe qui, même les plus perspicaces.
Après avoir déposé son fils à l’école, toute seule dans sa voiture, Amy repensa à Peter. Ses cauchemars, ses comportements inexplicables. Pour elle, une chose apparaissait comme une évidence : il avait hérité du gène mutant, tout comme elle. Cependant, son pouvoir semblait bien plus puissant et plus complexe que le sien. Beaucoup plus incontrôlable aussi. Elle se souvenait encore de son adolescence, de cette période durant laquelle elle s’était rendue compte de ses capacités à influencer autrui. Tout au plus à l’époque avait-elle ressentit des maux de tête, ou avait été sujette à des fièvres douloureuses. Un peu comme une poussée de croissance en quelque sorte. Rien de semblable à ce que Peter semblait endurer en ce moment. Elle maudissait parfois le ciel qu’il tienne à ce point d’elle. Non pas au niveau des gènes, ça, ce n’était pas ce qu’il y avait de plus important. Mais bien au niveau de la personnalité. Débrouillard, toujours à se taire et à souhaiter s’en sortir tout seul. Un calvaire pour le parent soucieux qu’elle était, et qui avait à de maintes reprises tenté en vain de lui tirer les vers du nez. Sans grand succès, vous vous en doutez. Elle avait pensé en parler à Angelus, se disant que quelqu’un d’extérieur pourrait la conseiller. Mais, n’étant pas totalement fixée concernant sa position vis-à-vis des mutants, elle avait préféré se muer dans le silence. Un comble. C’était son meilleur ami, et elle ne connaissait même pas sa position sur une chose aussi élémentaire que celle -ci, particulièrement d’actualité en ce moment d’ailleurs et dans le monde où ils vivaient.
Amaryllis ne tarda pas à arriver sur son lieu de travail. Un espace d’une blancheur sans traces. Une odeur de javel à laquelle elle avait finit par s’habituer. La lueur de crainte dans le regard de certaines personnes qui ne viennent pas dans cet endroit par plaisir avait finit au fil des années par ne plus l’intriguer ou capter son attention outre mesure. Peu de personnes aimaient les hôpitaux. Quant à elle, elle y passait le plus clair de son temps, terrée dans les coulisses, en quelque sorte. Ce matin elle devait opérer une femme atteinte d’un cancer des poumons. L’opération serait sans doutes longue et laborieuse le temps de retirer les métastases qui la détruisaient à petit feu, mais elle restait confiante. Son cas avait été prit suffisamment tôt pour que l’on puisse se prémunir face à l’imparable. Elle espérait qu’elle s’en sortirait. Elle était encore jeune, avait encore de belles années à vivre si jamais elle daignait se battre. Il était neuf heures du matin lorsque Amy, parée de sa blouse blanche de médecin, vint voir la femme qu’elle allait opérer une demie-heure plus tard dans sa chambre. Cette dernière, blanche comme un linge, le regard fatigué, lui avait quand même adressé un sourire. Elle avait lu dans ses yeux une appréhension légitime. Celle peut-être de ne jamais ouvrir les yeux à nouveau ? Elle veillerait à ce que cela n’arrive pas.
« Bonjour Madame Knight. Comment vous sentez -vous ce matin ? Prête ? Ca va bien se passer, ne vous en faites pas. » la rassura-t-elle d’une voix posée, et assurée, alors qu’elle s’approchait pour vérifier que l’on lui avait bien administré les tranquillisants nécessaires avant l’opération, et qui l’aideraient à s’endormir en toute sérénité. En guise de réponse, elle n’avait eut le droit qu’à un hochement de tête. Sa patiente était proche du sommeil léger. L’effet escompté par les tranquillisants. « Bien. Ne vous inquiétez pas. Détendez -vous. Pensez à quelque chose d’agréable, ceux que vous aimez le plus. Votre fils par exemple … Pensez à lui, et à votre mari. Ne pensez plus à ce qui va se passer durant les prochaines heures. Tout se passera bien. » Une simple pression sur son poignet où était branchée sa perfusion, et la femme avait fermé les yeux, un sourire naissant au coin de ses lèvres tandis que ses pensées prenaient une couleur plus douce que celle du tourment et de la crainte. Amy, quant à elle, s’en était allée, allant se préparer pour l’opération qui n’était plus qu’à une poignée de minutes à présent.
Malgré ses appréhensions de début d’opération qui la tenaillaient toujours, et la montée de stress à laquelle elle était souvent sujette lorsqu’elle se retrouvait confrontée à un patient endormit, tout s’était très bien passé. Dès qu’elle avait commencé, tout avait semblé être naturel. Comme si elle vivait dans un autre monde, que ses mains ne fonctionnaient plus que par automatismes, déjà déterminées pour agir de telle ou telle façon à un moment précis. Cela avait duré un peu plus de temps que prévu, mais, a priori, elle était confiante quant à l’état futur de sa patiente. Elle irait mieux, beaucoup mieux à présent. Elle l’espérait en tout cas. Fatiguée mais pourtant heureuse d’être arrivée à bout, c’est avec une mine souriante qu’elle finit par sortir du bloc opératoire avec quelques uns de ses collègues. Retirant ses gants, lavant avec soin ses mains jusqu’aux avant-bras, alors qu’elle s’apprêtait à retirer sa blouse sale, elle entendit une voix qui l’interpellait. Une voix familière. Celle de son supérieur, accompagné d’un homme soigneusement vêtu qu’elle n’avait jamais eut l’occasion de voir auparavant.
« Bonjour messieurs. » répondit-elle dans un premier temps poliment avant qu’un sourire charmant ne vienne illuminer ses traits. « Oh, je vois. Vous êtes le grand manitou. Notre ange gardien. Je suis ravie de faire votre connaissance. » un instant, elle voulut lui tendre la main, mais réalisa après coup que ce n’était peut-être pas une bonne idée vu l’état dans lequel elle se trouvait encore. « Je ne vous sers pas la main hein … » ajouta-t-elle alors avec un sourire contrit, s‘excusant d‘un regard. Mais, apparemment, il avait comprit où elle voulait en venir aux vues de ce qu’il n’avait pas tardé à ajouter. « Merci, ce sera avec plaisir. Je vous rejoins d’ici une dizaine de minutes. »
Et en effet, une dizaine de minutes plus tard, elle avait rejoins la cafétéria de l’hôpital. Ayant troqué sa blouse salle, son masque, et le filet qui retenait ses cheveux, ainsi que tout son attirail de chirurgienne contre son éternelle blouse blanche, ses talons résonnèrent sur le sol alors qu’elle posait un regard sur les différentes tables de l’habitacle. Elle ne tarda pas à repérer l’homme, Gregory Taylor, assis à une table un peu plus loin. Difficile de ne pas le reconnaître. Il était probablement le seul dans cet hôpital vêtu d’un costume sur mesure. Par ailleurs, elle trouvait qu’il avait un charme, et une classe certaine. Celle que peuvent avoir certains hommes d’affaires, et que l’on a peu souvent l’occasion de croiser.
« Navrée de vous avoir fait attendre. A présent je suis plus à même de vous serrer la main. » lui avait-elle dit avec entrain, souriante, alors que sa main venait serrer la sienne le temps de présentation plus formelles. « Alors, vous êtes là pour votre visite annuelle ? » lui demanda-t-elle avec curiosité tout en prenant place sur la chaise en face de lui.
Don de soi
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