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Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse

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۞ Chasseur de l'Opération Apocalypto ۞

Theo Paradise

Theo Paradise
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Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Vide
MessageSujet: Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse EmptyMar 8 Mar - 23:11

Il était 20 heures tapantes lorsque la porte du bar populaire d'Achaea s'ouvrit, laissant entrer en flot la lumière clignotante de la ville et une jeune homme à la démarche princière, conquérante. Theo embrassa la salle du regard - de son regard distant et présomptueux - et ne nota aucun changement notable depuis la dernière fois qu'il y avait mis les pieds. Il n'aimait pas trop traîner dans ce coin-là, préférant se saouler à l'abri des murs capitonnés d'une quelconque boîte de nuit, ou bien chez un de ses rares amis, à l'occasion. En vérité, la dernière fois qu'il s'était rendu dans ce troquet remontait à au moins un an, et il ne gardait pas un souvenir très précis de cette soirée. En revanche, il se rappelait avec une exactitude troublante le soir où il avait découvert ce bar. Il venait de débarquer à Achaea, complètement paumé et sans travail, et après quelques semaines sans sortir de son appartement, il avait décidé de faire un tour en ville. Il avait 19 ans à cette époque, il était tout maigrelet, ignorant, sans aucune idée de ce que pouvait bien être l'Opération Apocalypto. Et surtout, il était désespéré, perdu, et même s'il ne se l'était pas avoué ce jour-là, triste comme les pierres. Et quelle solution meilleure que l'alcool pour se vider la tête ? Il avait pris une cuite mémorable, comme un grand, jusqu'à ce qu'on l'expulse diligemment du bar après avoir compris qu'il n'avait pas atteint ses 21 ans.

Par la suite, il y était retourné chaque fois qu'il avait eu ce sentiment bizarre, ce trouble dans la tête. Quand ni la fête, ni les filles, ni les pauvres gus qu'il appelait ses amis ne pouvaient lui remonter le moral, Theo se saoulait joyeusement et avec panache, et au moins le lendemain n'avait aucun souvenir de ce qui avait pu le pousser à s'enivrer. Bien entendu, il faisait cela seul. Monsieur le prétentieux petit héritier n'aurait pas supporté que quelqu'un soit témoin de sa déchéance occasionnelle.

Ainsi, ce soir-là, le photographe en herbe était dans sa phase déprime. On était samedi soir, autrement dit le jour de la semaine où il était hors de question de rester seul, cloîtré chez soi ou dans ce genre d'établissement. Le bar d'ailleurs résonnait de conversations bruyantes, de cris parfois ; de rires et de tintements de verres mélodieux. L'éclairage violent allumait les visages des jeunes, des moins jeunes, des poivrots accoudés au comptoir comme des consommateurs discrets, qui prenaient seulement un petit verre avant de rejoindre une soirée un peu plus intéressante. Theo se glissa silencieusement entre les tables bondées et s'installa sur un tabouret devant le bar. Jamais il ne s'était assis ailleurs, il n'en voyait pas l'intérêt. Ici, il pouvait commander à la vitesse de son American Express tous les breuvages pour faire de sa soirée en solitaire un rêve éthéré et irréel.

Il garda son trench coat sur lui, posant lourdement ses coudes sur le comptoir presque propre, et fourra son visage entre ses longs doigts crispés. Le barman s'approcha de lui après quelques secondes et lui ramena très vite sa commande : un double whisky. Autant commencer fort.

Les yeux noyés dans son verre, Theo était songeur. Il se disait qu'après tout, il avait ce qu'il fallait pour être heureux, décemment heureux, et beaucoup plus que ce que la plupart des habitants de ce bled paumé pouvaient espérer. Mais c'était ainsi, il y avait toujours des périodes dans sa vie où il avait le vague à l'âme, où il se remettait en question, aussi étrange que cela puisse paraître. Ce soir, ses choix existentiels s'étaient portés sur l'Opération, comme beaucoup d'autres fois. Il se refusait à regarder la vérité en face, parce que cela aurait été trop dur, et aurait encore une fois fait basculer sa petite vie bien rangée. Il n'était pas prêt, pas encore, à se rendre compte de la portée monstrueuse que pouvaient avoir la plupart de ses agissements au sein des Apocalypto. Il faisait cela pour le plus grand bien, oui, uniquement pour cela. C'est ce à quoi il pensa très fort en commandant son deuxième verre.

Alors que le temps défilait, que beaucoup de gens quittaient le bar, habillés comme des carrés d'as, les pensées de Theo s'égaraient. Il songeait à sa soeur, à ses parents ; à son existence de parasite, à son manque d'études et de diplômes, à ce qu'il pourrait faire de sa vie si jamais par un hasard incroyable l'Opération ne voulait plus de lui. Bref, il broyait du noir, et à mesure que la grande aiguille sur l'horloge du bar trottinait sans peine le long du cadran, son esprit s'embrouillait dans les vapeurs languissantes de l'alcool. A 22 heures, il était déjà bien ivre, comme en témoignait le sourire rêveur et hypocrite qui ornait ses lèvres, et qu'il adressait à quiconque voulait bien le regarder. Entouré par les facturettes de carte bleue, Theo était toujours posté sur son tabouret, mais avec peut-être moins de classe qu'auparavant. Il se leva soudain, sa vessie se rappelant douloureusement à sa mémoire, et tangua jusqu'à la porte des toilettes qu'il devinait au fond de la salle principale. Il avait encore dans la main sa carte bleue, et dans un geste qu'il espérait naturel, il sortit son paquet de cigarettes et en coinça une entre ses lèvres, qu'il alluma rapidement en entrant enfin dans les toilettes.

Il n'y avait qu'une autre personne dans la pièce mal éclairée, un homme que Theo ignora complètement. Sa clope au bec, marchant maladroitement jusqu'à un élégant urinoir fixé au mur, il lutta quelques secondes contre sa ceinture pour l'ouvrir enfin. Le silence dans les toilettes ne semblait pas le gêner, même si, au bout d'un instant, il se mit à chantonner :

- " Para bailar la bamba ! Se necesita una poca de gracia ! Una poca de gracia ! Arriba y arriba !"

Le tout, bien évidemment, dans un espagnol approximatif et avec un accent à couper au couteau. Theo s'appuya au mur d'un bras et commença sa petite affaire, tirant régulièrement sur sa cigarette qui empestait déjà la pièce. Il détestait ce genre de pissotière, où l'on devait faire ses besoins à la vue de tous ; c'était dégradant, surtout pour quelqu'un comme lui. Mais honnêtement, il n'aurait pas été capable de se rendre dans une cabine, et dans son état, rien ne lui semblait vraiment honteux. Au contraire, il sentait son ego cajolé, étiré par l'alcool ; une explosion de confiance en lui dans toute sa tête. Rien ne lui paraissait impossible, sauf sans doute d'être ridicule.

- " Ba-ba-baaaamba ! Ba-ba-bambaa !" continua-t-il d'ailleurs, de sa voix enrouée.

Il tourna soudain la tête vers la personne qui se trouvait aussi dans les toilettes pour hommes et lui jeta un regard embué. Le petit sourire habituel étira sa bouche et il le considéra longuement, tout en pissant bien sûr, de son air à peine dédaigneux. La fumée âcre de sa cigarette entourait son visage d'une brume grisâtre, cachant en partie ses traits amusés.

- " On t'a déjà dit que tu ressemblais vraiment à Harry Potter ?"

Le plus étrange dans ce genre de phrases que Theo pouvait balancer à tout bout de champ, c'est qu'il avait l'air particulièrement sérieux. Terminant ce qu'il avait à faire, il rezippa son pantalon et s'éloigna de l'urinoir en tirant sur sa ceinture pour la crocheter. Il observait toujours l'autre garçon, et finalement pouffa de rire, sans vraiment savoir pourquoi, comme c'est souvent le cas lorsqu'on est saoul.


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Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Vide
MessageSujet: Re: Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse EmptyJeu 10 Mar - 11:27

Ce soir aurait du être jour de fête. Le jeune homme tapis dans l’ombre de la ruelle était de bonne humeur. Enfin une bonne journée de passée à l’hôtel depuis bien longtemps. Il n’avait rien fait d’exceptionnel mais je me contente de stipuler que rien ne s’était mal passé. Les clients avaient été agréables, la hiérarchie absente, les collègues sympathiques – pour une fois. De ce fait, il était ressorti satisfait de cette journée que je pourrais qualifier de normale. Oui, c’était parfaitement, elle était normale. Pourtant, c’était un jour de fête on ne peut plus clair : le retour d’un sourire sur ce beau minois. Ne faites pas les innocents, on parle toujours du monsieur tapis dans l’ombre de la ruelle. Il attendait patiemment que quelque chose se passe, il semblait espérer qu’un fait se produise ou quelque chose comme cela. Mais non, rien. Il regarda sa montre et lâcha un soupire comme si le temps passait inexorablement sans que rien ne se passe. Ennui. Il commença à faire les cent pas en répétant une expression quasiment inaudible : « Allez … allez … ». Effectivement, le jeune homme qui ne devait pas bien avoir dépassé l’âge d’avoir des poils sur le menton, s’impatientait. Il attendait bien une chose qui ne venait pas. Puis dans un élan de, colère ?, oui on dira donc colère, il s’est élancé vers le bar. Il y en avait plusieurs dans la ville et celui-ci, il ne s’y était apparemment jamais rendu. A quoi je le vis ? Simplement aux regards interrogateurs se posant sur lui à son passage. Nouveauté.

Il poussa la porte de l’établissement tandis qu’il sentit une douce odeur de relents de transpiration, d’alcool et de virilité se dégager de l’endroit. Il se contint de partir en courant face à ce spectacle. Les gens sentaient vraiment la merde. Plus le temps coulait et plus la population prenait le temps de ne pas se doucher ou, au moins, de se laver plus ou moins correctement. Il se contenta d’une vive grimace qui pouvait faire comprendre à n’importe quel idiot de ce bar qu’il leur signifiait qu’ils puaient. Mais apparemment ce n’était pas pour aujourd’hui la reconnaissance. Ignorance. Il se pressa pour prendre un petit tabouret près du bar. Ce soir, il ne comptait pas se saouler, juste fêter dignement sa victoire sur l’hôtel. Enfin un peu de positivité. Vous me direz donc, qu’est-ce qu’il entend par « fêter dignement » ? Eh bien, ça se rapproche de se saouler. De toute façon, il ne sait faire que cela, boire pour fêter, boire pour oublier, boire pour boire. C’est devenu une habitude pour lui et vous savez pertinemment ce que l’on dit des habitudes de boire. Alcoolisme. Il s’assit sur son tabouret qui était encore chaud de la personne précédente. Il garda son manteau sur lui, ne faisant que l’ouvrir et héla le barman. Il ne l’avait pas encore vu et il comptait bien être servi pour profiter correctement de la soirée en trouvant une quelconque personne avec qui « discuter ». Il fallait dire qu’il avait bien essayé le portable de Ilona mais elle devait encore être en train de cuver dans un coin avec un autre gars. Il s’imaginait bien cette femme complètement saoule dans la chambre d’un mec qu’elle ne connaissait pas. A quelque chose près, cela aurait pu être lui, ce mec … Il chassa cette idée de la tête la trouvant totalement utopique. Non pas qu’il souhaitait être cet homme, simplement, cela ne le dérangeait pas du tout …

Il commanda son whisky, toujours pur. Puis il balaya la salle du regard. Il ne venait pas dans ce bar et il le remarquait bel et bien. Il voyait bien quelques têtes qu’il connaissait, ou du moins qu’il croyait connaitre, mais sinon, aucune de ces personnes ne lui rappelait des êtres aimés et autres – petite parenthèse, être une personne aimée par William, faut y aller. Pas d’Ilona, pas de Trinity, rien : le néant. Il détourna du regard et paya sa boisson alcoolisée avec du liquide. Il en avait, autant en profiter, cela n’allait pas durer. Puis il se mit à siroter doucement son verre. Le liquide plongea littéralement en lui le réchauffant de l’intérieur. C’était plaisant pour lui de sentir qu’une présence, qui n’était ni plus ni moins l’alcool, qui le réconfortait et jouissait comme lui de la journée passée. Cet ami qui ne lui ferait jamais défaut comme d’autres auraient pu le faire. Au moins, il jouissait d’un ami fidèle en qui compter. Il ingurgita le liquide petit à petit tandis qu’il voyait, ou plutôt entendait, des gens gueuler comme des putois autour de lui. Il appréciait le calme et les bars, ce qui était totalement en contradiction. L’un et l’autre ne pouvait aller ensemble de paire. Alors il fallait faire des concessions et accepter d’être au bruit pour siroter « tranquillement » son verre. Il se sentit d’un coup un peu patraque, un peu sous l’effet de l’alcool bien qu’il n’ait encore bu qu’un seul verre de son breuvage. Cela lui faisait parfois lorsque l’alcool se mélangeait en son sein avec une quelconque autre substance. Il se leva, finissant son verre, laissant les glaçons dans le fond, et se dirigea vers les toilettes.

En général, les bars ne sont pas l’exemple même de la propreté, bien au contraire. Les gens venaient sales, repartaient saouls avec tous les désagréments que cela pouvait amener. Le représentant, le gagnant principal du grand jeu concours de la saleté dans les bars, étaient réellement les toilettes. Là où tout se passe en cachette. Ceux qui se droguent, ceux qui régurgitent, ceux qui pissent, ceux qui ont plus qu’une affinité. Enfin, c’est le centre de la débauche principal ce qui amène bien entendu quelques saletés majeures ou pas. Lorsqu’il poussa la porte des toilettes, il sentit tout de suite l’odeur d’urine lui monter aux narines. Vous n’êtes pas sans savoir, j’espère du reste, que l’alcool amène une très forte odeur à l’urine, un peu comme les asperges quoi, de ce fait, même si les fenêtres étaient entrebâillées, l’odeur était exécrable. Il tenta de ne pas y prêter attention pour se concentrer sur le lavabo, lui aussi sale, qui se tenait devant lui. Il n’y avait personne dans les toilettes, une chance ou pas, je ne sais pas. Il baissa la tête pour se rafraichir alors qu’une autre personne pénétrait dans la pièce. Il entendit clairement le grincement de la porte ainsi que le pas lourd de l’homme. Il n’y fit pas attention, continuant de se rafraichir le visage jusqu’au moment où l’homme commença à « chanter. Oui, entre guillemets parce qu’il était tellement saoul qu’il massacrait totalement la chanson. Une chance que William ne soit pas un petit espagnol ou mexicain, sinon il l’aurait massacré à coups de machette. L’employé releva la tête pour voir qui était cette personne aux goûts musicaux si … prononcés. Un jeunot encore, rien de plus, rien de moins. Il continuait de chanter jusqu’à ce qu’il s’arrête pour pouffer de rire en voyant l’employé.

Celui-ci fit une remarque concernant son physique, il voulait quoi le bouffon devant lui ? Il le traitait d’Harry Potter, ce vieux film datant de plus de quinze ans. Moquerie. A croire qu’il avait vraiment des classiques très spéciaux. Il grimaça pour signifier qu’il n’était pas totalement en accord avec le jeune homme. Il s’approcha de lui et le toisa. Il était vraiment éméché ce gars-là, l’alcool aidant, il ne devait plus vraiment savoir ce qu’il disait bien que, souvent, l’alcool rendait la parole plus facile. Il se retint de foutre une beigne à l’homme et se contenta de sourire comme s’il trouvait ça drôle et chercha dans sa mémoire des détails concernant ce film.

    « Dans ce cas, toi tu pourrais faire un mec qui meurt. Moi, au moins, je vis. Et puis bon … j’n’ai pas de cicatrice là, tu vois ? lui dit-il en soulevant ses cheveux sur son front. Bon viens-là que je te paie quelque chose. »

Ce n’était pas vraiment dans son habitude de payer à boire à des inconnus mais l’état dans lequel était le mec, le lendemain il ne se souviendrait surement plus de ce qu’il avait fait la veille et surtout de qui il avait côtoyé. Il ouvrit la porte pour inviter le jeune homme, clope au bec, à passer l’encadrement de celle-ci. Tant bien que mal il le fit et ils allèrent s’assoir devant le bar, à un endroit où il n’y avait encore que peu de monde. William à gauche, le jeune homme à droite, il commanda encore des boissons. Il lui sembla que deux vodka seraient les bienvenues pour débuter la soirée en compagnie de cette nouvelle personne.

    « Alors ? Pourquoi tu chantes comme un pied ? Qu’est-ce qui te vaut l’honneur de te mettre dans un état pareil ? »

Les vodkas arrivèrent tout comme le regard vague de William. Il repensait aux dernières fois où il avait bu de la vodka, c’était avec Ilona. Et elle l’avait laissé tomber pour cette soirée, la garce. Abandon. Il paya encore une fois en liquide et approcha son verre près de lui. Bien que le minet à côté de lui ne semblait pas être totalement là, peut-être qu’il aurait de quoi discuter. Des peines de cœur, du travail esclavagiste et autres. Il pensa alors qu’il ne s’était même pas présenté au jeunot. Il fallait lui faire comprendre qu’il se présentait alors il se tourna vers lui et sourit délicatement. Au moins, il percuterait quelque chose … Il tendit sa main pour serrer celle de son voisin et s’entendit dire.

    « William, de mon prénom et non, Harry ! »

[ HS ] Il est très bien ton post ! (: Et tu peux PNJiser mon perso si tu veux, pour qu'on avance, hein ! =D

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MessageSujet: Re: Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse EmptyMar 15 Mar - 18:44

C'est vrai, il était étrange de parler d'un film qui était sorti en salles voila si longtemps. Un film pour ados, de plus, de fan de magie et toutes ces bêtises-là. Pour sa défense, Theo avait vécu avec une soeur complètement gaga des aventures du petit sorcier défiguré, et il s'était mis à les regarder pour avoir quelque chose à partager avec elle. Il ne l'avait raconté à personne, mais il avait adoré Harry Potter, du premier épisode au dernier, qu'il avait été voir au cinéma lorsqu'il n'avait que 10 ans. Et quand sa chère petite soeur, au fil des années, avait abandonné son amour pour le magicien en même temps que la puberté lui donnait d'autres centres d'intérêt, Theo avait amoureusement gardé les bouquins et les livres dans un recoin secret de sa chambre, que personne jamais ne devait trouver. Alors peut-être avait-il quelques réminiscences de son ancienne passion pour ce genre de littérature, ou peut-être que dans son esprit alcoolisé William ressemblait vraiment à Daniel Radcliffe, allez savoir...

Quand Theo vit le jeune homme grimacer puis s'avancer dans sa direction, il crut qu'il voulait se battre avec lui. En effet, il n'avait pas l'air d'avoir très bien pris cette comparaison avec le pauvre binoclard, et Theo finalement ne pouvait que le comprendre. Il eut un imperceptible mouvement de recul, l'adrénaline d'une éventuelle baston tamisant quelque peu les effets de l'alcool. Il n'était réellement pas prêt à se battre, pas maintenant. Pas qu'il était médiocre dans ce genre d'activités, mais dans cet état-là, il risquait simplement de se faire défigurer comme un bleu, et ça, c'était hors-de-question. Il réfléchissait à ce qu'il pouvait dire pour désamorcer la bombe de colère qui avait dû naître dans l'esprit de William, lorsque ce dernier prit la parole, le désarçonnant complètement.

Il commença par faire une remarque qui devait porter sur le film, une différence de personnages. Les yeux du jeune Paradise montèrent jusqu'au front que William avait découvert pour lui, pour qu'il vérifie qu'il n'y avait pas là de cicatrice. Theo se mit à sourire, puis à rire même, un très léger, très bref rire qui secoua de peu ses épaules. Et alors l'autre garçon prononça les mots magiques... Il lui payait un verre ? Ca, c'était un mec bien, Theo en était désormais sûr et certain. Un air reconnaissant tapissa son visage enjôleur, et il donna une petite tape sur l'épaule de son compagnon de la soirée.

- " J'ai pas l'habitude de me faire payer des coups au premier rendez-vous, mais t'as l'air différent..." plastronna-t-il en riant tandis qu'ils sortaient ensemble des toilettes.

Theo avait toujours sa cigarette au bec, sans savoir s'il était interdit ou non de fumer dans ces locaux. Et après tout, il s'en moquait pas mal. Dans un état comme celui-là, il était déjà heureux de réussir à marcher à peu près droit et de ne plus avoir l'esprit occupé par une multitude de mauvais souvenirs. Lui et William s'installèrent au bar et Theo grimpa sur son tabouret avec une apparente facilité, selon lui. C'était un peu maladroit, mais toujours avec la classe qu'il aimait feindre en toute circonstance. Soudain, le barman glissa devant lui un cendrier métallique qui griffa le comptoir dans un crissement très agaçant. Theo contempla la petite coupelle grisâtre, puis leva les yeux vers l'homme, juste à temps pour percevoir sur son visage un air franchement agacé. Visiblement, il avait dû le voir sortir des toilettes avec sa clope, ce qui n'était pas pour lui plaire. Theo lui adressa un sourire reconnaissant, avant de le rayer de sa mémoire et de se tourner vers William, assis à sa gauche.

Ce dernier commanda des vodkas, ce que Theo approuva tandis que de se regard opaque il faisait le tour du bar. Il cherchait très exactement quelques jeunes filles potables, certain qu'il était qu'il serait plus aisé de les draguer s'il était accompagné. Après tout, son interlocuteur n'était pas trop laid et il avait l'air d'avoir une certaine tchatche, ce devrait être plutôt facile.

Il capta alors les paroles de l'inconnu et se tourna vers lui sans comprendre. Le temps qu'il reconstruise dans son esprit le sens des mots qu'il lui avait lancé, son visage passa de surpris et incompréhensif à franchement impassible. Theo se souvint alors de la misérable chanson qu'il avait fait partager dans les toilettes, ce qui lui arracha un rictus torve. Il fit la moue, une moue qui dans le monde du jeune photographe voulait dire "Fous-moi la paix avec tes questions", mais qui actuellement lui donnait simplement l'air de réfléchir à la question. Il enroula entre ses doigts son verre de vodka fraîchement arrivé et en but une petite gorgée, comme pour se donner du courage. Alors, enfin, il se permit de rencontrer les yeux de William avec les siens, ce qu'il avait évité jusque là. Theo observa un instant son visage, avant de répondre dans un soupir :

- " Bon, pour commencer, je ne chante pas comme un pied, okay ? Et puis... Je sais pas, j'ai pas eu un putain de mois auréolé de bonheur et de morale, tu vois ? Ca arrive à tout le monde de craquer... Et toi, pourquoi tu bois ? T'es un de ces putains de Mutants et tu picoles pour oublier, c'est ça ?"

Il avait essayé de dire tout cela assez vite, pour ne pas se mettre à regretter et à s'interrompre avant d'avoir terminé sa phrase. Il détestait avoir à s'expliquer, à dire ce qu'il ressentait aux autres ; ce n'était définitivement pas lui. Mais l'alcool aidant, et le visage somme toute aimable avec lui de cet inconnu lui avaient un peu délié la langue. Et puis après tout, il n'avait rien dit de très grave. Chacun pouvait avoir ce genre de problèmes dans la vie, et il s'avérait que sous ses dehors de jeune homme Bon Chic, Bon Genre, il n'était pas à l'abri des aléas de l'existence... Bon, certes, il avait lancé le sujet des Mutants. Avec sa chance, il avait en face de lui une de ces bêtes étranges qui allait lui faire payer ce genre de paroles... En tout cas, il n'était pas en service. S'il s'avérait en effet que William était un des leurs, il ne chercherait pas à avoir d'autres informations - hostile ? non recensé ? Merde, il pouvait être une mine d'informations pour l'Opération ! - et le laisserait passer cette soirée tranquille. Et puis peut-être que William était un humain comme les autres... Il secoua mentalement la tête sous ce genre de pensées, puis but une nouvelle lampée de cette délicieuse vodka.

Le jeune homme alors lui tendit la main en se présentant. Theo mit un instant à réagir. Il enregistra le prénom de son interlocuteur - William, ce n'était pas encore trop démodé, surnom, Will ou Bill, peut-être ? - en le fixant de ses yeux de jade éteints. Il songea sans savoir pourquoi à toutes ces fois où il s'était présenté pour un boulot et qu'il avait du faire bonne impression ; il tendit finalement la main à son tour et serra la sienne franchement.

- " Theo Paradise, enchanté."

Bon. Ce n'était pas exactement ce qu'il avait voulu dire au départ, mais pourquoi pas...

C'était un vieux tic de toujours accoler son nom de famille à son prénom, quand la plupart des gens normaux, comme Wiliam, ne confiaient que le plus important. Après tout, ce dernier se moquait sûrement pas mal de son patronyme dont Theo, pourtant, était si fier ; mais il en avait fait une habitude, une façon d'être. Lorsqu'il était plus jeune, tout le monde autour de lui se présentait comme ça, avec des accents ampoulés et des manières arrogantes, ce qui avait finalement déteint sur lui, qu'il le veuille ou non. Il se rattrapa comme il put :

- " Enfin, appelle-moi juste Theo, hein..."

Il secoua la tête, dérouté par son comportement idiot, avant de se siffler encore une petite gorgée de sa vodka. Son verre était déjà presque vide, mais pour sa défense, Theo avait un sacré entraînement derrière lui et n'était pas prêt d'aller se coucher. Il écrasa sa cigarette qui n'était plus qu'un mégot au bout de ses doigts, avant de se mettre dos au bar, coudes sur le comptoir, pour contempler la salle éclairée.

Son regard d'expert avait déjà repéré quelques minettes qui seraient des plus coquettes à leurs bras, il en était sûr. Il donna un léger coup de coude à William, et les pointa du doigt discrètement. Les jeunes donzelles étaient au nombre de trois, postées à une table dans le coin du bar près de la fenêtre donnant sur la rue. Deux blondes et une brune, qui parlaient fort, riaient fort, et semblaient bien alcoolisées. Des cibles parfaites. Theo les examina encore quelques secondes, décréta que la belle blonde était sa préférée, et se pencha vers William pour lui faire part de son plan.

- " On va les voir, on se fait passer pour des étrangers nouveaux dans la ville. On leur dit qu'on veut un guide pour nous faire visiter. Ah, et la brune est pour moi."

Léger clin d'oeil. Theo vira vers le barman et tapa fermement sur le comptoir du bar pour attirer l'attention de l'homme en tablier.

- " Une bouteille de champagne. Ca, c'est notre sésame." ajouta-t-il à l'attention de William au milieu d'un grand sourire de conquérant.

Lorsqu'enfin le barman eût accédé à sa demande et que Theo récupéra sa belle American Express, il sauta de son tabouret et tira William à sa suite. Sa démarche souple le conduisit sans hésiter vers la table des jolies filles, qui à leur vue arrêtent de jacasser pour les contempler d'un air étonné, parfois intéressé. Le jeune homme tenait devant lui la grosse bouteille de champagne, glacée entre ses doigts.

- " Mesdemoiselles, avez-vous rencontré William ? C'est mon ami ici présent, il ne parle pas très bien la langue... Mais il vous a trouvé très charmantes et aimerais vraiment discuter avec vous. Permettez ? lança-t-il avec un étrange accent français absolument pas convaincant.

Et avant qu'elles puissent répondre, il s'installa à leur table en tirant sur le bras de William pour qu'il le suive. Il commençait déjà à vouloir déboucher la bouteille de champagne.

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MessageSujet: Re: Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse EmptySam 4 Juin - 16:53

Le mec était réellement différent des autres. Un p’tit gars solitaire qui devait vouloir faire le mariole, rien de plus, rien de moins. Il s’amusait avec cette prétendue ressemblance avec ce sorcier en herbes. A croire qu’il était déjà saoul, oui il l’était et William le savait. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il avait prévu de l’aider à continuer à boire en lui offrant un verre de plus. Quitte à bien faire les choses… Le jeunot n’était pas beau à voir, ça c’est sûr. L’employé pouvait sentir autour de lui une odeur déjà bien marquée d’alcool et de tabac : les deux caractéristiques qu’il avait remarqué chez lui, en enlevant bien entendu le comique si attachant du personnage. S’il était dans cet état en étant amoché, cela devait donner quelque chose de marrant à voir en étant sobre. Enfin… les paroles que prononçaient William ne semblaient pas arriver au bon endroit dans la tête de l’inconnu. C’est pourquoi il dut attendre un petit moment, petit moment de flottement soit dit en passant, pour que l’autre réponde quelque chose.

Pourtant lorsqu’il répondit, ce fut épique. William ne put contenir un misérable sourire qui faisait clairement voir la moquerie. Il baissa la tête pour se faire « plus ou moins » pardonner et attendit un peu avant de répondre. Le jeune homme commençait à se plaindre de sa condition qui, d’après ce qu’avait pu voir Will, n’était pas à plaindre. Il était bien habillé, se permettait des virées dans les bars et semblait, hormis l’alcool, avoir une bonne locution. Il devait donc être allé à l’école, non ? En tout cas, il fut intrigué par cette façon de voir les choses. Oui tout le monde craque, lui c’était quelque temps auparavant lorsqu’il s’était fait prendre en otage par Ilona. Il comprenait ce que pouvait ressentir le mec devant lui. Il adressa donc un regard entendu avant de réellement prendre en compte la fin de la phrase. Avait-il quelque chose contre les mutants ? William n’en avait pas tellement, d’ailleurs il ne savait pas où se placer dans cette histoire de mutant, pas mutant, méchant, pas méchant… C’en devenait presque LA question de tous ses raisonnements. Il choisit correctement ses mots avant de répondre pour ne pas provoquer de contresens dans sa phrase : ni sympathisant, ni contre.

    « Je viens ici pour passer le temps, tout simplement. On y fait des rencontres agréables avec le temps. »


La poigne du jeune homme était ferme, sans hésitations apparentes. Il appréciait cela. Et le jeu de mot créé par sa présentation surpris le jeune homme. Son visage s’éclaira un instant avant de redevenir impassible. Il répondit un « de même » à la courte présentation de Paradise avant de s’enfoncer dans ses penser tout en montant son verre à la bouche. Etrange de trouver quelqu’un avec un nom comme ça. Remarque de nos jours… Tout était possible, non ? Il rectifia sa parole en précisant que Théo suffisait pour lui parlait. De toute façon, il n’avait pas l’intention d’accorder au jeune homme le titre de monsieur Paradise. Cela ne ferait que montrer une pseudo-hiérarchie entre les deux hommes.

Puis William sentit le coude venir rencontre le sien. Il dirigea son regard sur la source de l’intérêt de Théo, pantois. Trois jeunes femmes se tenaient dans un coin du bar et riaient à grands éclats. Will comprit de suite les intentions du jeune homme et se dit : ma foi, pourquoi pas. Il concéda donc avec une pointe de curiosité jusqu’à ce qu’ils arrivent à la table et que les demoiselles se taisent subitement. Le flot de paroles que sortait Théo était incompréhensible même s’il réussit à capter quelques mots comme son prénom. Le problème est qu’il ne parlait pas d’autre langue que l’anglais. Certes avec le fort accent australien mais n’empêche, comment pouvait-il faire cela. Et puis surtout, passer pour l’Etranger alors que mônsieur se prenait toute la gloire, non, non du tout. Il tenta donc de retourner la situation comme il le pouvait alors qu’ils venaient de s’installer à la table.

    « Ne l’écoutez pas, il est un peu amoché. Je suis peut-être étranger des Etats-Unis mais je parle très bien l’anglais, moi, dit-il en terminant sur une prononciation accentuée. Vous êtes du coin ? Ah… des verres. »


Il se leva pour aller chercher quelques verres au bar. Le barman ne lui fit pas de grand sourire accueillant mais lui céda son pécule. Puis en revenant il vit que la bouteille était déjà débouchée et prête à être vidée. Il aligna les verres sous la bouteille tandis que Théo remplissait. Et une idée vint germer dans sa tête. Elles étaient trois, Théo avait donné préférence pour l’une d’entre elles et Will n’en avait pas en favorite, il se dit donc que les deux autres pourraient être siennes, non ?

    « Dites, vous croyez que vous pouvez nous servir de guide pour un temps ? Ca serait l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Au passage, je suis Australien, et vous ? »


Théo devait être dans son élément. Will du tout. Il n’aimait pas faire son aguicheur comme l’autre pouvait le faire. Cela le mettait mal à l’aise parce qu’il ne pouvait pas se lâcher, ne se donnant qu’à la bonne parole. Seul l’alcool pouvait l’aider à être un peu moins sérieux. Il prit donc son verre, trinqua avec les autres et siffla d’une traite son verre.

    « Au passage, il ne faut pas lui en vouloir… il est un peu limité dans sa pensée… »


Et il se mit à pouffer littéralement en se tenant les côtes. Quitte à jouer avec Théo, autant que les deux prennent. Il savait que de toute façon la répartie allait bientôt arriver. Mais cela l’amusait et les filles aussi puisqu’elles s’étaient regardées et avait pouffé comme Will le faisait. Pas moyen de s’arrêter. Après tout c’était une blague, non ? Théo devait surement en être conscient de toute façon. Aguicher, c’n’est plus facile de nos jours. Tous en étaient sûrement conscient.

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Theo Paradise

Theo Paradise
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Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Vide
MessageSujet: Re: Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse EmptyMer 6 Juil - 20:38

A contrario de William, Theo était parfaitement à l'aise sur le terrain de la drague éhontée. Il avait grandi avec l'idée générale que les hommes et les femmes étaient faits pour s'entremêler continuellement - et voyez un peu la classe de cette phrase - et lui surtout, avec tous les individus de sexe féminin qui croisaient son chemin. Et pourquoi pas ? Il était jeune et célibataire, et persuadée d'avoir un physique ravageur qui faisait tomber n'importe qui à ses pieds. Ivre, ce sentiment de puissance séductrice était décuplé par milliers, et c'est déjà chaleureux, proche et extatique que Theo se laissa glisser près des jeunes filles, la bouteille glacée rendant ses doigts tactiles. Ses yeux affamés ne quittaient plus sa proie de la nuit, qui elle, malheureusement, traquait souvent le pauvre William qu'il avait tenté de faire passer pour un étranger. Son homologue masculin répliqua d'ailleurs très vite, détruisant son petit plan et s'attirant un regard noir du jeune photographe. Ce dernier attendit qu'il parte chercher des verres, avant de se pencher vers les filles avec un air de petit délateur :

- " Ne faites pas trop attention à William... Il est un peu mythomane, mais très gentil !"

Les filles le regardèrent avec de grands yeux surpris, rappelant avec fraîcheur l'expression "merlan frit" à Theo. Elles n'avaient pas semblé remarquer que son étrange accent avait disparu, remplacé par l'éloquence traînante et prétentieuse de sa voix naturelle. Theo tourna les yeux vers le bar, remarqua que William n'en avait plus pour longtemps et s'attela donc à déboucher cette splendide bouteille de champagne, qui n'attendait plus que leurs bouches avides. L'autre jeune homme revint vite s'asseoir parmi eux, et aligna les coupes pendant que Theo s'attelait au service, jetant des regards coquins à sa belle qui avait fini par comprendre son attention particulière. Il leva son verre comme les autres et adressa un petit sourire à William en trinquant avec lui. La proposition qu'il venait de faire paraissait parfaite à Theo, et celui-ci n'attendait plus qu'un aval des donzelles éméchées. Il crut bon de rajouter, pour sans doute donner un peu de poids à l'argumentaire de William :

- " Mais quelle bonne idée, brave William ! Et si vous nous accompagniez en ville après la bouteille ?"

Theo haussa les épaules, le visage magnifiquement innocent, avant de se cacher derrière sa flûte. Les filles s'échangèrent des regards indécis, des petits sourires à leurs lèvres dodues, pouffant toutes les dix secondes de l'attention précise témoignée par ces deux inconnus. Elles commencèrent par répondre à William en leur disant qu'elles étaient toutes trois nées à Achaea - à cette phrase, Theo ne put s'empêcher de ricaner à son tour, trouvant le fait particulièrement triste et pathétique. Mais bien sûr, il garda cela pour lui-même.

Alors qu'il siphonnait à grosses gorgées son pauvre verre, William sortit alors sa petite blague du jour en le faisant passer pour un dégénéré fini. Manque de chance pour Theo, cette déclaration le fit toussoter, presque recracher sa gorgée, et il dut s'abriter derrière une main pudique pendant que la troupe se moquait de lui. Très vite, il sentit une forte montée de colère engourdir ses muscles, et plus les autres riaient, plus il paraissait piqué dans son orgueil. Hé oui, Theo était arrogant, imbu de lui-même, et surtout effroyablement susceptible. Qu'on le descende ainsi en public lui apparaissait très déstabilisant, agaçant, dangereux. Et pourquoi William réagissait ainsi ? Parce qu'il s'était lui-même un tout petit peu moqué de lui... ?

Ce fut cette prise de conscience qui désamorça la bombe-Theo. Quand il posa ses yeux fuligineux sur William qui se tordait de rire, il ne put s'empêcher de se mettre à sourire à son tour, indolent et dédaigneux. Il ne faisait pas cela pour le provoquer vraiment, et il n'avait pas à se sentir attaqué. Il plaisantait... et bien que l'idée qu'on plaisante à son propos ne lui plaisait pas particulièrement, Theo soupira en laissant sa tête glisser vers l'arrière. Il lui accordait ce point.

- " Au passage, il ne faut pas lui en vouloir non plus... Il est un peu limité dans ses moyens. Je serai le portefeuille ce soir, uhmm ?"

Il était déjà étonnant que Theo ne se soit pas précipité pour rétablir le fait que non, définitivement non, il n'était pas stupide. Il se targuait même à penser qu'il avait deux doigts d'intelligence, mais pour qui serait-il passé s'il avait tenté de débattre sur ce sujet... ? Tout le monde était un peu ivre - en son sens, sauf peut-être William qui avait l'air de tenir la forme - et personne ne comprendrait rien. Autant passer pour le petit richou prétentieux, il adorait cette idée, même si les filles se regardaient entre elles, la main devant la bouche, l'air de penser qu'elles étaient tombées sur un jeune héritier prétentieux dont la présence n'était pas forcément des plus agréables. Theo se rattrapa en se redressant sur la banquette, lançant des sourires candides à tort et à travers et remplissant tous les verres vides de la table.

- " Alors mesdemoiselles, qu'est-ce qui vous plairait ? Une balade sur un fleuve ? Un saut en élastique ? Une bague en diamant ?"

A mesure qu'il énonçait ces propositions farfelues, Theo recentrait son regard sur la petite brunette qui lui faisait le plus d'effet, et qui elle aussi ne cessait de le fixer. Alors qu'il goûtait encore au délicieux champagne, cette dernière lui lança d'une voix rendue un peu maladroite par la boisson :

- " Mais... Tu n'avais pas un accent français, tout-à-l'heure ??!"

L'un des sourcils du jeune homme se haussa sur son front tandis qu'il tentait un regard vers William. Les deux compagnes de la fille, après un nouvel échange de rires de bécasses et d'oeillades indiscrètes, finirent par se tourner d'un bloc vers le photographe. Theo toussota avant de reprendre d'une voix mielleuse, chaude et invitante :

- " Ne raconte pas de bêtise, ma petite Kitty..."
- " Je m'appelle Jessica..." commença-t-elle.
- " Tu n'es pas très aimable, Jessy. Qu'en est-il de cette proposition de nous servir de guide ?"

Laissant les filles à leurs réflexions, Theo se tourna à demi vers William pour lui lancer le regard type "ohmerdemerdemerde, je crois qu'on a pas choisi les bonnes, là", avant de lever la main cavalièrement vers le barman.

*****

Du temps s'était encore écoulé, sous les rires et les boissons aux divers degrés d'alcool. La trotteuse de la pendule accrochée au-dessus du bar avait fait des milliers de rotations tandis que l'établissement se vidait de sa clientèle tardive. Il ne restait plus que cette table remplie de jeunes gens ivres et excités, vers qui le barman se dirigea pour la sixième fois en leur sommant de quitter les lieux. C'était l'heure de fermeture.

- " Ca vaaaaaa, on y vaaaa mec ! Relaaaax !" singea un Theo décidément bien atteint, le bras autour des épaules de la brune, pliée en deux de rires. Dans sa main il tenait une nouvelle bouteille de champagne, abandonnant les cadavres qu'ils avaient entassé sur la table.

Les filles avaient fini par accepter de leur servir de guide, et c'est d'ailleurs vers cette petite visite nocturne qu'ils semblaient se diriger. Theo se leva difficilement de la banquette, tanguant énormément et soufflant son haleine chargée d'alcool tout autour de lui. Ca n'avait pas l'air de gêner son amie dans le cou de laquelle il perdait volontiers sa bouche. William s'était plutôt intéressé aux deux autres, s'il se souvenait bien...

Levant la bouteille au-dessus de sa tête, arrosant William de quelques gouttes dorée, le jeune homme s'exclama, les vêtements un peu défaits, les cheveux volages :

- " En route pour Achaea ! Je conduis ! Vous allez voir ma beeeelle voiture !"


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